2020, 50 questions de sociologie
Sommes-nous tous seuls? La réponse pourrait sembler évidente, tant la solitude fait partie de la condition existentielle de l’homme. « Nous sommes solitude » rappelle Rainer Maria Rilke dans ses Lettres à un jeune poète, qui relève : « Car au fond, et précisément pour les choses les plus profondes et les plus importantes, nous sommes inqualifiablement seuls » (Rilke, 1929). En ce sens, la solitude est, paradoxalement, l’une des choses les mieux partagées entre les êtres humains : nous sommes effectivement seuls à vivre cette vie qui est la nôtre, seuls face aux grandes décisions de notre existence, seuls face à notre propre finitude. Pourtant, la solitude n’est pas seulement une condition existentielle, c’est aussi un phénomène social, qui peut revêtir différents visages en fonction des groupes sociaux, des époques ou des sociétés. Si nous sommes tous fondamentalement seuls, nous ne le sommes pas nécessairement tous de la même façon, ni au même degré : cette solitude est ressentie avec plus ou moins d’acuité selon les conditions effectives de vie ou les épreuves vécues au fil de l’existence. C’est précisément ce qui intéresse la sociologie de la solitude : elle tente d’identifier les conditions sociales de sa survenue, et les formes d’expériences, positives ou négatives, qui lui sont associées. Qui affecte-t-elle en priorité, et pourquoi? Quelles inégalités structurantes met-elle en jeu? La solitude devient alors objet de sociologie, et se mue en clé de lecture du lien social et de ses grandes variations contemporaines.