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La radio de nuit, fenêtre sur l'intime / Courrier de l'Unesco, 2020

2020, Courrier de l'Unesco

Abstract

La radio de nuit, fenêtre sur l'intime fr.unesco.org/courier/2020-1/radio-nuit-fenetre-lintime D'un ton plus feutré et plus libre que les programmes de jour, les émissions nocturnes ont longtemps été le lieu privilégié des confidences livrées dans l'anonymat de la nuit. Aux heures propices à l'imaginaire et à la solitude, elles sont pour les auditeurs une voix rassurante qui semble s'adresser à eux seuls. Mais elles cèdent aujourd'hui la place à des programmes moins coûteux. Marine Beccarelli « La radio est en quelque sorte l'humanité qui se parle à elle-même, qui s'adresse à elle-même jour et nuit[1] », écrivait Jean Tardieu en 1969. En fait, cette humanité qu'évoque le poète français n'a commencé à s'adresser à elle-même la nuit qu'assez tardivement. Au début des années 1920, lorsque sont apparues les premières stations radiophoniques, elles n'émettaient que quelques heures par jour, avant que les grilles de programmes ne s'étoffent progressivement pour remplir l'essentiel de la journée. Mais les émissions cessaient le soir venu. Jusqu'à la fin des années 1930, seules quelques nuits étaient exceptionnellement vivantes à la radio : celles de Noël ou du Jour de l'an notamment, durant lesquelles des émissions festives et musicales se prolongeaient au-delà de l'horaire habituel. Pourtant, la radio ne s'écoute peut-être jamais mieux que durant les heures nocturnes, quand l'auditeur est plus disponible, plus seul, moins dérangé par les sollicitations extérieures. Dans le noir, le son se déploie : « C'est à l'ouïe que l'on se fie de préférence[2] », comme l'écrit le philosophe français Michaël Foessel. Devenue dans les années 1950 un objet de consommation courante, la radio s'installe durablement dans la majorité des foyers et commence à investir les soirées. Aux États-Unis, dès la fin des années 1940, des stations de radio proposaient des programmes nocturnes, destinés à faire rêver les personnes éveillées. Dans « Lonesome Gal », une animatrice anonyme susurrait des mots doux à l'oreille des auditeurs.