2010, Agôn. Revue des arts de la scène
Entretien réalisé par Lise Lenne et Barbara Métais-Chastanier Contrairement à ce qu'avait pu affirmer la journaliste d'un grand quotidien national, la soirée passée au théâtre de la Bastille en compagnie du collectif l'Avantage du doute et de Pieter de Buysser et Jacob Wren ne fut pas une soirée perdue. Au contraire. Désarmante par son manque de regard, d'argument et de longueur de vue, cette critique d'Armelle Héliot 1-« critique dramatique » au Figaro-n'en est pas moins révélatrice, si ce n'est symptomatique, d'une attitude plus diffuse et délétère, qui fait de l'état de fait un état de droit et s'assoit avec délice sur les distributions consensuelles de la parole et du pouvoir. Car c'est bien ce que prenaient à bras le corps les deux propositionstoutes deux fort différentesde cette programmation en diptyque de Tout ce qui nous reste de la révolution, c'est Simon (L'Avantage du doute) et de l'Anthologie de l'optimisme (Pieter de Buysser et Jacob Wren), époussetant d'un côté la poussière des héritages (mai soixantehuit et la critique de l'optimisme au siècle des lumières), pour mieux disséquer de l'autre les conditions de possibilités d'une émancipation contemporaine. Dans l'article du Monde Diplomatique, daté du mois de mai 2010 et consacré à Noam Chomsky, Jacques Bouveresse citait les propos de George Henrik qui répondait « à la critique selon laquelle l'expression du pessimisme crée de l'inquiétude et a pour effet de paralyser l'action : « Il en est bien ainsi dans une certaine mesure. Mais je trouve beaucoup plus irresponsable et en même temps plus paralysant pour l'action un optimisme qui pense qu'on peut tranquillement laisser l'évolution se poursuivre, en grande partie comme auparavant, dans la certitude que davantage de recherche, une nouvelle technique et le libre jeu des forces du marché remettront finalement tout à la bonne place. J'ai l'impression que c'est dans un tel optimisme de l'impuissance que les gouvernements ont sombré, et c'est en lui qu'ils essaient d'endormir les masses humaines qu'ils dirigent 2. » Le constat poétique et joyeux délivré par Jacob Wern et Pieter de Buysser s'érige lui aussi sur une remise à plat de cet « optimisme de l'impuissance », strict pendant d'un pessimisme attentiste, dans un spectacle qui se présente comme une défense et illustration de l'optimisme critique 3 dans toutes ses formes de manifestations, depuis « nos relations intimes et personnelles jusqu'aux réalités politiques mondiales. » (J. W. et P. B.) L'émancipation engagée par les fictions que nous propose l'art, qu'il soit ou non théâtral, ne prend pas toujoursrarement pourrait-on ajouterle visage terroriste et 1