Le Berlin russe by Karl Schlögel

« Plus ancienne, [la ville] était aussi plus pure et meilleure que tout ce qui s'y produisait. Aucune sorte de saleté n'avait prise sur elle. La prison et les casernes avaient enfoncé leurs tenailles dans son beau corps, ses rues étaient peuplées de cyclopes en bourka noire, de chefs de sotnia cosaques qui sentaient le chien et le loup, de soldats de la garde, celle de l'armée battue, chargés depuis leur casquette jusqu'à leur semelle d'une électricité due à leur jeunesse et à leur santé de renards. Chez certaines personnes, l'éventualité d'un meurtre sans châtiment produit le même effet qu'un bain dans la fraîche eau minérale narzane ; pour cette engeance à l'impertinence enfantine, aux yeux bruns, dangereusement vides, la Crimée n'était qu'une station balnéaire où faire une cure en observant un régime vivifiant, profitable à l'organisme. » Voilà ce que découvrit le poète russe Ossip Mandelstam dans les rues de Féodossia au printemps de 1920. Il s'était réfugié dans cette ville presque méditerranéenne sur la mer Noire pour échapper aux atrocités de la guerre civile dans des villes comme Moscou et Kiev. Dans son autobiographie, il dresse un portrait plein de tendresse d'une ville de Crimée qui s'efforce de supporter avec « dignité » l'occupation par les généraux de l'Armée blanche. Je me suis remémoré ce passage en lisant le reportage de Karl Schlögel sur les horreurs commises actuellement dans les villes de l'est de l'Ukraine qui est durement touché par une guerre civile. K. Schlögel y était au printemps de 2014 et il s'est rendu entre autres à Charkov, Donetsk, Dnipropetrovsk et dans un grand nombre de villes et de villages plus petits de la région de Donetsk, où les séparatistes – qui souhaitent obtenir l'indépendance de la région face à l'Ukraine – se battent contre les troupes gouvernementales. Comme Mandelstam, K. Schlögel note ce qui se passe sous ses yeux : « Ceux qui se sont rangés sous la bannière de la République populaire, sont aussi bigarrés et disparates que les uniformes qu'ils arborent. Les hommes masqués font parfois penser à des bandes de lansquenets et de légionnaires tout droit sorties d'un livre d'histoire. Un jour viendra où leurs actes, leur rhétorique et leur carrière seront pesés par des biographes et des analystes et espérons-le aussi par des juges. Cependant, il est indéniable qu'on ne peut réduire cette plèbe à l'écume ou à la lie de la nation, même si on y trouve justement de fortes concentrations de ces types : petits délinquants libérés de prison ; mercenaires, anciens gardes du corps, instructeurs de sports de combat, toxicomanes, une populace qui n'a pas besoin d'idée ni d'idéologie pour agir. Un autre groupe à ne pas négliger est formé par les anciens combattants des guerres (post)-soviétiques en Afghanistan, au Tadjikistan et en Tchétchénie ; des opérations militaires en Transnistrie et en ex-Yougoslavie. Ce sont les professionnels contre lesquels les braves recrues et réservistes de

Mediapart, 2015

Sociétés & Représentations, 2000

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Philosophie, 2006

Esquisse d'une perspective non transcendantale au coeur du projet phénoménologique Donner comme essentielle à la philosophie une définition de l'intelligence qui la ferme sur soi, c'est peut-être lui assurer une sorte de transparence et comme une atmosphère protégée, mais c'est peut-être aussi renoncer à ce qui est 1 1 .

Annales, 2010

2021

RLC - Revue de Litterature Comparée, 2018

The 1917 revolution triggered in France a new flow of images around 'the floating Russian soul' analysed by the Viscount Eugène-Melchior de Vogüé (1886). In Belgium, which was constantly affirming its Belgian cultural identity vis-à-vis Paris, Russia was the topic of various discourses and genres: travelogues, reports, theatrical performances, fiction. This article will shed light on the image of Russian emigration in the novel La Matriochka (1945) by Charles Plisnier (the first Belgian who won the prestigious Goncourt prize in 1937 for his novel False Passports ). Torn between communism and Catholicism, Plisnier created a series of both original and stereotypical images of Russia 'incarnated' by the main character of the novel, a curious Russian prince Ilya Ossokine.

Classiques des sciences sociales., 2006

dly breaks with the durkheimians' epistemological attitude. It operates directly on the meaning given by individuals to their behaviours. It also has the ambition, thanks to data processing, to unveil the potential attitudes at work behind the trends of public opinion. This research protocol is based however on a vision of man as a part of society, constantly under the pressure of a collective conscience. His opinion is the perceptible form of the basic representations lying within this conscience. One may thus consider it as an extension of Halbwachs' conception of the influence society has on itself and its body (i.e. its population) as soon as it adopts a « perceptible » material form that penetrates our minds.

Féeries, 2016