2000, Horizons philosophiques
Critique de l'argumentation basée sur le caractère sacré de la vie dans les cas de l'avortement, de l'euthanasie et du suicide. On admet très souvent, sans critique, le «caractère sacré» de la vie humaine. On se base sur ce présupposé pour refuser le droit à l'avortement ou à l'euthanasie par exemple, ou alors on accorde ce droit mais avec mauvaise conscience. Habituellement les tenants du respect de la vie présenté comme inconditionnel ont beau jeu du point de vue éthique. Ils disposent, sinon de doctrines ou de systèmes persuasifs et sans failles, du moins d'une vision plus globale où la morale et les considérations historiques se conjuguent pour asseoir des principes sincères et solides. En face, ceux qui défendent le droit à l'avortement libre ou à l'euthanasie active paraissent bien opportunistes. Leurs arguments semblent être fonction de la conjoncture actuelle particulière. Ils prennent la forme de revendications individuelles étroites et à courte vue. Dans la plupart des pays occidentaux, on a entrepris de décriminaliser et, dans certains cas, de déjudiciariser l'avortement et l'euthanasie. Il reste à déculpabiliser. On a ainsi commencé à reconnaître de facto le caractère relatif du respect de la vie en tant que telle. Cependant, on a beaucoup de difficultés à admettre que cette reconnaissance constitue un apport positif au crédit de la sensibilité morale contemporaine. Nous entendons montrer, dans cet article, qu'il est possible de concevoir une éthique du droit au refus de la vie dont les bases sont solides et convaincantes, qui s'enracine dans l'histoire etqui, au surplus, tient vraiment compte de la personne humaine. Cependant, on se heurte en ces matières à des résistances profondes. Il nous faudra prendre une approche inhabituelle. Il nous faudra comprendre à quoi tiennent exactement ces résistances. Pour ce faire nous examinerons, en une certaine