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Pour une sociologie politique de la nuit

Cultures & conflits

Abstract

D ans les représentations communes, la politique est implicitement associée au jour. Aussi les spécificités du temps social nocturne, ses appropriations et sa régulation sont-elles rarement prises en compte dans l'étude des activités politiques, du moins dans le cadre des sociétés étatiques. Comme le souligne Thomas Fouquet dans un dossier consacré aux « paysages nocturnes de la ville » en Afrique de l'Ouest, la question des temporalités est « rarement envisagée sous l'angle du rythme nycthéméral (l'alternance jour/nuit), au profit des usages sociaux et politiques du temps sur des durées plus longues 2 ». En science politique, les réflexions sur les « temporalités du politique 3 » ou de l'action publique conçoivent le temps au regard de son écoulement et de son séquençage (construction des carrières politiques, changements en matière 1. Ce dossier dans Cultures & Conflits est le prolongement d'un séminaire mis en place au cours de l'année 2013-14 et d'une section thématique sur « l'ordre social nocturne » organisée lors du congrès de l'Association française de science politique à Aix-en-Provence en juin 2015. 2. Fouquet T., « Paysages nocturnes de la ville et politiques de la nuit. Perspectives ouest-africaines », Sociétés politiques comparées, n° 38, janvier-avril 2016, p. 2. [http://www.fasopo.org/sites/default/files/charivaria1_n38.pdf, consulté le 11 avril 2017]. .

Key takeaways

  • Ce sont ces différentes dimensions politiques de la nuit que le collectif CANDELA cherche à explorer.
  • Comme le souligne le travail réalisé par Camille Guenebeaud, Aurore Le Mat et Sidonie Verhaeghe (collectif CANDELA) sur les rapports sociaux de sexe dans l'espace public nocturne à Lille, il n'y a rien là de spécifique à la nuit mais les rapports de domination sont plus fortement ressentis la nuit (voir encadré n°1).
  • Avant de penser la nuit comme un « levier de connaissance », le collectif CANDELA l'avait d'ailleurs initialement envisagée comme une les espaces publics la nuit 50 , cela renvoie les femmes à certaines places (les foyers, les familles), là où elles sont censées être en sécurité.
  • Au-delà du cas de ces jeunes femmes sénégalaises, les trois contributions qui portent sur la nuit festive (T. Fouquet, E. Walker, A. Zaytseva) livrent une image ambivalente des établissements « récréatifs » nocturnes : à la fois espaces marchands et espaces de sociabilité, espaces privés et espaces publics, espaces relativement autonomes par rapport aux autorités et espaces d'une coproduction du maintien de l'ordre fondée sur la « responsabilité sociale » des tenanciers, garants de la « bonne » alcoolisation 66 … Alors que, dans les représentations, la nuit festive apparaît souvent comme l'espace des transgressions, de la mise à distance des rôles (professionnels notamment) et de la remise en cause de l'ordre social , on y constate une sélectivité sociale et spatiale des pratiques nocturnes, également mise en évidence dans l'enquête de CANDELA sur la fréquentation des bars lillois (voir l'encadré n°3).
  • Pour une sociologie politique de la nuit -CANDELA 27 rapport au temps, le rapport à la nuit demeure différencié selon les groupes sociaux et reste le produit de socialisations plurielles 77 .