2018, L’urgence et l’effroi
La Résistance, le temps, l'espace : réflexions sur une histoire en mouvement Alya Aglan L'histoire ne peut être réduite à la séparation entre les faits et les discours sur les faits. Comme le souligne Reinhart Koselleck, le fait historique est « un événement qui se compose toujours d'éléments d'action extra-langagiers et langagiers 1 ». Ce qui distingue le fait historique tient précisément à cette particularité : lorsqu'il est historique, le fait est toujours déjà doté d'un sens, donc d'un discours. Certes, l'historien ne se contentera pas des interprétations que les acteurs confèrent à leurs propres actions, mais il est contraint de les prendre pour points de départ de son analyse. « Le discours parlé (ou le texte lu) et l'événement en train de s'accomplir ne peuvent être disjoints in actu, mais seulement distingués analytiquement 2. » Comme l'écrit Pierre Guillain de Bénouville en mai 1945 : « La Résistance était un groupe de Volontaires qui comptaient renouveler le monde de demain, et ne pas se séparer au jour de la Libération 3. » La perception du temps comme critère d'analyse Si la perception du temps détermine les formes et le moment de l'activité résistante, il s'agit de repérer, dans le discours résistant, les relations qu'entretiennent passé, présent et avenir, à partir des sources disponibles. Avec l'hypothèse que le temps a été un critère majeur de détermination de l'engagement résistant, l'étude de la Résistance peut alors dépasser, sans les annuler ni les réduire, les dualismes désormais classiques de l'historiographie(gaullistes/communistes, réseaux/mouvements, activisme/attentisme), même s'ils restent valables comme éléments de distinction, tout comme le couple intentionnalité/fonctionnalité mis en évidence par François Marcot 4 , qui sépare avec pertinence la « Résistance-mouvement » de la « Résistanceorganisation ». En prenant le temps comme critère de distinction entre les groupes résistants plutôt que les divergences d'opinions et de doctrines politiques ou encore les différentes formes d'organisations existantes, une typologie transversale des acteurs peut alors être tentée 5 .