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Doctorales 58, 2018
Le mouvement phénoménologique se présente, à sa naissance, comme une pensée critique. Husserl propose une méthode de suspension du jugement dont l'objectif est d'écarter les présupposés culturels et les théories infondées, au profit d'un retour aux principes ultimes de la connaissance. Les principes identifiés n'étant pas postulés de façon arbitraire, mais enracinés dans un vécu adéquat. Le vécu intuitif, ou vécu de l'évidence, fait alors office de fondement : c'est le mode de manifestation des idées et des choses « elles-mêmes » à ma conscience. Les choses me livrent, dans l'évidence, les clés de leur intelligibilité. Pour certains héritiers de Husserl, la recherche de l'essence du vécu se fera aux dépens de la connaissance rationnelle, et en dehors de tout cadre cognitif. Dans les deux cas-que l'on cherche le fondement stable des connaissances scientifiques, ou que l'on dénigre les sciences au profit d'une donation plus originaire des choses-on trouve un fonds commun : l'existence d'une forme universelle du vécu. Ce formalisme très particulier ne cessera d'être un lieu de débat pour les phénoménologues. Si le vécu de conscience est soumis à des lois, s'il est réglé, comment faire face à des événements qui par nature excèdent nos catégories, ainsi que tous nos schémas habituels de pensée ? Les héritiers de Husserl répondent en intégrant au sein du vécu phénoménologique les vécus perçus comme moins normés, à savoir la vie personnelle et affective. Mais la description d'un vécu a-logique, a-rationnel, ne conduit-elle pas à établir une structure (malgré tout) universelle du vécu singulier ? Le fait pour une chose de se manifester à ma conscience peut-il réellement échapper à tout cadre normatif ? Comment, à partir d'une telle légalité du vécu, avoir accès à l'autre ? Quelle altérité m'est alors donnée ? Une phénoménologie tournée vers l'événementialité et l'affectivité pose incidemment l'existence d'une altérité a priori : une structure universelle du vécu singulier. Cette altérité ne se constitue pas sur la base d'expériences empiriques particulières, mais au contraire les précède et les rend possibles. « Altérité a priori », l'expression a quelque chose de dissonant, peut-être même choquant. Dans quelle mesure les vécus peuvent-ils être « les mêmes » en leur altérité ? Par rapport à quelle norme sont-ils « autres » ? Ou à quelle norme obéit-paradoxalement-la structure de l'altérité ? La problématique qui met en avant l'altérité dans son acception la plus large, pouvant réunir un ensemble très divers et sans doute éclectique, rencontre une objection
Ligeia, 2009
Le fondateur de la phénoménologie, Edmund Husserl, philosophe allemand ou plutôt germanophone originaire de la Moravie, a célébré le XX e siècle naissant en publiant ses six Recherches Logiques. La deuxième était entièrement consacrée à l'abstraction et aux théories afférentes. C'était un ouvrage savant qu'on ne pourrait taxer de "pré-phénoménologique", qu'en sachant où cette voie devait mener son auteur. L'abstraction y est traitée pour l'instant exclusivement de manière traditionnelle (sinon scolastique), c'est-à-dire du point de vue de la formation des notions générales, notamment scientifiques : Begriffsbildung. Comment la pensée déduit, en les abstrayant, certaines qualités de l'objet et les élève au niveau d'une notion ? Douze ans plus tard, en 1913, le tirage étant épuisé, il réédite ses Recherches logiques et en profite pour les corriger. Quand on a en tête les événements qui, dans l'histoire de l'art, séparent l'an 1901 de 1913, il n'y a rien d'étonnant à ce que les modifications du texte intervenues dans la deuxième édition témoignent d'un bouleversement dans la perspective husserlienne sur l'abstraction. Nulle doute que la raison provienne de sa découverte de l'art abstrait, dont l'amateur d'art Edmund Husserl a pris connaissance en visitant des galeries, en parcourant les nouvelles revues d'art et en s'intéressant à l'oeuvre, entre autres, de son compatriote tchèque (bohémien, lui, né à quelques 200 km de la ville natale de Husserl et une douzaine d'années son cadet) František Kupka. Commence alors une longue histoire de connivence entre la phénoménologie et l'art abstrait qui ont trouvé, l'un dans l'autre, leurs partenaires et interlocuteurs privilégiés. Que mes auditeurs et lecteurs me pardonnent cet exercice de virtual history ou plutôt cette boutade. Husserl fut un homme, comme on dit, cultivé, mais son amour de l'art n'a jamais enfreint ses voeux de fidélité à Beethoven, Dürer, Raphaël, Titien ou Michel-Ange. De Kupka (comme d'ailleurs de tous les autres artistes abstraits) il ignorait très probablement jusqu'à l'existence. Les modifications introduites dans la deuxième édition de sa deuxième Recherche Logique sont, c'est vrai, multiples, mais aucune ne laisse soupçonner la moindre trahison au goût plus que classique de son auteur, sans parler d'une refonte inspirée par l'irruption de l'art abstrait. Pourtant, une chose est juste dans l'histoire virtuelle que je viens de conter : à savoir l'alliance sacrée entre la phénoménologie et l'art abstrait. Nous avons donc affaire à une énigme : Husserl ayant été, au début du siècle, absolument imperméable à l'art de son époque, comment se fait-il qu'un demi-siècle plus tard, la phénoménologie se soit imposée comme la voie royale de compréhension de l'art moderne ? Je vais donc consacrer ces quelques réflexions à cette énigme. À priori la rencontre de la phénoménologie et de l'art abstrait paraissait bien compromise, du moins du côté des artistes qui boudaient la pensée académique. Comme le dit Mikel Dufrenne : "Entre la praxis artistique de ce temps et la réflexion esthétique, [il y avait 1 ] peu de communication ; les esthéticiens et les historiens sont plus familiers avec la Renaissance qu'avec le Fauvisme, le Cubisme, la musique de Debussy, de Stravinsky ou de Schönberg. Seule une esthétique spontanée, une théorisation immédiate portent sur ce que se fait hic et nunc ; mais elle est l'oeuvre des artistes eux-mêmes ou de leurs compagnons de route : de Kandinsky ou d'Apollinaire, et c'est dans le Blaue Reiter qu'elle s'écrit plutôt que dans la Zeitschrift für Aesthetik und allgemeine Kunstwissenschaft" 2. Les artistes savaient, donc, penser eux-mêmes, et s'ils recourraient à l'aide des philosophes, ils se tournaient plutôt vers Rudolf Steiner que vers Immanuel Kant. Sans parler de la métaphysique, même l'esthétique en tant que branche philosophique n'enchantait que peu les artistes-novateurs. N'oublions pas que, à la différence de l'esthétique d'aujourd'hui, celle de l'époque était fière de ne rien devoir ni pouvoir dire devant un tableau. C'était, comme on disait, une esthétique 'pure' (reine), propre, libre de toute impureté : de l'expérience de l'art en particulier. La jeune phénoménologie ne se démarquait, d'ailleurs, nullement de la 'rhétorique de la pureté' commune à la philosophie et à l'idéologie allemandes du XIX e et du bon premier tiers du XX e siècle 3. Dans le cadre phénoménologique, le changement n'interviendra qu'avec Heidegger dont L'origine de l'oeuvre d'art cherche déjà à parler à partir de l'oeuvre (bien qu'avec un résultat assez mitigé). Mais tous les phénoménologues n'étaient pas fiers de cette pureté (alias ignorance) à l'égard de l'expérience de création et de perception de l'art. En 1916, un jeune phénoménologue, élève de Husserl, accusait l'esthétique de ne pas être à même de prendre position sur les questions d'art posées par l'époque, notamment "par rapport à l'expressionnisme et au futurisme, aux arts appliqués modernes et à la musique moderne, à Stefan George et au mouvement Charon, à Hodler et à l'influence japonaise" 4. Ces accusations, mis à part leur évident bien-fondé, avaient un goût blasphématoire, puisqu'elles invitaient les théoriciens à prendre une position dans les débats artistiques. Si l'on passe maintenant à l'analyse un peu plus détaillée des obstacles à la rencontre avec l'art abstrait, ceux-ci étaient, du côté de la phénoménologie, de deux sortes : les uns concernaient l'art, les autres touchaient à l'abstraction. Quelle était l'attitude de Husserl lui-même à l'égard de l'art ? Cette attitude était, tout d'abord, absolument et sans faille aucune, mimétique et épistémique. Rien ne laisse soupçonner chez Husserl une conception non-représentativiste, non-figurative, non-analogique de l'art. En disant cela, évidemment, on est à cheval entre l'interprétation des positions théoriques du penseur et l'analyse de ses prédilections individuelles, intimes, qu'on essaie de détecter entre les lignes de ses ouvrages théoriques (puisque sa vie se laisse réduire plus ou moins à ceux-ci). Lorsque Husserl donne l'exemple du portrait, et dit qu'un portrait crée l'illusion que la personne est là 5 , nous sommes indécis : faut-il prendre ces paroles pour une position esthétique normative, ou pour le signe d'une extraordinaire impressionnabilité, d'une particulière délicatesse d'âme de l'individu Edmund Husserl ? Quoi qu'il en soit, l'art est pour lui un mode bien spécifique de connaissance du monde 6 .
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Philosophiques, 2000
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Philosophiques, 2000
There is a lot of misunderstanding and ignorance about Husserl’s philosophy among analytic philosophers. The present paper attempts to help correct that situation. It begins with some quotations of Husserl written around 1890, which clearly establish that he arrived at the distinction between sense and reference with independence from Frege. Then follows a brief survey of the most important themes of Husserl’s Logical Investigations, emphazising those that are of special interest to analytic philosophers. The paper concludes by mentioning other interesting issues treated in later Husserlian writings, including his valuable conferences on ancient and modern logic from 1908-1909.
2020
La tentative de Husserl consiste à nous sortir du monde par réductions successives mais jusqu’à un certain point, un point où nous sommes toujours au monde, à la lisière du monde, un point au-delà duquel, selon lui, on sort de la science, ce qu’il ne veut surtout pas faire, ce qu’il ne croit pas avoir fait. Pour faire de la science, quelle qu’elle soit, il faut partir de quelque chose – elle ne part pas de rien – et, qui plus est, ce quelque chose dont elle part doit être visible de tous, doit être un phénomène commun. Le bout du monde pour Husserl se réduit à deux choses : la conscience pure et l’intuition pure originairement donnante. La question suivante, ultime, métaphysique, serait celle de la généalogie de ces deux choses-là. Qu’est-ce que la conscience pure et d’où vient-elle ? Qu’est-ce que l’intuition pure et d’où vient-elle ? Sommes-nous plus avancés ? La question métaphysique est vite réglée par l’invention de Dieu. (Cet article est un extrait, légèrement modifié, de mon livre "Le phénomène religieux".)
La question du langage semble avoir été l’orientation prise par Heidegger dans le prolongement de la question de l’être formulée dans Sein und Zeit. Comme le philosophe le rappelle dans le cours du semestre d’été 1952 « Qu’appelle-t-on penser ? », la question de l’être du langage s’est imposée à partir de la question de la logique dès 1929 : « Mais on s’irrite de ce que j’en reviens toujours à proposer la question de la Logique depuis l’indication donnée dans la Leçon inaugurale de 1929 « Qu’est-ce que la Métaphysique ? ». Ceux qui aujourd’hui assistent à ce cours ne peuvent savoir, il est vrai, que depuis le cours « Logique », tenu dans l’été de 1934, sous ce titre de « Logique », se cache la transformation de la Logique en question de l’être du langage, laquelle question est autre chose que de la philosophie linguistique. » Nous nous interrogeons ici sur ce rapport de Heidegger au langage tel qu’il s’est vu répété au début des années 50, avec le texte « Logos », le cours « Qu’appelle-t-on penser ? » tenu durant le semestre d’été de 1952 orientant la question de la pensée sur le fragment VI de Parménide, et la partie non prononcée de ce cours intitulée « Moîra » (Parménide, VIII, 34-41) qui s’y rattache très étroitement. Ces trois textes forment un ensemble remarquable auquel nous voudrions prêter la plus grande attention. Plus particulièrement, notre examen se focalisera sur la tension entre le mot Zwiefalt autour duquel se clôt le cours de 1952 et le mot de Parménide πεφατισμένον (fragment VIII, 35) tel qu’il est – ce qu’il nous faudra justement examiner et comprendre -, porté au silence par Heidegger. Ainsi en est-il lorsqu’à la fin de ce cours, Heidegger met en relation le τὸ αὐτὸ attachant νοεῖν et εἶναι dans le fragment III, à la relation que le fragment VIII introduit entre νοεῖν et ἄνευ τοῦ ἐόντος aux vers 35 et 36 ainsi traduits : [35] οὐ γὰρ ἄνευ τοῦ ἐόντος, ἐν ᾧ πεφατισμένον ἐστίν, εὐρήσεις τὸ νοεῖν « Car ce n’est pas séparé de l’être présent de l’étant pré-sent que tu peux découvrir le prendre en garde. » (W, XI, p. 223) Chose étonnante, les mots énoncés par Parménide ἐν ᾧ πεφατισμένον ἐστίν sont ainsi passés sous silence dans le cours de 1952. En ce point se joue la traduction sur laquelle repose le cours « Was heisst Denken ? », et au-delà de ce cours, la question du langage telle que Heidegger la posa à partir de Sein und Zeit. Ce que Heidegger appelle Zwiefalt - terme que nous désignerons dans ce qui suit comme Pli -, ne semble pouvoir se dire et se penser avec la « chose énoncée », le πεφατισμένον du fragment VIII. Ce qui nous engage en ce point dans la question du langage. 👍
Sens Public, 2004
Est-il possible d'en finir avec l'humanisme ? Toute anthropologie est-elle vouée à l'obscurité quant à ses fondements ? Cette problématique anime le travail philosophique en Allemagne et en France, depuis Kant et Fichte. Il a connu un rebondissement accentué depuis que Husserl, après s'être élevé contre tout psychologisme, a semblé donner de son propre travail une interprétation centrée sur un ego qui paraît retenir, à l'état implicite, un idéal d'humanité. Le rationalisme husserlien s'est exprimé de manière toujours plus marquée en des termes renvoyant à l'expérience mondaine, et ses recherches pour la constitution vont de pair avec une préoccupation historique de plus en plus appuyée. La manière dont Heidegger s'en est démarqué n'a pas cessé d'alimenter le débat et de susciter la controverse. Cet article reprend le fil de cette histoire à travers les lectures de Sartre, Derrida et Heidegger.
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Actes du Colloque international « Rousseau, aujourd’hui », 2014
Philosophie, 2006
Chroniques Phénoménologiques, 2022
Revue germanique internationale, 2009
Etudes Philosophiques, 2017
Sémantique et eidétique dans la phénoménologie d'Edmund Husserl, 2018
Philosophiques, 2023
Phainomenon, 2011
Anthropen. Le dictionnaire francophone d'anthropologie ancré dans le contemporain, Université Laval, Québec, 2021