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Les jardins de la nuit

1996, Jardin littéraire

Abstract

Les jardins de la nuit - La présence du jardin réconcilie souverainement. Elle nous relie avec des fins qui ne sont pas de puissance, mais d'apaisement. Hors des fins de production et de transformation, hors de l'action, hors du bruit qui est un tumulte de la pensée, le jardin réconcilie avec les fins paisibles. La conversation, le silence, l'amour et, en eux, cette particulière attention que contient l'affection, peuvent renaître le long des allées. L'image de cette réconciliation, c'est l'eau affleurante, l'eau murmurante, l'eau jaillissante. Elle devient élément d'architecture et de lumière sur l'envers des bassins. Le ciel reflété, avec ses nuages, ses bleus d'orage et ses clartés confuses, entre avec elle dans la composition de pierre. Les jardins sans fontaines et sans sources sont sans féminité. Dans le jardin de nuit, l'eau est chanson, effleurement des rives, fraîcheur obscure. Elle est la conscience de la nuit. Ce n'est pas la forêt, trop haute, trop ramifiée, mais le jar-din qui laisse apercevoir le scintillement de la Nuit transfigurée de Schônberg ou l'émotion du deuxième mouvement de la Sonate pour violon et piano op. 13 d'Albéric Magnard. Entre le frémissement du vent dans les branches et les murmures de l'eau ou de la nuit, nous sentons bien que la forme du jardin n'est pas la symphonie qui suggère la forêt, ou le concerto qui appelle le détachement de la plaine, mais le quatuor, le trio, la sonate, en lesquels s'exprime la singularité des voix.