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Ville et Reproduction

1988

Ce Cahier du C3E constitue la version primitive d'un chapitre de thèse d'Etat en cours sur « Marchés fonciers et dynamiques urbaines ». Il a pour objet de présenter une représentation de la ville susceptible d'appuyer une nouvelle approche du marché foncier urbain, mais ne traite pas directement de la quest ion foncière en tant que telle. Il représente le développement des conclusions avancées il y a dix ans dans ma thèse de troisième cycle, et reprend en partie une communication à un colloque du C.S.U. de 1980 sur « Les équipements collectifs et la formation des villes ». La nouveauté par rapport à ces travaux antérieurs consiste dans la référence explicite à une problématique de la reproduction telle que développée dans la pensée classique, d'Adam Smith à Marx, en passant par Sismondi et Torrens (mais à l'exclusion de Ricardo). Concevoir la ville comme espace de reproduction du capital permet à mon sens de situer le marché foncier à l'interface des marchés urbains et de l'accumulation immobilière. La majeure partie de ce texte a été discutée avec Philippe Aydalot lors de ce qui devait être nos deux derniers rendezvous. En écrivant cela, je n'entends nullement suggérer qu'il en eût intégralement approuvé le contenu-au contraire, il avait manifesté une réticence à certains aspects de la démarche, trop « globaliste » à ses yeux-mais simplement indiquer que ce contenu se serait certainement enrichi du produit de discussions ultérieures si sa brutale disparition ne les avait à jamais rendues impossibles. Pour autant que ce travail se fait néanmoins l'écho-malgré les réticences signalées par ailleurs-de certaines de ses préoccupations fondamentales, en particulier la volonté d'affranchir l'économie urbaine des étroites limites que lui assignent les théories de l'équilibre spatial, je souhaiterais qu'il fût considéré comme un modeste hommage à son infatigable activité de chercheur. Christian Tutin, Juillet 1987 Trente ans après Un peu plus de trente ans après sa rédaction, et grâce à la magie d'un logiciel de reconnaissance de texte, voici ce texte rendu à la vie, et peut être à une seconde existence, numérique cette fois. Cela valait-il la peine ? Car daté, il l'est assurément , et marqué par une certaine lourdeur idéologique bien caractéristique des études urbaines dans la France des années 1980. Pour autant, il avance un certain nombre de propositions et défend certaines idées qui me semblent toujours aussi valables , et justifient peutêtre sa rediffusion. A commencer par la nécessité de sortir l'économie urbaine du champ clos de l'économie. La naissance et le développement des villes n'est pas le résultat de processus économiques d'arbitrages individuels. S'il est un domaine où la prégnance de structures modèle les comportements et contraint les actions, c'est bien celui de l'urbain. Le contenu spatial des villes renvoie à une matérialité faite d'un empilement de strates successives de capitaux accumulés au long d'une histoire jamais achevée. Ces capitaux, dont la disposition dans l'espace forme en quelque l'armature de la structure urbaine, relèvent de deux catégories : celle des capitaux immobiliers, de nature marchande, et d'usage privé (logements, bureaux et locaux d'activité divers) et celle des capitaux « urbains », de nature « publique », et d'usage commun. Supports de la socialité urbaine, ces équipements collectifs so nt ceux qui, par leur variété et leur densité, déterminent le type de ville et sa place dans la hiérarchie urbaine. Chaque ville peut être caractérisée par la grappe partic ulière d'équipements sur laquelle elle a pris racine. Cette idée me semble conserver toute sa pertinence.