La Voix prisonnière : phonostylistique de l’extase
Sébastien Ruffo2005, « La Clôture » -Actes du Colloque Interdisciplinaire et International, réunis par L.-X. Salvador, Bologne, CLUEB, 2005, "Heuresis strumenti".
Sign up for access to the world's latest research
Abstract
La Voix prisonnière : phonostylistique de l'extase. Clôturer, c'est discerner. En ce sens tout abstrait, la clôture est en soi un schème cognitif qui détermine et limite notre entendement, et nous pourrions ainsi avancer que la théorie des ensembles, en mathématiques, est une logique des clôtures. Au Moyen Âge, dans notre culture occidentale, ce schème informe la manière de comprendre le rapport établi entre le corps et l'âme : le corps est une prison pour l'âme, il l'enclôt mais elle le surpasse en valeur, et elle lui survit dans la mort. [...] telle est aussi la voix humaine, cette chose musicale, aérienne et tellement charnelle aussi. Cette ambivalence de la voix soulève de manière très sérieuse une question qui traversera notre culture de manière ininterrompue, jusqu'à nos jours : la voix a-elle vraiment le pouvoir d'enjamber la clôture du corps ? À quelles conditions pourrait-elle détenir ce pouvoir de matérialiser l'ordre du souffle, de l'esprit, du divin, au sein de celui des corps, des mains, des artifices ?
Key takeaways
- Même lorsqu'une nouvelle configuration du savoir permettra d'analyser la parole d'une façon alternative à la métaphysique de la trinité, ce qui nécessite une vision moderne du sujet psychologique, les auteurs de roman, par exemple, peineront toujours à décrire les voix de leurs personnages.
- Nous trouvons, ça et là, des choses dites d'un ton sec, à mi-voix, d'une voix douce, d'une voix bien posée, sur un ton très humble, a clerete voix (voix bien timbrée), en lisant à haute voix, à pleins poumons, à voix basse, à voix haute, à voix très haute et menaçante, tout bas, faiblement, d'une voix basse et rauque, à soi-même, en la priant très doucement, en soupirant à pleine voix, en transformant sa voix, de sa voix normale, d'une voix qui se lamente, en criant de toutes ses forces, etc.
- Ceux à qui la grâce divine accorde de connaître l'extase n'ont que faire de la matérialité des langues d'ici-bas.
- Dans cette typologie, l'extase, comme situation pragmatique, se définit comme la modulation d'une scène de dialogue archétypale, donnant à percevoir un écart stylistique ayant pour fonction de signifier une intervention de la transcendance.
- Nous ne nous arrêterons ici qu'aux seuls cas de monologues assimilables à des prières solitaires, qui correspondent plus fidèlement à l'archétype de l'extase mystique.
