L'objet de ma présentation est d'offrir une réflexion d'ordre historique le dialogue qu'entretien la philosophie hégélienne et la science de son temps. Plus particulièrement je m'intéresse à la manière dont G.W.F. Hegel (1770-1831) tente une retraduction en termes spéculatifs des recherches physiologiques de Xavier Bichat (1771-1802) sur la nature du vivant. Comment la science physiologique, d'ordre essentiellement empirique, peut-elle être repensée, dans le cadre du système philosophique de Hegel, comme un moment dans le déploiement du Concept ? En quoi les découvertes expérimentales, en physiologie notamment, guident-elles l'orientation du système hégélien sur la question du vivant ? Malgré l'extrapolation parfois violente qu'opère Hegel, son traitement des découvertes physiologiques de Bichat montre à quel point il demeure soucieux de penser la compatibilité entre sciences empiriques et sciences spéculatives ou philosophiques : « Non seulement la philosophie doit nécessairement être en accord avec l'expérience de la nature, mais la naissance et formation de la science philosophique a la physique empirique pour présupposition et condition 1 ». Loin de déduire un concept de la nature a priori indépendamment de toute considération pour les travaux de son temps, Hegel est au contraire un lecteur attentif des sciences en plein essor. Son système doit ainsi se comprendre à l'aune d'un dialogue constant avec les sciences dans lequel la philosophie se nourrit des nouvelles découvertes scientifiques tout en jetant une lumière nouvelle sur celles-ci. C'est un tel phénomène, résultat du dialogue qu'entretient Hegel avec Bichat, que j'aimerais exposer en m'intéressant à la distinction bichatienne entre vie organique et vie animale et la manière dont Hegel reprend cette distinction en lui conférant une dimension résolument spéculative.