(Il s'agit en substance d'une conférence donnée le 10/12/2018 à la faculté des Sciences humaines de l'université de Tunis, au laboratoire des études méditerranéennes, sur l'invitation du professeur Habib Ben Younès, archéologue tunisien, et en présence d'autres membres de la Faculté du 9 avril. Il a paru souhaitable de résumer ici cette conférence, donnée à partir de simples notes, afin de la partager plus amplement.) La Faculté a laissé le champ libre à l'auteur pour le choix du sujet. Il a donc semblé opportun de parler des 'Numides', résultant de recherches effectuées dans ce domaine, en essayant de focaliser l'attention sur le territoire tunisien proprement dit. Il est bien entendu que le terme de numide est une appellation de convenance, correspondant à l'aire géographique étudiée, comprenant l'est algérien et l'ensemble du territoire tunisien actuel. Il s'agit donc du peuple Amazigh de cette région, dont les habitants ont été d'abord appelés Libyens par les Grecs, en relation avec leur colonie de Cyrénaïque. Le terme de « creuset » a, quant à lui, été choisi en fonction des diversités et des influences qui se sont greffées sur ce territoire, considéré, à juste titre, comme étant à l'origine du Maghreb actuel. Ceci étant, il semblait alors logique de partir de la Préhistoire pour essayer de brosser un portrait général de ce peuple jusqu'à la fondation de Carthage, une limite volontairement établie en fonction du temps imparti. 1. La topographie et le cadre physique. Comme Gabriel Camps l'avait déjà fait remarquer, l'histoire du Maghreb a été modelée par la géographie physique tout autant que par le climat et le périmètre de son étendue. Il y a donc quatre territoires. G. Camps les définit comme étant la Berbérie occidentale, la Berbérie centrale, la Berbérie orientale, et la Berbérie saharienne. Le cas de la Numidie (Berbérie orientale) mérite une attention particulière. Tout d'abord, parce que le cadre physique révèle un décrochement et une ouverture significatifs sur le bassin méditerranéen, au nord, sur la côte est, et même au sud. La Tunisie est donc le seul pays maghrébin où la mer Méditerranée a joué un rôle essentiel dans les échanges. La pêche et la navigation font partie de sa culture depuis fort longtemps. L'image omniprésente du poisson sur les vases ou les portes atteste de cette vieille tradition de fécondité protectrice. On ne s'étonnera pas alors de la retrouver comme un symbole de la chrétienté à l'époque romaine, du temps de sainte Monique, de saint Augustin, ou même de saint Cyprien. Par ailleurs, la Numidie occupe une place clé au nord du continent africain. Elle a toujours été une terre de passage pour les vagues migratoires successives venues de l'Est, et éventuellement de l'Ouest. Le choix des Phéniciens d'établir une colonie à Carthage permettait d'offrir une étape stratégique entre la Méditerranée orientale et sa partie occidentale. Enfin, il faut aussi considérer les effets stratégiques du canal de Sicile, avec la proximité de Malte, de la Sardaigne ou encore des îles italiennes du détroit comme Lampedusa ou Pantelleria. Ces lieux de proximité ont joué un rôle important dès la Préhistoire. Tout ceci explique pourquoi la Numidie a été, de tout temps, une terre de rencontres justifiant l'appellation de « creuset » donnée à cet exposé. Ces croisements n'ont pas uniquement été horizontaux (Est/Ouest), mais aussi verticaux (Nord/Sud). Si l'expansion horizontale a été limitée par l'océan Atlantique et les Canaries (peuplées par les Guanches), elle a été forcément plus ample en direction du Sud, par l'intermédiaire des Garamantes, que l'on pense être les ancêtres des Touareg (sg. Targui). À ce propos, il faut tenir compte du fait que la désertification du Sahara a commencé plus tardivement, au Mésolithique, il y a environ 6,000 ans, et qu'elle s'est faite progressivement. 2. Le creuset préhistorique. L'Afrique du Nord est peuplée depuis des temps immémoriaux. On pensait récemment encore que les Ibéromaurusiens, de la partie occidentale et centrale, en étaient un premier maillon.