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2020
La tentative de Husserl consiste à nous sortir du monde par réductions successives mais jusqu’à un certain point, un point où nous sommes toujours au monde, à la lisière du monde, un point au-delà duquel, selon lui, on sort de la science, ce qu’il ne veut surtout pas faire, ce qu’il ne croit pas avoir fait. Pour faire de la science, quelle qu’elle soit, il faut partir de quelque chose – elle ne part pas de rien – et, qui plus est, ce quelque chose dont elle part doit être visible de tous, doit être un phénomène commun. Le bout du monde pour Husserl se réduit à deux choses : la conscience pure et l’intuition pure originairement donnante. La question suivante, ultime, métaphysique, serait celle de la généalogie de ces deux choses-là. Qu’est-ce que la conscience pure et d’où vient-elle ? Qu’est-ce que l’intuition pure et d’où vient-elle ? Sommes-nous plus avancés ? La question métaphysique est vite réglée par l’invention de Dieu. (Cet article est un extrait, légèrement modifié, de mon livre "Le phénomène religieux".)
La question du langage semble avoir été l’orientation prise par Heidegger dans le prolongement de la question de l’être formulée dans Sein und Zeit. Comme le philosophe le rappelle dans le cours du semestre d’été 1952 « Qu’appelle-t-on penser ? », la question de l’être du langage s’est imposée à partir de la question de la logique dès 1929 : « Mais on s’irrite de ce que j’en reviens toujours à proposer la question de la Logique depuis l’indication donnée dans la Leçon inaugurale de 1929 « Qu’est-ce que la Métaphysique ? ». Ceux qui aujourd’hui assistent à ce cours ne peuvent savoir, il est vrai, que depuis le cours « Logique », tenu dans l’été de 1934, sous ce titre de « Logique », se cache la transformation de la Logique en question de l’être du langage, laquelle question est autre chose que de la philosophie linguistique. » Nous nous interrogeons ici sur ce rapport de Heidegger au langage tel qu’il s’est vu répété au début des années 50, avec le texte « Logos », le cours « Qu’appelle-t-on penser ? » tenu durant le semestre d’été de 1952 orientant la question de la pensée sur le fragment VI de Parménide, et la partie non prononcée de ce cours intitulée « Moîra » (Parménide, VIII, 34-41) qui s’y rattache très étroitement. Ces trois textes forment un ensemble remarquable auquel nous voudrions prêter la plus grande attention. Plus particulièrement, notre examen se focalisera sur la tension entre le mot Zwiefalt autour duquel se clôt le cours de 1952 et le mot de Parménide πεφατισμένον (fragment VIII, 35) tel qu’il est – ce qu’il nous faudra justement examiner et comprendre -, porté au silence par Heidegger. Ainsi en est-il lorsqu’à la fin de ce cours, Heidegger met en relation le τὸ αὐτὸ attachant νοεῖν et εἶναι dans le fragment III, à la relation que le fragment VIII introduit entre νοεῖν et ἄνευ τοῦ ἐόντος aux vers 35 et 36 ainsi traduits : [35] οὐ γὰρ ἄνευ τοῦ ἐόντος, ἐν ᾧ πεφατισμένον ἐστίν, εὐρήσεις τὸ νοεῖν « Car ce n’est pas séparé de l’être présent de l’étant pré-sent que tu peux découvrir le prendre en garde. » (W, XI, p. 223) Chose étonnante, les mots énoncés par Parménide ἐν ᾧ πεφατισμένον ἐστίν sont ainsi passés sous silence dans le cours de 1952. En ce point se joue la traduction sur laquelle repose le cours « Was heisst Denken ? », et au-delà de ce cours, la question du langage telle que Heidegger la posa à partir de Sein und Zeit. Ce que Heidegger appelle Zwiefalt - terme que nous désignerons dans ce qui suit comme Pli -, ne semble pouvoir se dire et se penser avec la « chose énoncée », le πεφατισμένον du fragment VIII. Ce qui nous engage en ce point dans la question du langage. 👍
à l'intuition, ou saisis dans l'immanence ; c'est donc à elle qu'il revient de fournir les gages de cette transparence à soi de la conscience qui doit légitimer la description phénoménologique, et c'est encore sur elle que reposera la distinction capitale des Idées directrices entre les deux sens fondamentaux et irréductibles de l'être, l'« être comme conscience » et l'« être comme réalité ».
Philosophie, 2006
Esquisse d'une perspective non transcendantale au coeur du projet phénoménologique Donner comme essentielle à la philosophie une définition de l'intelligence qui la ferme sur soi, c'est peut-être lui assurer une sorte de transparence et comme une atmosphère protégée, mais c'est peut-être aussi renoncer à ce qui est 1 1 .
Expliciter, 1998
Voici la suite du feuilleton comme promis, le premier épisode étant paru dans numéro précédent, avec le tableau synoptique de la période 1874-1913 en page 27 qui peut encore vous être utile dans cette série de textes. Je l'ai écrit dans un style un peu plus académique que le précédent, dans le sens où j'ai cherché à noter dans le détail toutes les dates qui servent de repères, ainsi que les références utilisées, dans la mesure où ce que j'avance dans un texte de format historique doit bien être référencé à des sources qui rendent compte de la manière dont est fondé ce que j'avance. Dans le cas des sources de seconde main (biographes par exemples) cela me conduit à répéter ce qui a été déjà établi par d'autres et je leur en laisse la responsabilité, tout utilisant ces informations dans une interprétation qui est la mienne. Dans le cas des sources directes, comme les extraits des correspondances, des journaux intimes, des textes publiés ou des manuscrits non publiés édités à titre posthume, ce que je cherche là encore c'est à les mettre en scènes de manière à avancer une interprétation nouvelle.
Recension philosophique du livre de Pierre-Jean Renaudie, Husserl et les catégories, Langage, Pensée et Perception, Paris, Vrin, 2015, sur l'Oeil de Minerve.
Giornale di metafisica, 2022
The article aims to analyse the Husserlian concept of Stiftung (institution) in its relation to the genesis of the subject. Husserlian analyses indicate that the genesis of experience is structured according to the polarity between a «first time» (that establishes a new sense) and a subjective habitus as a horizon of possible repetitions and transformations. On the basis of these Husser-lian analyses, it is possible to state that there is thus an «institution of the subject» in the ob-jective sense of the genitive: the subject itself is formed by this anonymous instituting move-ment. However, this conclusion contrasts with the transcendental idealism as general frame-work of Husserlian phenomenology. The article then attempts to articulate this thesis along three directions: the facticity of the first time; the horizon of repetitions and differences; the genesis of the subject by feedback from the institution.
Ligeia, 2009
Le fondateur de la phénoménologie, Edmund Husserl, philosophe allemand ou plutôt germanophone originaire de la Moravie, a célébré le XX e siècle naissant en publiant ses six Recherches Logiques. La deuxième était entièrement consacrée à l'abstraction et aux théories afférentes. C'était un ouvrage savant qu'on ne pourrait taxer de "pré-phénoménologique", qu'en sachant où cette voie devait mener son auteur. L'abstraction y est traitée pour l'instant exclusivement de manière traditionnelle (sinon scolastique), c'est-à-dire du point de vue de la formation des notions générales, notamment scientifiques : Begriffsbildung. Comment la pensée déduit, en les abstrayant, certaines qualités de l'objet et les élève au niveau d'une notion ? Douze ans plus tard, en 1913, le tirage étant épuisé, il réédite ses Recherches logiques et en profite pour les corriger. Quand on a en tête les événements qui, dans l'histoire de l'art, séparent l'an 1901 de 1913, il n'y a rien d'étonnant à ce que les modifications du texte intervenues dans la deuxième édition témoignent d'un bouleversement dans la perspective husserlienne sur l'abstraction. Nulle doute que la raison provienne de sa découverte de l'art abstrait, dont l'amateur d'art Edmund Husserl a pris connaissance en visitant des galeries, en parcourant les nouvelles revues d'art et en s'intéressant à l'oeuvre, entre autres, de son compatriote tchèque (bohémien, lui, né à quelques 200 km de la ville natale de Husserl et une douzaine d'années son cadet) František Kupka. Commence alors une longue histoire de connivence entre la phénoménologie et l'art abstrait qui ont trouvé, l'un dans l'autre, leurs partenaires et interlocuteurs privilégiés. Que mes auditeurs et lecteurs me pardonnent cet exercice de virtual history ou plutôt cette boutade. Husserl fut un homme, comme on dit, cultivé, mais son amour de l'art n'a jamais enfreint ses voeux de fidélité à Beethoven, Dürer, Raphaël, Titien ou Michel-Ange. De Kupka (comme d'ailleurs de tous les autres artistes abstraits) il ignorait très probablement jusqu'à l'existence. Les modifications introduites dans la deuxième édition de sa deuxième Recherche Logique sont, c'est vrai, multiples, mais aucune ne laisse soupçonner la moindre trahison au goût plus que classique de son auteur, sans parler d'une refonte inspirée par l'irruption de l'art abstrait. Pourtant, une chose est juste dans l'histoire virtuelle que je viens de conter : à savoir l'alliance sacrée entre la phénoménologie et l'art abstrait. Nous avons donc affaire à une énigme : Husserl ayant été, au début du siècle, absolument imperméable à l'art de son époque, comment se fait-il qu'un demi-siècle plus tard, la phénoménologie se soit imposée comme la voie royale de compréhension de l'art moderne ? Je vais donc consacrer ces quelques réflexions à cette énigme. À priori la rencontre de la phénoménologie et de l'art abstrait paraissait bien compromise, du moins du côté des artistes qui boudaient la pensée académique. Comme le dit Mikel Dufrenne : "Entre la praxis artistique de ce temps et la réflexion esthétique, [il y avait 1 ] peu de communication ; les esthéticiens et les historiens sont plus familiers avec la Renaissance qu'avec le Fauvisme, le Cubisme, la musique de Debussy, de Stravinsky ou de Schönberg. Seule une esthétique spontanée, une théorisation immédiate portent sur ce que se fait hic et nunc ; mais elle est l'oeuvre des artistes eux-mêmes ou de leurs compagnons de route : de Kandinsky ou d'Apollinaire, et c'est dans le Blaue Reiter qu'elle s'écrit plutôt que dans la Zeitschrift für Aesthetik und allgemeine Kunstwissenschaft" 2. Les artistes savaient, donc, penser eux-mêmes, et s'ils recourraient à l'aide des philosophes, ils se tournaient plutôt vers Rudolf Steiner que vers Immanuel Kant. Sans parler de la métaphysique, même l'esthétique en tant que branche philosophique n'enchantait que peu les artistes-novateurs. N'oublions pas que, à la différence de l'esthétique d'aujourd'hui, celle de l'époque était fière de ne rien devoir ni pouvoir dire devant un tableau. C'était, comme on disait, une esthétique 'pure' (reine), propre, libre de toute impureté : de l'expérience de l'art en particulier. La jeune phénoménologie ne se démarquait, d'ailleurs, nullement de la 'rhétorique de la pureté' commune à la philosophie et à l'idéologie allemandes du XIX e et du bon premier tiers du XX e siècle 3. Dans le cadre phénoménologique, le changement n'interviendra qu'avec Heidegger dont L'origine de l'oeuvre d'art cherche déjà à parler à partir de l'oeuvre (bien qu'avec un résultat assez mitigé). Mais tous les phénoménologues n'étaient pas fiers de cette pureté (alias ignorance) à l'égard de l'expérience de création et de perception de l'art. En 1916, un jeune phénoménologue, élève de Husserl, accusait l'esthétique de ne pas être à même de prendre position sur les questions d'art posées par l'époque, notamment "par rapport à l'expressionnisme et au futurisme, aux arts appliqués modernes et à la musique moderne, à Stefan George et au mouvement Charon, à Hodler et à l'influence japonaise" 4. Ces accusations, mis à part leur évident bien-fondé, avaient un goût blasphématoire, puisqu'elles invitaient les théoriciens à prendre une position dans les débats artistiques. Si l'on passe maintenant à l'analyse un peu plus détaillée des obstacles à la rencontre avec l'art abstrait, ceux-ci étaient, du côté de la phénoménologie, de deux sortes : les uns concernaient l'art, les autres touchaient à l'abstraction. Quelle était l'attitude de Husserl lui-même à l'égard de l'art ? Cette attitude était, tout d'abord, absolument et sans faille aucune, mimétique et épistémique. Rien ne laisse soupçonner chez Husserl une conception non-représentativiste, non-figurative, non-analogique de l'art. En disant cela, évidemment, on est à cheval entre l'interprétation des positions théoriques du penseur et l'analyse de ses prédilections individuelles, intimes, qu'on essaie de détecter entre les lignes de ses ouvrages théoriques (puisque sa vie se laisse réduire plus ou moins à ceux-ci). Lorsque Husserl donne l'exemple du portrait, et dit qu'un portrait crée l'illusion que la personne est là 5 , nous sommes indécis : faut-il prendre ces paroles pour une position esthétique normative, ou pour le signe d'une extraordinaire impressionnabilité, d'une particulière délicatesse d'âme de l'individu Edmund Husserl ? Quoi qu'il en soit, l'art est pour lui un mode bien spécifique de connaissance du monde 6 .
Philosophiques, 2000
There is a lot of misunderstanding and ignorance about Husserl’s philosophy among analytic philosophers. The present paper attempts to help correct that situation. It begins with some quotations of Husserl written around 1890, which clearly establish that he arrived at the distinction between sense and reference with independence from Frege. Then follows a brief survey of the most important themes of Husserl’s Logical Investigations, emphazising those that are of special interest to analytic philosophers. The paper concludes by mentioning other interesting issues treated in later Husserlian writings, including his valuable conferences on ancient and modern logic from 1908-1909.
Revista si recomandarile Vox Philosophiae -Articole de filozofie www.filozofie.eu (2005) Nous utilisons implicitement les mots « réalité » et « réel » plusieurs fois chaque jour, cependant nous les entendons chaque fois différemment. Néanmoins la dissémination foncière de ces mots, fondamentaux pour notre compréhension du monde, a été léguée aux théories philosophiques comme faisant partie des traits à partir desquels celles-ci se distinguent les unes des autres. Pour cela, nous croyons pouvoir expliciter une différence inhérente à la phénoménologie contemporaine, cette différence pouvant apparaître entre la description des vécus réels du sujet et l'explicitation des existentiaux quotidiens du Dasein. L'enjeu est donc de montrer que cette différence est née, non seulement à partir des positions explicites de Husserl et Heidegger, mais qu'elle a commencé aussi avec une vision implicite du « réel » et de la « réalité » (lesquels, dans la phénoménologie, ne renvoient plus à une transcendance « objective » d'un « monde extérieur »). Si la question phénoménologique par excellence est celle de la possibilité de frayer l'ouverture la plus adéquate à la donation des choses ou des étants, il devient par conséquent nécessaire de voir comment la modalité d'ouvrir les choses (pour le sujet ou le Dasein) change nécessairement leur « réalité ». Dès lors, cette dualité irréductible entre la phénoménologie husserlienne et la phénoménologie heideggérienne peut-elle nous faire distinguer deux formes différentes du couple « réel -réalité » ? Comment s'établit donc la distinction entre ces deux types d'accès qui sont présupposés par les méthodes phénoménologiques susdites ? Quels sont les liens internes qui définissent le caractère « réel » de la donation de l'horizon mondain ou ontique de la phénoménalité ?
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Revue "Implications Philosophiques", en ligne : http://www.implications-philosophiques.org/implications-de-la-perception/perception-et-conflits-fondateurs-chez-husserl-1/, 2011
Propositions et états-de-choses (ed. Jocelyn Benoist), Vrin, 2006
La Part de l’Œil, 1991
La Part de l’Œil, 1991
Philosophiques, 2000
Université de Rouen-Normandie, 2019