Études rurales
LE DOSSIER QUE COORDONNE Ricardo González Villaescusa approfondit le sillon que la revue a ouvert il y a une dizaine d'années. Dans le présent texte, qui est plus une postface qu'une conclusion, je souhaite exposer un point de vue épistémologique : le positionnement de la recherche archéogéographique par rapport aux autres disciplines. L'idée est que l'archéogéographie-comme posture, programme ou discipline (elle est un peu tout cela à tour de rôle)-est mise en situation de devoir et de pouvoir agir sans mandat d'une quelconque autre discipline, même la géographie, à laquelle elle emprunte pourtant l'essentiel de ses outils. La crise des « archéologies nationales » Sur la base d'observations incontestables on pourrait dire qu'il existe, pour faire de la recherche, une série de voies spécifiques, pays par pays. Quelques exemples suffisent. Ainsi la topographie historique est une discipline italienne et, plus généralement, méditerranéenne car elle se fonde sur la reconnaissance des grands aménagements antiques, notamment romains : voies, villes, camps, oppida, centuriations. L'archéologie de la distribution des ressources dans le territoire (site catchment analysis) est d'origine britannique, et, quand elle a été pratiquée dans d'autres pays que le Royaume-Uni, cela a été très largement sous l'influence d'équipes anglaises. L'analyse des formes, agraires ou urbaines, est majoritairement, mais pas exclusivement, française : en France, c'est une pratique courante de la géographie et de l'urbanisme ; en Italie, en revanche, elle ne parvient pas à s'individualiser face à la topographie historique et, de fait, elle n'existe pas ou que très peu. L'étude des grands systèmes irrigués, enfin, est devenue une dominante de l'archéologie espagnole. Toutefois cette présentation demeure partielle. On aurait tort de croire qu'on a là plusieurs voies « nationales » qui pratiqueraient en définitive la même discipline, qu'on appellerait « archéologie » ou « archéologie du paysage », ou tout autre intitulé équivalent. Il s'agit de voies nationales, certes, mais portant sur des objets différents, dont chacun renvoie, en arrière-plan, à une discipline différente et à une histoire Une discipline sans mandat Études rurales, 188 | 2011