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Codes vestimentaires, féminité et périphérie républicaines

Abstract

Les codes vestimentaires marquent l’identité féminine comme ils marquent parfois l’appartenance religieuse et culturelle. Lieu de métissage culturel, le vêtement peut aussi communiquer un message de stricte observance de la tradition ou d’innovation relative. Il s’agira, avec cette communication, de montrer comment des femmes, juives ou musulmanes, en situation de migration, depuis l’Afrique (Sénégal ou Maroc) vers la France, trouvent, grâce au vêtement, une façon originale de marquer leur appartenance à une communauté et leur identité religieuse personnelle ou de cacher celle-ci. L’effet des générations et de l’histoire, le poids de la communauté, les normes sociales dominantes, mais également l’évolution des croyances en itinéraire de migration modifient l’apparence vestimentaire, ostentatoire ou discrète, traditionnelle ou non conventionnelle, qui devient l’affichage du lien entre identité pour soi et identité pour autrui. Peut-on, dans ce cadre, trouver des similitudes ou des différences significatives entre femmes musulmanes et juives dans la façon d’habiter le vêtement traditionnel et le rapport aux modes du temps, lorsque la migration vers le pays étranger impose aussi ses lois ? Les observations de terrain et entretiens menés auprès de femmes d’origine sénégalaise musulmane ou marocaine sépharade immigrées en France depuis une ou deux générations sont reliées à une réflexion théorique sur le phénomène migratoire observé au sein de populations féminines parfois stigmatisées, parfois idéalisées, selon le contexte de valeurs à partir duquel on les appréhende et le type de société qui les accueille. Mais ils permettent aussi d’aborder une des façons dont un modèle de société qui fonctionne à l’intégration, celui de la société française, valorise, exacerbe ou stigmatise les différences. La polémique sur ce qu’on appelle un peu rapidement “le voile” a cristallisé en France des ressentiments intercommunautaires en rupture avec les traditions de l’accueil et du respect de l’autre. Comment, dans ce contexte particulier, le vivre ensemble trouve-t-il malgré tout sa voie, et la différence, ici appréhendée à partir du vêtement, est-elle négociée par les uns et les autres ? L’exposé proposé tentera d’explorer certaines des limites du modèle d’intégration à la française, souvent opposé au modèle anglo-saxon, dans le contexte d’une société plurielle soumise à plus qu’une crise de croissance : des formes de radicalisation politique mettent à mal le vivre ensemble inter communautaire. Il s’agit donc d’éclairer à partir d’un phénomène social bien circonscrit, l’habitus vestimentaire, pour reprendre une terminologie bourdieusienne, et en l’occurrence le vêtement religieux des femmes, un état du collectif, pris entre le marteau et l’enclume. : entre le radicalisme laïc et le radicalisme commnuautaire, quelle place se forge ou se défait pour une société tolérante et ouverte, forte de sa diversité ?