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2018, Cahiers d'études africaines
Encore un numéro sur la sorcellerie en Afrique ! N’a-t-on pourtant pas déjà tout dit et tout écrit sur le sujet ? Force est de constater que non. La rapidité des changements sociaux, les crises politiques, les guerres et conflits de tous ordres, ainsi qu’une vitalité religieuse jamais démentie, invitent à sans cesse réactualiser notre regard sur la sorcellerie. Ces phénomènes entraînent en effet de nouvelles formes d’accusations, notamment à l’égard des populations les plus vulnérables (les étrangers, les femmes, les personnes âgées, les enfants, les infirmes) provoquant à leur tour de nouvelles cascades de violences.
Politique africaine
Le code pénal de 1967 a permis, entre autre, de sanctionner la sorcellerie alors que le Droit colonial l’ignorait. Mais sa formulation assimilant l’action positive et préventive des guérisseurs et l’intervention maléfique des sorciers, sa mise en œuvre a conduit à faire condamner plus souvent les guérisseurs que les sorciers, au grand dam des populations. En outre, les politiciens y ont trouvé un moyen commode pour liquider des adversaires, non sans contradictions également, puisqu’ils condamnent dans leurs discours officiels des pratiques qu’ils exploitent dans la compétition politique ou administrative. Une autre conception de la loi et de l’organisation judiciaire ne devrait-elle pas répondre aux justes aspirations des populations ?
2015
L’Universite et le Conseil d’Etat ont en commun d’etre des lieux ou regnent, dans des proportions non negligeables et raisonnables, la liberte de pensee, la liberte d’expression et celle d’organisation. Ce que d’aucuns seraient tentes d’appeler une forme d’autonomie… voire d’independance. Sans vouloir sombrer dans la provocation aveugle, une telle presentation ne peut que susciter quelques doutes, surtout aujourd’hui. Il y a d’abord des raisons anciennes et structurelles. Il y a aussi des raisons actuelles: la managerialisation des institutions publiques que sont (encore) l’Universite et (toujours) le Conseil d’Etat provoque, pour ce qui les concerne, des consequences tres differentes eu egard aux relations que l’une et l’autre entretiennent avec « l’Etat manager » d’aujourd’hui. En un mot : si le Conseil d’Etat semble n’avoir eu de cesse de gagner en autonomie et, mieux encore, en independance, il ne fait guere de doute que l’Universite, elle, voit l’une et l’autre s’eloigner a gra...
Cahiers d'études africaines
La sorcellerie envers et contre tous Comme la plupart des catégories analytiques qu'emploie l'anthropologie, celle de sorcellerie est nommée d'un mot fortement marqué par l'histoire occidentale et qui, plus que d'autres, évoque le christianisme et les ténébreuses convulsions d'un temps qui nous fascine encore. En témoignent le succès, par exemple et dans des registres différents, de la Wicca 1 et de Harry Potter 2 , et le constat qu'historiens et anthropologues, souvent frères ennemis, ont sur ce thème engagé de nombreux échanges et collaborations. Que les termes « religion », « magie », « sorcellerie » rendent mal compte des catégories africaines qu'ils cherchent à traduire est un fait 3. Le problème se complique encore quand les populations africaines adoptent le mot « sorcellerie » (ou « witchcraft ») pour parler de leurs propres pratiques. Les conceptions de la sorcellerie émiques, étiques, et les notions vernaculaires apparentées se mélangent alors si bien que, dans la littérature actuelle, le terme « sorcellerie » est utilisé « dans des sens si divers que l'on a parfois l'impression d'assister à un débat où les participants parlent de choses très différentes », souligne Stephen Ellis (2000 : 68). Deux anthropologues camerounais n'hésitent pas à écrire : « [...] le mot sorcellerie ne renvoie à rien de connu dans les langues locales au Cameroun. Il est difficile de lui trouver un équivalent, un mot qui puisse le traduire. On n'est pas loin de penser à une catégorie transposée, une chose conçue par un observateur étranger, l'européen regardant un phénomène un peu bizarre dont il ne percevrait pas bien les contours, et qui ressemble à quelque chose de déjà vu cependant, et lui donnant un nom qui, par la magie du verbe, l'assimile à des phénomènes qui ne sont peut-être pas ce qu'il croit » (Abe & Abega 2006 : 34). 1. Religion, parfois définie comme un « néo-paganisme », fondée dans les années 1930 par le britannique Gérald Gardner, dont l'appellation dériverait du terme wiccacraeft, (witchcraft en anglais ancien). 2. Héros de la romancière J. K. Rowling. 3. Pour une discussion récente sur ces notions voir ADLER (2006) et ADAM (2006).
2013
Jean-Frederic Schaub, directeur d’etudesSilvia Sebastiani, maitresse de conferences La race a l’âge moderne : experiences, classifications et ideologies d’exclusion Le seminaire a porte sur deux domaines d’etude. D’un cote, notre objet central : les categories raciales comme mode de description des groupes sociaux, en Europe meme comme en situation coloniale. D’un autre cote, un objet qui n’est pas au centre du seminaire, mais ne peut en etre isole : le racisme comme ideologie politique. Dans...
2017
Notre groupe de recherche s'est penché, tout au long de cinq années de séminaires, sur « les relations de l'État et de l'Entreprise considérés comme des institutions productrices de culture, de signes, de symboles, de savoirs et de représentations sociales » 1. Nous partions de
Anthropen
L’absence de la magie et de la sorcellerie dans des bandes pygmées ou des communes hippy aux institutions informelles et aux idéologies indéfinissables fait penser que la confiance placée (pour le meilleur et pour le pire) dans l’efficacité automatique du recours à des formules et du matériel symboliques aurait surtout lieu dans des sociétés complexes aux divisions structurelles et aux spéculations systématisées.
Politique africaine, 2000
Comment expliquer que le discours «traditionnel» de la sorcellerie résiste aux bouleversements de la modernité ? Cet article avance l'hypothèse qu'il y a une forte convergence entre la sorcellerie, qui exprime une ouverture relative de la communauté locale, et la globalisation, qui ouvre l'accès à de nouveaux horizons. De façon plus générale, la résilience de la sorcellerie participe d'un « ré-enchantement » du monde, également sensible sous d'autres latitudes. Pour en prendre la mesure, il convient d'abandonner toute tentative de classification et d'adopter une épistémologie pluraliste. En anthropologie, la dernière décennie du XX e siècle a généré une reprise remarquable des études sur la sorcellerie en Afrique, mais aussi ailleurs-reprise étonnante à la fin d'un siècle largement dominé par la préoccupation du moderne. En effet, ce retour s'est réalisé sous le signe de la modernité: après plusieurs décennies d'une négligence relative, une bonne partie des publications anthropologiques des années 90 reliaient plus ou moins explicitement la sorcellerie à la modernité 2. Évidemment, ces deux termes posent problème. «Sorcellerie» est une traduction précaire de notions africaines
Dialogos Book Reviews, 2022
This article, dealing with Etienne Goyemide's story La vengeance noire, is a social, theological and literary study on the way in which the very complex phenomenon of witchcraft is shown in the literature of Central Africa. As shown in the story, this phenomenon is tightly connected to orality. In the Central African world, in spite of an advanced scientific and technical culture, myths, legends and mainly witchcraft hold an important place in collective imagination and continue to inspire literary works.
2005
Vin et sorcellerie: de la vigne au pressoir Vendanges dans les archives valaisannes (XV e-XVII e siècles) Chantal et Hans-Robert AMMANN Depuis deux ans, les projecteurs sont braqués sur la vigne et le vin en Valais 1. Le croisement des données archéologiques, iconographiques, textuelles et autres obtenues à partir d'approches variées et pluridisciplinaires, devrait fournir une histoire globale s'inscrivant dans le contexte précis des Alpes. Les seules sources écrites sont ici interrogées pour aborder la place du vin dans le quotidien. Autant la vigne, le vin et le pressoir sont omniprésents dans les archives notariales valaisannes, autant ces thèmes se cachent dans les archives judiciaires et encore plus dans les actes relatifs à la chasse aux sorciers. Il faut les récolter aussi bien dans les dépositions des témoins, qui incriminent les voleurs du village ou dénoncent les sorciers et sorcières, que dans les aveux des prévenus soumis à la torture. Les éléments «vendangés», qui forment autant de petites scènes que nous allons restituer, ressortissent à l'histoire sociale et culturelle et à l'imaginaire lié au vin 2 .
Cahiers d’études africaines, 2008
Sorcellerie et contre-sorcellerie Un réajustement permanent au monde Les Manjak de Guinée-Bissau et du Sénégal En Afrique, sorcellerie et contre-sorcellerie forment un système d'explication du monde persistant et en perpétuelle adaptation. Les mutations rapides que connaissent les communautés urbaines et rurales du continent agissent sur des systèmes de représentation bien enracinés, mais dont les développements et les mises en acte prennent des formes variées. Pour comprendre et affronter les événements heureux ou malheureux les différentes sociétés poursuivent entre elles des échanges faits de collaborations, de solidarités, mais aussi de concurrences et de conflits. Sur leur territoire d'origine, en Guinée-Bissau et dans les pays limitrophes, les Manjak sont agriculteurs. Souvent, la migration les conduit en ville pour y occuper des emplois, que ce soit en Afrique ou en Europe. Nombre de ces migrants restent solidaires de leurs parents restés en Guinée-Bissau. Ils ont rarement coupé les liens avec leurs origines, même si les retours ponctuels au pays dans leur famille ne sont pas sans poser des problèmes. En effet, ils se retrouvent alors face à ceux qui sont restés et peuvent être jaloux de leur départ vers des horizons où les conditions de vies sont supposées meilleures, et leurs parents peuvent considérer que ces derniers ne les aident pas autant qu'ils le pourraient. Les émigrés craignent d'autant plus la sorcellerie que les attaques occultes intrafamiliales par les parents maternels sont considérées comme étant les plus efficaces et les plus légitimes. Or, ils sont tenus de retourner au village pour perpétuer certains rituels, notamment vis-à-vis des ancêtres, et pour participer ou assister à d'autres comme les interrogations de morts ou les funérailles. Si parfois ils choisissent de revenir définitivement au village, dans d'autres cas, ils sont contraints à un retour prématuré car ils sont tenus de reprendre une charge rituelle. Pour ceux qui restent au village en Guinée-Bissau le milieu urbain influe sur leur mode de vie et leurs représentations, non seulement par le retour ponctuel des émigrés, mais aussi car il existe une migration pendulaire des
La littérature sur l'événement s'est construite autour d'un leitmotiv : l'événement « pose problème » parce que, « plus que tout autre fait social », il questionnerait nos disciplines dans leurs soubassements épistémologiques. Cet article voudrait, au contraire et proposant un « retour critique » sur les travaux les plus souvent cités des sciences sociales francophones, questionner cette évidence admise d'une force disruptive des événements (qu'elle soit abordée en termes de « rupture d'intelligibilité » ou de « désectorisation des espaces sociaux ») afin de questionner simultanément la dimension historique et institutionnelle de ces temps sociaux particuliers que sont les événements. Non pour réfuter les analyses classiques de l'événement, mais pour réfléchir aux possibles apports d'une réflexion de sociologie historique sur cet objet.
2017
Dépasser un vieux dilemme La question de l'État taraude le mouvement socialiste depuis le XIX e siècle, lorsque les marxistes et les bakouninistes s'affrontaient au sein de l'Association internationale des travailleurs à propos du rôle de la conquête du pouvoir politique au sein de la stratégie révolutionnaire. Plus récemment, cette question a refait surface à la suite de l'effondrement des régimes soviétiques, de la crise de la social-démocratie et de la diffusion des idées de John Holloway-« changer le monde sans prendre le pouvoir ». Aujourd'hui, les tendances socialistes et anarchistes s'entre-déchirent sur cet épineux dilemme : doit-on prendre le pouvoir pour renverser le système et accélérer la transition postcapitaliste, ou faut-il d'abord abolir l'État afin d'éliminer toute forme de domination ? Nous partons de la question suivante : au lieu de vouloir conquérir l'État ou de s'y opposer machinalement, ne serait-il pas préférable de forger de nouvelles institutions politiques contre l'État ? Quelle serait la forme d'un système politique qui ne serait pas basé sur l'État-nation, ni sur sa simple négation ? Comment dépasser la dichotomie qui oppose le gouvernement représentatif des monarchies constitutionnelles et des républiques bourgeoises et l'affirmation dogmatique d'une démocratie purement horizontale ? C'est ici qu'apparaît une institution négligée : la municipalité. Le « municipalisme » est le nom d'une théorie et d'une pratique qui font de la municipalité (ou de la commune) le coeur d'une transformation démocratique de la vie sociale, économique et politique. Cette idée condense une riche tradition politique présente dans plusieurs pays du monde et à différentes époques historiques : cité athénienne, communes médiévales italiennes, Commune de Paris, town meetings de la Nouvelle-Angleterre, municipalisme libertaire (M. Bookchin), autogouvernance locale des grama panchayats (Kerala), communalisme kurde au Rojava, etc. En quoi ces différentes variantes du municipalisme remettent-elles en question les hypothèses fondatrices du socialisme ? Au-delà du socialisme ? Si nous simplifions, la conception traditionnelle du socialisme repose sur trois prémisses principales : le primat de la sphère de production, la planification économique comme alternative à la propriété privée et la conquête du pouvoir d'État comme clé de voûte de la stratégie révolutionnaire. Si le municipalisme intègre la lutte des classes et un ensemble de concepts marxistes dans son analyse,
La définition de l’ « Etat stratège » nous est donnée par l’histoire : les Etats qui réussissent, par le passé comme aujourd’hui, ont une vision du long terme des leviers du développement et savent en actionner les six leviers (Rochet, 2014). Nous examinerons ici à travers deux cas trois de ces leviers : la compréhension des synergies entre activités économiques, que nous étudierons au travers du cas des « villes intelligentes », les stratégies de puissance au travers du cas de la manipulation de la législation anticorruption par les Etats-Unis, et l’implication sur la convergence nécessaire entre stratégie de l’Etat et réforme de l’Administration. On en infère les compétences requises chez les managers et l’évolution nécessaire de leur formation.
2010
Jean-Frederic Schaub, directeur d’etudes Les empires modernes. Comparatisme et recherches croisees La direction d’etudes « L’institution des autorites : l’Europe du Sud » a ete declinee tout au long de l’annee en deux seminaires alternes : « Experiences de l’alterite et ideologies de la race a l’âge moderne » avec Silvia Sebastiani, post-doctorante au Centre de recherches historiques et « Les empires modernes. Comparatisme et recherches croisees » avec Anna Joukovskaia, chargee de recherche a...
in S. Fancello (dir.), Penser la sorcellerie en Afrique, Paris, Hermann, p. 83-116.
La sorcellerie sur le continent africain est aujourd’hui passée à l’ère des médias. Depuis les années 1990, les histoires de sorcellerie circulent abondamment à travers les journaux, la radio, la télévision et les médias numériques. Mais les médias ne se contentent pas de relayer certaines affaires de sorcellerie ; ils contribuent à en façonner la perception sociale en les élevant à la dimension de véritables scandales publics. C’est pourquoi les discours médiatiques ne doivent pas être appréhendés comme des sources transparentes, mais comme des productions culturelles spécifiques dont il faut restituer les logiques d’élaboration. Cet article s’intéresse à ce processus d’exposition médiatique de la sorcellerie en examinant plus particulièrement le cas du Sénégal.
GLAD!, 2018
L'antiféminisme d'État Une analyse rhétorique du mouvement des pères séparés au Québec State Antifeminism. A Rhetorical Analysis of the Fathers' Rights' Movement in Québec Aurélie Fillod-Chabaud 1 À partir des années 1970 1 , des mouvements « masculinistes », qui déclarent défendre la « condition masculine », se sont érigés en opposition aux revendications d'égalité de la deuxième vague du mouvement féministe. Le militantisme paternel-ou mouvement des pères séparés-est un mouvement social qui émerge au sein de ces mobilisations et qui se focalise sur la place des pères en situation de post-conjugalité. Si le masculinisme s'enracine dans une offensive globale dirigée contre le féminisme dans toutes les strates de la société, le mouvement des pères séparés s'ancre plus spécifiquement dans une contestation des mutations familiales. Dans un contexte de massification des divorces, les nouvelles configurations familiales sont dénoncées : l'enfant est au coeur de ces conflits et ses droits sont mis en avant dans les discours tenus. Les pères s'engagent ainsi dans une lutte qu'ils disent mener au nom de leurs enfants et formulent des revendications en matière de garde, présentées comme « égalitaires ». De même, la féminisation de certaines professions, l'arrivée des femmes en politique et la transformation des normes conjugales et sexuelles sont perçues comme des menaces à l'équilibre non plus seulement familial, mais plus largement sociétal. Les fondateurs de ce mouvement assimilent en effet les changements survenus depuis les années 1960 dans la sphère privée (diffusion de la cohabitation hors mariage ; banalisation du divorce et des unions successives ; multiplication des familles monoparentales et recomposées et mutation des rôles féminins au sein de la cellule familiale) à une remise en cause profonde de la condition masculine et paternelle. Ce mouvement remet en cause l'intervention de l'État dans la sphère privée en visant à délégitimer les institutions en charge de réguler les séparations conjugales. Plus fondamentalement, c'est la mise en concurrence de l'autorité paternelle avec celle de l'État qui est dénoncée, au regard de l'augmentation croissante de l'intervention de la puissance publique dans la sphère privée depuis la fin du XIX e siècle. La fin de la « puissance » paternelle, c'est-à-dire la fin du monopole masculin des droits et des devoirs au sein de L'antiféminisme d'État
Gouvernement & action publique, 2022
Depuis une douzaine d'années, de nombreux rapports interrogent le rôle et la place de l'École polytechnique, s'inquiétant que celle-ci forme de moins en moins de hauts fonctionnaires (Canepa, Folz, 2009 ; Cornut-Gentille, 2014 ; Attali, 2015 ; Cour des comptes, 2020). Un nouveau rapport sur les grands corps techniques de l'État, dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, et en lien avec la création de l'Institut national du service public qui remplace l'École nationale d'administration (ENA) (Berger et al., 2022), montre toute l'actualité du sujet. La proportion de polytechniciens intégrant un corps de l'État à l'issue de la scolarité est, en effet, passée de 50 % à la fin des années 1970 à moins de 20 % au début des années 2010 (Cornut-Gentile, 2014), alors qu'elle pouvait atteindre 90 % d'une promotion au début du xxe siècle. Certes, les effectifs ont évolué : de quelque 200 élèves, les promotions sont passées à 300 dans les années 1950 puis à 400 au début des années 1990, mais cette hausse n'explique pas tout. Le nombre de postes offerts dans les corps civils et militaires de l'État n'a cessé de diminuer en valeur absolue depuis quarante ans, jusqu'à un étiage historique en 2018 de seulement 69 places pour 400 élèves (Cour des comptes, 2020, p. 463). Les auteurs des rapports y voient volontiers le signe d'un découplage croissant entre l'État et l'École qu'ils attribuent, d'une part, à un certain immobilisme de l'institution produit par la désunion et la passivité des parties prenantes qui l'entourent-le ministère de la Défense, les corps, l'association des anciens élèves, etc. (Cour des comptes, 2020)-et, d'autre part, aux transformations de l'État lui-même qui, devenu régulateur plus que bâtisseur, ne serait plus en quête des compétences techniques diversifiées qui avaient été la raison d'être de l'École (Cornut-Gentile, 2014). On serait dans un premier temps tenté d'apporter crédit à ces critiques et de se focaliser sur l'École et ses parties prenantes pour essayer d'en comprendre les blocages. Toutefois, il n'est pas sûr que nous parvenions à expliquer de la sorte le « déphasage » avec l'État. La sociologie de l'action publique a, en effet, depuis longtemps démontré que les guerres intestines n'étaient pas en soi un signe de pathologie ou d'archaïsme, mais relevaient du fonctionnement normal des institutions (Duran, Thoenig, 1996 ; Bezes, 2009 ; Genieys, Hassenteufel, 2012 ; Faure 2020). L'École polytechnique connaît depuis ses origines des débats quant à son organisation et ses missions (Belhoste, 2003), sans que son rapport consubstantiel à l'État n'ait, jusqu'à ces dernières décennies, été remis en cause. Surtout, on voit mal comment un mouvement enclenché depuis une quarantaine d'années s'expliquerait par les guerres de palais des années 2000. Ainsi que l'enseignait Fernand Braudel, c'est l'histoire longue qui renseigne l'histoire courte, non l'inverse et il est vraisemblable que les luttes administratives du xxie siècle soient alimentées par la baisse tendancielle des emplois publics plutôt qu'elles n'en soient la cause. Certains rapports sur l'École notent, d'ailleurs, la logique des contraintes budgétaires qui pèse de manière aveugle sur l'emploi public (Canepa, Folz, 2009 ; Attali, 2015). La seconde critique sur la transformation de l'État paraît, de ce point de vue, plus pertinente. La révision des domaines d'intervention de l'État ces quarante dernières années (Lascoumes, Le Galès, 2005 ; Borraz, Ruiz, 2020) est allée de pair avec de profondes transformations de l'emploi public (Rouban, 2017). Ainsi, de nombreux corps autrefois dévolus aux polytechniciens ont soit disparu, à l'instar du corps des Télécoms, soit connu des
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