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2004, Circuit: Musiques contemporaines
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Qui était la femme inconnue dont je fais le portrait ?-Une paysanne de France qui recevait dans sa maison ; qui pendant trente années n'a pris aucune nourriture, aucune boisson ; qui était stigmatisée, souffrant chaque vendredi les douleurs de la Passion ; qui fonda sur toute la terre soixante « foyers de charité » ; qui fut sans doute l'être le plus étrange, le plus extraordinaire, le plus déconcertant de notre époque ; qui, en ce siècle de télévision, demeura inconnue du public (sauf le jour de sa mort), ensevelie dans un profond silence. Et pourquoi donc, à la fin de ma vie, ai-je été tenté d'écrire ce portrait ? Contre mon gré, comme je vais le raconter, je fus projeté dans sa chambre noire. J'étais introduit par un des esprits les plus négateurs de ce temps, le médecin d'Anatole France, le disciple d'Alfred Loisy, le directeur d'une collection antichrétienne. Dès ma première rencontre avec Marthe Robin j'ai conçu qu'elle serait à jamais pour moi une « soeur de charité », comme elle le fut pour des milliers de visiteurs. Et j'eus le pressentiment que je serais un jour conduit à la faire connaître au monde, attiré par son génie. Elle me faisait penser à Catherine Emmerich. On connaît les écrits composés sous son influence par Clemens Brentano, l'ami de Goethe, qui avait préféré à la cour de Weimar la chambre de Catherine et qui demeura pendant six ans son secrétaire, mettant en forme ses « visions », surtout celles qui avaient la Passion pour objet. Marthe elle aussi avait eu des visions de la Passion. Par pudeur elle ne m'en a jamais parlé, sauf pour me dire qu'elle avait « connu cela et qu'elle l'avait dépassé ». Ce qui m'a le plus surpris chez Marthe Robin, c'est la distance qu'elle prenait par rapport à ces états extraordinaires dans lesquels elle était immergée. Elle dépassait les accidents pour aller à l'essence, à ce qu'elle appelait « l'intérieur ». Je pourrais contresigner ce qu'avait écrit sur Catherine Emmerich l'ami de Goethe : « Ce qu'elle dit est bref mais simple, plein de profondeur, de chaleur et de vie. Je comprenais tout. Elle était la fleur des champs et l'oiseau des bois. Tantôt bienheureuse, aimante, digne, merveilleuse; tantôt rustique, naïve, enjouée, toujours malade, agonisante, mais délicate et fraîche, chaste, éprouvée, saine, et avec cela toute campagnarde. Etre assis près d'elle était le plus beau siège du monde. » Ceux qui écriront sur Marthe ne manqueront pas de faire connaître abondamment les côtés invraisemblables de son existence. Sans mépriser l'aspect « paranormal » de sa vie, je me propose d'appliquer la méthode prudente qui a toujours guidé mes études et qui conseille de limiter l'éloge, de ne tirer d'un texte, d'une expression, d'une admiration que le minimum de son contenu. J'aurai recours le moins souvent possible au témoignage des autres. C'est mon propre témoignage que je veux donner. Il est limité dans le temps, je n'ai passé avec Marthe Robin que quarante heures, en vingt-cinq années. Comme chez moi la mémoire ne se sépare pas de la pensée, j'ai mêlé mes réflexions à mon récit. Ce livre de la fin de ma vie est un dernier fragment de ce Journal, rarement interrompu, que je tiens depuis ma seizième année, qui est la source de mes autres ouvrages et comme leur cendre, leur « retombée ». Je dirai enfin que ce livre appartient à ce genre littéraire, imité de la peinture, où il existe une action réciproque de l'auteur et de son modèle. Jean Paulhan, voulant me pousser à écrire des portraits, me citait cette phrase de Schneider : « Je vois l'homme au lieu où l'essence et le destin coïncident : et ceci est le critère de l'art du portrait.» J'avais écrit avant la dernière guerre un Portrait de Monsieur Pouget, mon maître. Voici le Portrait de Marthe Robin. Quarante ans les séparent. Mais, dans mon esprit, ces deux portraits d'êtres « incomparables » se complètent et se répondent. Si ces deux portraits se ressemblent, cela tient à leur origine : l'obligation que l'on sent de porter témoignage sur un être exceptionnel que l'on a vu vivre et qui demeure inconnu ou méconnu. Ces deux portraits diffèrent par leur volume. Lorsque j'étais jeune, mon travail consistait à développer des idées ou des souvenirs, à les accroître comme fait la nature au printemps : ainsi l'enseignent les maîtres d'école. A l'automne de la vie, il est préférable me semble-t-il de faire l'exercice inverse : ôter les branches inutiles, émonder afin de garder l'essence, la ligne, le seul serpentement. Nul ne saura jamais tout ce que j'ai dû retrancher, omettre, détruire. Ce livre est semblable à un arbre d'hiver, lourd d'omissions, de sacrifices et de silences. 18 août 1985. CHAPITRE PREMIER PRÉSENTATION Marthe Robin est née le 13 mars 1902 dans le département de la Drôme, à Châteauneuf-de-Galaure. Elle n'a jamais quitté sa maison paternelle, où elle est morte le 6 février 1981. Qui était-elle ? Je voudrais tenter de la définir, allant du visible à l'Invisible. C'était une paysanne française. Tout simplement : « une femme qui recevait dans sa maison », comme dit un texte de l'ancienne Égypte, plusieurs siècles avant notre ère. Ô bel ami, ce que mon coeur conçoit, c'est de posséder tes biens comme ta maîtresse de maison, ton bras posé sur mon bras. Dans nos campagnes d'Europe, il se cache de ces êtres simples, sans culture, sans prétention, nés pour aider les autres et dont la vie s'écoule à recevoir les gens qui viennent demander du secours : une guérison, une recette, une simple parole mystérieuse qui leur donne de l'espérance. Ce sont des sourciers, des sorciers ; on sait les trouver dans leur retraite. De loin, on vient les voir, comme Socrate allait voir la pythie. D'emblée, on les nomme par leur prénom. La femme est là, dans sa maison. On frappe. On entre. Elle est là. Elle vous attend. Ainsi était celle que l'on ne pouvait appeler que Marthe. Mais, il faut aller plus haut, beaucoup plus haut, pour la définir. Marthe fut une mystique, une mystique de première grandeur. Les mystiques diffèrent par la grandeur comme les étoiles. Je prends ici le mot mystique dans sa signification technique. Le mysticisme est J'ajoute que, parmi tous les êtres que j'ai fréquentés dans une longue vie, Marthe est celui qui m'a le plus donné cette impression si rare, faite de curiosité, d'envie et de surprise, que tout esprit ressent devant le « génie ». Je prends le mot « génie » dans l'acception la plus simple : tout enfant donne à l'adulte l'impression de cela. Le génie est tout différent du talent qui, par effort et tactique, cherche à imiter le génie sans jamais le pouvoir. Marthe ressemblait à l'enfant, même par la voix. Elle n'avait aucun talent, sauf celui de broder. Elle n'avait pas suivi de cours de religion ; sa catéchèse était élémentaire. Elle était au-delà de toute culture. Au-delà de la pauvreté, puisqu'elle ne consommait rien, se nourrissant de l'air du temps et de l'éternité. Audelà de la douleur, réduite au minimum vital. Et pourtant, présente d'emblée à tout, à tous, donnant réponse à toute incertitude, soufflant pour ainsi dire sur les problèmes pour se porter à la solution. Elle recevait des hommes d'État, des évêques, des spécialistes en tout genre, des voisins campagnards qui lui parlaient des bestiaux, des récoltes; ses amis, ses parents, les enfants qui grimpaient sur son lit, mais aussi les bannis, les réprouvés, les marginaux : on lira ses relations avec les condamnés à mort, avec une amie mourant très loin d'elle. Lorsqu'une personne, par de simples paroles, excite en nous une de ces émotions rares, soudaines, douces, un peu mélancoliques et radieuses pourtant, qui vous font prendre conscience du mystère de votre destinée ; lorsque cela réveille en vous le désir dont parle Nietzsche de devenir ce que vous êtes d'une manière plus noble, alors on se dit qu'un ange a passé. La visite de l'ange est furtive, pleine d'humour et d'amour, incomprise au moment, bizarrement interrompue, crépusculaire comme celle du voyageur d'Emmaüs ; on ne s'aperçoit qu'il était là que lorsqu'il disparaît et que l'on se retrouve seul dans sa nuit. Il m'est arrivé de l'interroger sur ce sujet. Ses réponses étaient doucement ironiques. « Que je ne mange pas n'a pas d'intérêt. Après tout je suis dans ma maison. J'ai mes vaches et mon lait. Qui m'empêche de boire ? Ne vous attachez pas à ces choses. » Elle les avait elle-même surmontées, dépassées. « Mais pourquoi, Marthe, avez-vous refusé d'être transportée dans une clinique, où on vous aurait pendant des mois observée sans interruption, afin que la preuve de votre jeûne soit faite ?-Je suis chez moi, répondait-elle. Et croyez-vous que cela convaincrait les gens ? Ceux qui n'admettent pas, n'admettraient pas davantage. Et je suis maîtresse de mon corps. Je reste chez moi. Je mourrai là où j'ai vécu. » Dans l'examen du « phénomène Marthe » (comme dans celui du Saint Suaire) j'ai trouvé des incroyants favorables et des théologiens sceptiques. Les premiers sont des esprits avides de nouveauté ; Marthe est une sorte de linceul vivant et la NASA aurait pu l'explorer. Et, d'autre part, plusieurs théologiens m'ont exprimé leurs réserves : « Votre livre ne sera pas conforme à l'esprit de Vatican II. Le Concile a restreint le domaine du merveilleux. Il a remplacé la crainte servile de l'enfer par l'amour miséricordieux. Il a fait évanouir la croix dans la Résurrection. » A quoi j'ai répondu que ce concile (auquel j'ai assisté) n'a jamais évacué les textes de l'Evangile, où le « feu éternel » est désigné, où Satan intervient, où le Jugement s'annonce, où l'idée d'une substitution rédemptrice de l'innocent au pécheur pour racheter le peuple, demeure le fond du drame. On m'a demandé ce que l'Eglise catholique pensait au sujet de Marthe Robin. Je sais que l'Eglise est lente à donner des couronnes : elle n'aime pas promouvoir trop tôt un de ses enfants, de peur de décourager les autres dans une famille où tous sont égaux, tous pécheurs. Vis-à-vis des stigmatisés l'Eglise de notre...
Imaginaire & Inconscient, 2011
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Voix et Images, 2013
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2013
Dynamique d'un prisme orogénique intracontinental: évolution thermochronologique (traces de fission sur apatite) et tectonique de la Zone Axiale et des piémonts des Pyrénées centro‐occidentales
Le Torrent et la Foudre. Cicéron et Démosthène à la Renaissance et à l'Âge Classique, coll. "Renaissance latine, 5", Paris, Classiques Garnier, 2020. , 2020
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Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Diderot, 2003
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Mémoires de la Commission des antiquités du département de la Côte-d’Or, 1999
Master FLE Université des Antilles, 2019
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Les mains, Revue de lettres et traduction,n16, 2015
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HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2017