2018
Pourquoi, dans la Chapelle des Scrovegni, dans un cycle de peinture dédié au « sacré » par excellence (la Vie du Christ et le Jugement Universel), Giotto représente-t-il la Justice et l'Injustice en position centrale, également d'un point de vue physique, en les représentant avec des formes et des attributs parfaitement terrestres, laïques en somme? Voyons un peu. 2 Giotto personnifi e la Justice, et la personnifi cation de cette vertu suprême correspond à un emploi très antique et généralisé: dans la Grèce antique Némi, fi lle d'Uranus, personnifi ait la justice et dans la représentation courante elle présentait la corne d'abondance et la balance; auprès des Égyptiens il y avait Maat, fi lle du dieu Rê, qui portait aussi une balance. Giotto donne à sa Justice les formes d'une femme couronnée, bienveillante, séduisante même, qui agit comme étant elle-même une balance (qu'en fait elle ne possède pas, ainsi que l'épée). C'est ainsi que, dans chacune de ses mains, elle tient un plat. Dans l'un (le plat à gauche de l'observateur) il y a un jeune homme ailé qui couronne un bon, 3 dans l'autre (le plat à droite de l'observateur), il y a un vieux ailé qui décapite un méchant. En face de la Justice, Giotto représente son contraire, l'Injustice, en la personnifi ant dans un homme âgé mais vigoureux encore, vêtu d'une toge, en toute probabilité un juge, dans une attitude qui vise à en souligner la personnalité cruelle et perverse (à tel point qu'il se désintéresse des crimes qui sont commis juste au-dessous de son siège, dans une scène non encadrée qui constitue un continu avec la fi gure supérieure): en eff et, les nombreux arbres qui entourent ce sinistre personnage structurent le contexte favorable au guet-apens. Il s'agit ici d'une iconographie qui, de toute évidence, « lit » l'Éthique à Nicomaque d'Aristote.