L’histoire de la philosophie, comme discipline et comme champ de recherches, paraît aujourd’hui en crise. Sous l’effet du développement indépendant des études post-coloniales et décoloniales d’un côté, des études féministes et de genre de l’autre, de nombreux.ses chercheur.es défendent l’idée d’un nécessaire renouvellement, en profondeur, de ses méthodes et de ses objets. En effet, il paraît désormais impossible de continuer à ignorer les nombreux textes dans lesquels les philosophes appartenant au corpus canonique justifient la colonisation, défendent des positions ethnocentristes, voire racistes, ou encore légitiment la domination masculine, l’exclusion des femmes de la cité et font passer pour naturelles des différences produites par la domination elle-même. Fermer les yeux sur de tels moments, sous le prétexte qu’ils ne renverraient qu’aux préjugés de leur auteur n’est en rien satisfaisant. Mais la décision de prendre ces textes au sérieux met les commentateur.es devant une autre difficulté, dans la mesure où les méthodes exégétiques usuelles paraissent inadaptées à de tels objets. D’autre part, c’est la constitution même de ce corpus canonique qui doit être questionnée, en tant qu’il est le reflet des inégalités de genre, de classe et de race et qu’il contribue à les reproduire. Les historien.nes de la philosophie continuent trop souvent à faire abstraction et à minoriser les théoricien.nes racisé.es, les femmes philosophes, réitérant ainsi l’exclusion ou la marginalisation dont ielles ont été les victimes en leur temps, qui n’est parfois pas si éloigné du nôtre. Or, l’exhumation de ces textes oubliés doit-elle se faire dans le cadre habituel de “l’histoire de la philosophie”? Ne doit-elle pas, au contraire, nous conduire à en interroger le bien fondé ainsi que les limites du discours philosophique lui-même? Ces interrogations et les appels au changement qui les accompagnent connaissent toutefois une assez grande résistance à l’Université et dans l’enseignement secondaire. Et pour cause : l’histoire féministe et décoloniale de la philosophie semble être davantage qu’une simple branche de l’histoire de la philosophie. Elle implique en effet une critique radicale de la discipline, en dévoilant ses biais, ses impensés et sa part idéologique. Tandis que le mouvement féministe des années 60-70 a suscité des changements notables dans la plupart des sciences sociales, la philosophie est une des disciplines les plus rétives à l’incorporation de ses apports conceptuels. Ainsi, les travaux qui s’inscrivent, depuis une trentaine d’années, dans le projet d’histoire féministe de la philosophie, ne trouvent qu’une place marginale dans les revues, publications et enseignements, quand ils ne sont pas purement et simplement délégitimés et considérés comme non-philosophiques parce que “militants”. Ajoutons que, malgré le caractère quasi confidentiel de ces travaux dans le champ académique, une certaine presse feint de s’alarmer de l’hégémonie que seraient en passe de conquérir à l’université les études décoloniales et de genre. Contre ces attaques, souvent violentes, il est important d’affirmer l’importance d’une réorganisation de l’enseignement et de la recherche qui tiendrait compte des apports théoriques et conceptuels de ces études. L’enjeu de ce colloque, premier en son genre en France, serait de donner à entendre à un large public la richesse et la diversité des travaux en histoire féministe et décoloniale de la philosophie, mais aussi d’ouvrir un espace de débat au sujet des principes et méthodes alternatives à mettre en œuvre dans une recherche et un enseignement de la philosophie enfin décolonisés et démasculinisés. Axes thématiques 1) Relecture des textes canoniques de l’histoire de la philosophie sous le prisme des questions relatives à la domination masculine, à la différence sexuelle, au sexe et au genre, à la sexualité, etc. ; 2) Histoire décoloniale de la philosophie : (ré)interprétation des textes/concepts philosophiques à la lumière des questions de la race, du racisme, du colonialisme, etc. ; 3) Processus d’exclusion matérielle et symbolique des femmes et des personnes racisées du champ de la philosophie ; 4) Exhumation, lecture et exégèse des textes de philosophes oublié.e.s et minorisé.e.s (femmes, personnes racisées, etc.) ; 5) Appropriation ou abandon des concepts opératoires des systèmes philosophiques « masculinistes », racistes et impérialistes ; 6) Quelle(s) nouvelle(s) méthode(s) pour une histoire féministe et décoloniale de la philosophie ? 7) Pédagogie et didactique féministes et décoloniales de la philosophie ; 8) Théologie féministe : exégèse féministes et queer, (re)lecture des textes religieux dans une perspective d’études de genre. Modalités de soumission Les propositions, comprenant le titre de la communication, un résumé de 500 mots maximum, 5 mots-clés, une brève bibliographie (5 références), ainsi que le nom et l’affiliation de l’auteur·trice, sont à transmettre à l’adresse email : [email protected], au plus tard le 15 février 2020. Merci d’envoyer un fichier (formats .doc, .docx, .pdf) avec un intitulé sous la forme ”NOM_Prénom_philofemdeco” Les candidat·e·s seront notifié·e·s de l’acceptation ou de la non-acceptation des propositions le 15 avril 2020, après évaluation par le comité scientifique. La langue des propositions est le français. Cependant, il sera possible de communiquer dans toute autre langue, à condition que le texte de la présentation soit affiché en français lors de l’intervention. Les discussions se dérouleront également en français. Sont attendues les propositions ayant rapport avec l’histoire de la philosophie et l’histoire des idées, mais d’autres disciplines/approches peuvent être proposées. Le format des propositions n’est pas limité à la norme académique dominante de la recherche, afin de permettre une plus grande diversité de méthodes (e.g. retour d’expérience, approches artistiques, etc.), ainsi que la participation des contributeur·trice·s non-académiques. Le colloque se déroulera en deux temps : le 1er et le 2 octobre 2020 à Montpellier (Université Paul-Valéry, site Saint-Charles) et la semaine du 2 décembre 2020 à Toulouse (dates et lieux exacts à préciser), et sera suivi d’une publication. Pour plus de détails : https://philofemdeco.wordpress.com