Séminaire De l'aire (2015) http://surlaplacepublique.net/joelle-zask/ Aménager le territoire ? Cette notion a beau être courante, elle ne convient ni en théorie, ni en pratique. On peut aménager la chambre de son enfant à naître, le tiroir de son bureau, un espace clairement délimité au départ. Mais ce n'est pas le cas d'une ville, d'une zone rurale, d'un quartier. La finalité des interventions abordées durant la journée Sur la place publique est de créer des lieux où habiter, non de restructurer des espaces existants. Pour reprendre une distinction rendue centrale par Gordon Matta-Clark, il ne s'agit pas de cosmétique, comme lorsqu'on décore superficiellement un espace en déposant à la surface divers matériaux, mais d'habitat. La distinction entre lieu et espace est d'emblée utile : l'espace, c'est la neutralité, le sans qualité, le sans forme, réceptacle passif de toutes les formes. Dans son usage public et politique, on l'associe volontiers à ces mêmes caractéristiques : l'espace public est un espace où les pouvoirs publics (et ceux qui leur font concurrence) se rendent visibles, se montrent, se manifestent, et ce d'autant mieux que l'espace est vacant, ou même évidé, comme il le fut en ville par les grands travaux du baron Haussmann durant l'Empire. Quant aux membres du public, les citoyens, ils n'y accèdent en droit qu'après avoir abandonné leurs « différences », réputées privées, au profit de leurs seules facultés considérées comme universelles : la raison et la morale fondée sur la raison (Kant). Ainsi purifiés des qualités secondes et « accidentelles » qui les distinguent et donc, les opposent, ils sont alors disposés, croit-on, à apprécier le spectacle de la vie publique, qui ne les inclut pas plus dans sa facture que la représentation théâtre n'inclut le spectateur. Mais ici c'est de lieu qu'il faut parler : le lieu est la portion d'espace dont nous faisons usage et que nous recréons continuellement par l'intermédiaire de nos usages. Sans usages, pas de lieu. Or un usage est un certain rapport au monde, celui de l'exploration. Certes, tout usage dépend de conditions, comme parler dépend de la langue ; faire un cake, des ingrédients et d'un four ; randonner, d'un chemin praticable. Mais il n'en est pas pour autant déterminé : le chemin n'impose ni la forme, ni le rythme de la marche. Contrairement à un rail, il rend possible une pluralité indéfinie d'usages. Réciproquement, les randonneurs modifient et entretiennent le chemin. Ils le nivellent, le complètent, le détournent quand cela est nécessaire, le représentent ou en font une cartographie. On le devine, le chemin est un lieu d'interactions entre des usages non dictés et des éléments concrets modifiables. Ce qui le définit n'est pas la frontière, la clôture, le mur, mais certaines limites qui apparaissent au cours d'expériences de type exploratoire. La distinction entre clôture et limite est ici importante. Tony Smith la mentionnait au sujet de sa sculpture Wandering Rocks (1967) : « mon intention était de produire une nouvelle mesure