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Dieu est-il la cause du peché ?

Abstract

Quare vero istum trahat illum non trahat, noli investigare si non vis errare… L'ENJEU DE LA QUESTION Une donnée fondamentale de la foi catholique est l'absolue innocence de Dieu vis-à-vis du péché. En plus, il n'est pas seulement innocent, mais il hait le péché. Comme disent les Écritures Saintes : « Ne dis pas : le Seigneur est cause de mon écart, car ce qu'il haït il ne le fait pas » (Si 15, 11). En supposant la non existence d'un génie malin comme cause première du mal, la réponse à la question du titre est donc clairement négative : Dieu n'est pas et ne peut pas être la cause du péché. Le raisonnement est simple, mais il y a une petite pièce qui semble briser la clarté de la conclusion. En effet, le mal est répandu dans le monde, mais si Dieu n'en est pas la cause (un dieu mauvais non plus), unde malum ? C'est la célèbre aporie d'Epicure qui depuis toujours se présente comme un argument qui met en question notre conception sur Dieu 1 : si Dieu veut écarter le mal, mais ne le peut pas, il est impuissant ; s'il est puissant mais ne le veut pas, il n'est pas bon. Or, on dit qu'il est bon et tout-puissant, comment donc expliquer l'apparition du mal dans le monde ? « C'est la méchanceté des hommes, une mauvaise utilisation de la liberté ». Certes, Dieu ne veut pas le mal, c'est l'homme qui l'introduit en se détournant de Dieu. Mais, qu'est-ce que cela signifie ? Un discours apologétique facile et commun comprend cette affirmation comme si le péché était le prix que Dieu devait payer en créant une liberté finie. Cette solution serait acceptable si on admet d'avance que la causalité de la créature se trouve en dehors de la causalité divine. Le problème n'est pas uniquement que la volonté de Dieu s'accomplisse toujours (et donc tout ce qu'il veut se fait), mais qu'on puisse affirmer qu'une créature pourrait faire toujours le bien de manière libre grâce à l'action (motion) de Dieu. Autrement dit, Dieu pourrait sans contradiction empêcher tout mal. Comment donc comprendre 1 L'existence du mal fut déjà présentée par saint Thomas comme un argument contre l'existence de Dieu (cf. Sum. Theol., I, q. 2, a. 3, ad 2 ; De Potentia q. 3, a. 6, ob. 4). Pour d'autres arguments dans cette ligne, ainsi qu'une présentation plus détaillée de l'objection épicurienne, voir Brian DAVIES, Thomas Aquinas on God and Evil, New York, Oxford University Press, 2011, p. 2-8.