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Nietzsche et l'horizon de la diversité des langues

2015, Nietzsche: l'herméneutique au péril de la généalogie

Abstract

Penser la diversité des langues fut la tâche commune des fondateurs de l'herméneutique contemporaine et sans nul doute le problème inaugural de cette tradition philosophique. Schleiermacher, Schlegel, Voss, Ast, mais aussi d'une façon plus singulière W. von Humboldt, ainsi que ces « poètes-philologues » dont Goethe demeure la figure de proue, tous étaient de grands traducteurs, de véritables philologues en prise avec des langues étrangères, que celles-ci soient anciennes ou vivantes. Leur réflexion sur l'acte de traduire, d'interpréter et de comprendre s'est abondamment nourrie de cette pratique de l'altérité des langues, de la résistance du sens, des transferts culturels ; et les grands concepts ou problèmes de l'herméneutique (sens littéral, cercle herméneutique, interprétation) proviennent directement de cette expérience. C'est la raison pour laquelle la question de la diversité des langues chez Nietzsche nous paraît être un témoin privilégié pour étudier la relation que ce dernier entretient avec la tradition herméneutique, et peut-être mieux déterminer la parenté ou la proximité de son questionnement avec certaines lignées issues de cette nébuleuse, sans négliger pour autant l'originalité de son approche. De plus, il nous semble que cette question nous permet d'examiner sous un tout autre jour la réflexion de Nietzsche sur le langage. En effet, tout lecteur avisé de Nietzsche connaît les célèbres textes consacrés au langage en général, au poids des mots qui grégarisent, à la croyance en la grammaire. Mais ces analyses se prolongent-elles jusqu'au problème de la particularisation en des langues diverses, irréductibles les unes aux autres ? Peut-on affirmer que Nietzsche est un penseur des langues ?