2008, Perspective
Le célèbre autoportrait peint par Albrecht Dürer en l'an 1500 (Munich, Alte Pinakothek) condense, sans doute comme aucune autre oeuvre d'art de l'Europe du Nord, divers éléments picturaux qui en font l'une des oeuvres clés de la Renaissance au nord des Alpes. En homme de savoir et conscient de sa valeur, Dürer construit la représentation de son propre visage en se fondant sur des calculs géométriques, se servant pour cela d'une typologie jusque-là réservée aux représentations du Christ, puis rédige un texte en latin érudit et l'inscrit en caractères d'imprimerie humanistes sur le panneau. Ainsi, il est en quelque sorte possible d'y déceler le prototype de l'image de l'artiste des Temps modernes en Europe du Nord, celui d'un humaniste qui a réussi à se détacher du système des gildes médiévales 1 . Cette oeuvre majeure de la peinture européenne peut être considérée comme une icône de la césure d'une époque, qui sépare le gothique de la Renaissance vers 1500. De même, la naissance du futur empereur Charles Quint à Gand le 24 février de la même année constitue un événement qui peut à juste titre cristalliser la césure entre le bas Moyen Âge et le début des Temps modernes. En effet, ce Charles Quint, qui succède en 1521 à son grandpère Maximilien I er -le « dernier chevalier » dont les intérêts et les actions contradictoires semblent également marqués par les antagonismes du Moyen Âge et des Temps modernes 2 -, parvient à porter les frontières de l'immense empire dont il a hérité jusqu'au Nouveau Monde. Cependant, à la suite de la Réforme, il ne peut empêcher la division définitive et durable du christianisme occidental en blocs confessionnels 3 . L'autoportrait de Dürer et l'événement historique de la naissance du futur empereur à Gand sont au même titre des symboles évidents de la césure entre les périodes autour de 1500, l'un relevant plutôt de l'histoire de l'art, l'autre s'inscrivant dans une perspective historique.