2001, Politiques linguistiques en Europe (Actes du colloque organisé les 20-21 novembre 2000 par le Centre Interuniversitaire d’Études Françaises de l’Université Eötvös Loránd de Budapest)
Cet écrit portera sur une langue - le romani - différente de toutes celles traitées dans ce volume en ce que sa standardisation ne s'est pas encore effectuée, mais elle est spéciale aussi à d'autres égards. Spéciale dès son nom : on y rencontre un désordre total de la dénomination. Les locuteurs n'ont pas d'appellation unitaire propre pour eux-mêmes ou pour leur langue, une appellation globale qui vaille pour tous les groupes. Au contraire, il existe des noms innombrables qu'utilisent les différents groupes pour se dénoter ou pour désigner les autres : Roms (Balkans) Manouches (France) Sinti (Allemagne) Kalé (Espagne) Gypsies (Angleterre) Il existe des appellations non moins nombreuses de la part des Gajé (c'est-à-dire des non Roms) : Tsiganes (terme ignoré de tous les groupes de locuteurs du romani, mais utilisé par une entité rom de langue roumaine : les Băiaş emploient cîgán, cîgánkă pour se dénoter eux-mêmes Gitans (en France, en Espagne) Bohémiens (en France) Romanichels (en France) Húngaros (en Espagne), etc. Spécial aussi en ce que le romani est, à ma connaissance, le seul nom de langue en français pour lequel on ait proposé le genre féminin (car shib 'langue' est féminin en romani). Certains l'utilisent donc au féminin en français, mais ils constituent une minorité. On a aussi proposé Rrom et rromani avec deux r pour marquer que dans certains dialectes, la consonne initiale a une prononciation différente du simple r, mais cette orthographe bizarre ne s'est pas répandue. J'utiliserai l'anthroponyme Rom pour les individus et romani pour la langue, conformément à l'usage de ces deux dernières décennies.