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« Faire l’auteur » autrement

Critique d’art

Abstract

S'il fallait en croire le Dictionnaire des idées reçues, le critique, c'est bien connu, est « censé tout connaître, tout savoir, avoir tout lu, tout vu ». La voix de la doxa portée par Flaubert fait briller, non sans perfidie, ce frisson d'omniscience que le nécessaire opportunisme de la critique pourrait bien en effet mettre en jeu. La critique, pratique impure, prédatrice, mixte, arlequine… Le présent numéro ne manque pas d'alimenter le pari méthodologique, voire le vertige épistémologique, qui fait sans doute le délice de ceux qui s'y adonnent, d'une indiscipline construite. Le paysage éditorial et l'atmosphère théorique de saison entretiennent nos intranquilités, occupées aux lectures qu'un nouveau sommaire de Critique d'art ne manque pas d'élargir. Mais nos intranquilités ont aussi à faire à tout ce qu'un sommaire de la revue ne saurait contenir… C'est là sans doute que se cheville le souci critique, dans l'interrogation permanente de son hors-champ, de son extériorité, de son impensé, souci dont découle, serait-ce sous forme de mauvais procès, l'appétit de totalité qu'ironise le Sottisier. Lequel d'ailleurs renvoie aussi la figure du critique (« Quand il vous déplaît, l'appeler Aristarque ») à celle du philologue et du bibliothécaire (d'Alexandrie, en l'occurrence), toujours armé de cette verve ambiguë qui fait que, comme Flaubert le souhaitait, « le lecteur ne [sait] si l'on se fout de lui, oui ou non 1 ». Bref, avec ou malgré Flaubert, accordons-le sans barguigner : quelque chose d'une exaspération gnoséologique habite le critique, et en tout cas le méta-critique. Très concrètement, la question travaille Critique d'art et chaque réunion de rédaction tend à faire vibrer les bornes du territoire bibliographique qu'embrasse la revue-et sans doute ne les déplace-t-elle jamais assez. Le rêve du bibliographe est toujours rempli d'un désir babélien, le syndrome Aristarque de bibliographie universelle ! Mais l'héritage des Lumières a terni, et avec elles la chimère de l'Universalisme, mondialisation aidant 2. Critique d'art ne saurait pour autant se passer d'interroger les modes disciplinaires les plus incertains et les modalités de discours qui échappent même à son intelligence classificatoire. Et puisque l'éditorialiste peut s'autoriser d'un léger surplomb, il viendrait volontiers prendre celle-ci à défaut, ou au moins jouer de ses angles morts. La réflexivité critique mène par exemple à prendre à revers une opposition structurelle de nos numéros, dont l'index (précieux index !) porte la marque. Il liste deux types d'entrées : les Auteurs d'une part ; de l'autre « Faire l'auteur » autrement Critique d'art, 34 | Automne 2009