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La question extractiviste en Amérique latine

Abstract

Les dernières décennies ont vu, sur la scène sud-américaine, l'approfondissement de pratiques extractivistes massives. Ce phénomène, loin d'être nouveau, remonte à la colonisation ibérique initiée aux XVIe et XVIIe siècles. Cependant, c'est avec une ampleur nouvelle qu'il ressurgit à l'aube du nouveau millénaire. Une combinaison de facteurs, telle que l'augmentation des prix des matières premières tirée par la demande croissante des économies émergentes, la réorganisation des législation et juridiction nationales ou encore l'introduction de nouvelles technologies président à ces évolutions. L'extractivisme devient plus intense et élargit les frontières des territoires exploités. Les cimes des massifs andins, hier inaccessibles, voient dorénavant l'émergence de projets gigantesques tel que celui de la Pascua Luma entre l'Argentine et le Chili. Ainsi, alors que le Chili ne recevait qu'un milliard de dollars d'investissements dans le secteur minier en 2000, il en reçoit le triple sept années plus tard. Aujourd'hui, sur chaque centaine de dollars exportés à l'étranger, quatre-vingt dix proviennent des activités extractives. Les budgets d'exploration en Amérique latine et aux Caraïbes se sont multipliés par cinq entre 2003 et 2010, passant de 566 millions de dollars à 3 024. De même, les exportations minières en provenance du Mercosur représentent 42 000 dollars en 2009 alors qu'elles n'en représentaient que 13 000 en 2003. L'extractivisme ne recouvre 1 cependant pas uniquement les activités minières. Marielle Svampa affirme qu'il «doit être compris comme un modèle d'accumulation, fondé sur la surexploitation des ressources naturelles en grande partie non renouvelables et sur le déplacement des frontières des territoires jusqu'alors considérés comme «improductifs»». Cette notion, entendue de manière extensive, peut même aller jusqu'à 2 englober «d'autres activités (comme l'agrobusiness et les biocarburants) qui encouragent la logique extractiviste en consolidant la monoproduction». La re-primarisation des économies que connaît le continent sud-américain à l'aube du XXIe siècle s'accompagne de glissements sémantiques se voulant le reflet de nouvelles pratiques. Gudynas distingue ainsi deux types d'extractivisme. L'extractivisme «classique», le plus répandu, serait celui des gouvernements conservateur tels que Eduardo Gudynas, «Ten Urgent Theses about Extractivism in Relation to Current South American 1 Progressivism», Americas Program Report, 2010. Maristella Svampa, «Néo-"développementisme" extractiviste, gouvernements et mouvements sociaux en 2 Amérique latine », Problèmes d'Amérique latine, 81, 2011: 101.