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In memoriam Viviane Alleton

2018

Abstract

Paru in ÉTUDES CHINOISES Revue de l'Association française d'études chinoises Vol. XXXVII-2 (2018) Voilà déjà plus d'un an, le 16 mars 2018, que Viviane Alleton nous a quittés. Nombreux sommes-nous à l'avoir eue pour collègue, professeure ou amie, à avoir eu la chance de bénéficier de son écoute, de ses conseils, de l'énergie constructive qu'elle savait, plus que tout autre, mettre dans ses échanges amicaux et intellectuels. Ce n'est pas sans émotion que je voudrais rappeler brièvement à notre mémoire le riche parcours qui a été le sien. Née en 1930 d'un père polytechnicien et d'une mère juriste, elle grandit dans une famille où rationalité et savoir faisaient bon ménage, dans un milieu où accomplissement intellectuel et réussite professionnelle pour une femme ne posaient guère de question. Évoquant sa famille, elle revenait souvent sur la forte personnalité de sa mère près de laquelle elle sut forger sa propre capacité à exprimer des choix clairs et assurés. De son enfance, elle se souvenait nettement de l'effroi occasionné par l'invasion allemande et de l'exode qui la poussa avec une partie de sa famille à trouver refuge hors de Paris. Elle évoquait également les visites régulières à une parente « originale » qui l'initia précocement à la lecture des grands romanciers russes. Elle gardera sa vie durant un goût immense pour la littérature, sous toutes ses formes et origines. Sortie de l'enfance, elle trouvera dans l'étude puis la vie académique les moyens de dépasser, sans renoncement ni défi, nombre d'injonctions sociales qui auraient pu contrarier ses aspirations. Jeune étudiante, elle s'intéressa d'emblée à l'histoire contemporaine et aux relations internationales. Elle fut une observatrice active des liens naissants qui allaient former l'Union européenne. Pour autant, elle ne perdit pas de vue la complexité de ce qu'étaient devenues les relations des parties occidentale et orientale de l'Europe. L'intérêt qu'elle porta par la suite à la Chine vint prolonger celui qu'elle eut pour l'Europe d'après-guerre, comme une possibilité de penser le monde de manière plus large et plus nuancée. Les forts liens familiaux qui l'ont unie à son mari et ses quatre enfants n'ont fait que renforcer la confiance qu'elle avait dans la conduite de ses projets. Forte de leur soutien, elle accepta, durant les mois qui précédèrent la révolution culturelle (1966-1976), de faire partie d'un des tous premiers contingents d'étudiants et stagiaires français envoyés en Chine. Dès son premier séjour en Chine, elle fut affectée à l'Université de Pékin où elle put suivre les enseignements de Zhu Dexi (1920-1992) et Lu Jianming (1935-~) qui comptaient déjà parmi les meilleurs spécialistes de chinois contemporain de leur génération. L'importance des enjeux linguistiques qui se jouaient en Chine se révélait être hors du commun. Les réformes de l'enseignement devaient imposer une langue standardisée à tout le territoire, s'accompagnant d'une simplification orthographique modifiant la perception et la diffusion de l'écrit à une échelle inégalée. Aborder la Chine en tant que grammairienne du chinois contemporain permettait alors de rejoindre le (seul ?) espace en sciences humaines et sociales en Chine qui, de par sa relative autonomie, n'avait pas eu à subir de remise en cause radicale. De cet espace, il était cependant possible de réparer certains a priori linguistiques dus à une longue tradition philologique qui, aussi bien en Chine qu'en Occident, avait survalorisé la langue écrite classique au détriment de la langue parlée (sous ses différentes variantes dialectales). C'est en moderniste résolue qu'elle a entrepris d'interroger la langue et l'écriture chinoises, s'efforçant de montrer en quoi l'une et l'autre se laissaient appréhender par les analyses rationnelles les plus universelles. Dans le cadre d'une présentation critique de

Key takeaways

  • Cette étude donna lieu à un ouvrage pionnier sur la question intitulé Les Adverbes en chinois moderne (Mouton 1972).
  • Un tel sujet s'inscrivait dans la continuité d'une partie du travail qu'elle fit sur les adverbes où elle eut à traiter des adverbes à contenu modal.
  • » 2 Parallèlement à ses travaux de syntaxe et sémantique du chinois moderne, elle mena de manière assidue une réflexion sur l'écriture chinoise.
  • Marginalement, dans la continuité de ses préoccupations lexicologiques, elle porta un intérêt à la fois sémiologique et anthropologique à l'onomasiologie chinoise qui déboucha sur la parution en 1993 d'un ouvrage remarqué sur les noms propres en Chine : Les Chinois et la passion des noms (Aubier).
  • J'évoquerai enfin son action au sein de l'Ecole des hautes études en sciences sociales en mentionnant son rôle à la tête de la division « Aires culturelles » où, avec un remarquable sens de l'échange et de l'intégration, elle orchestra la vie de plusieurs centres de recherche.