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Lecture et loisirs des jeunes tunisiens

Abstract

Cet essai tente d’analyser les loisirs des jeunes préadolescents tunisiens en focalisant la réflexion sur leurs relations avec la lecture, la bibliothèque publique et les médias. La principale source est « l'étude sur les jeunes et la lecture dans les bibliothèques publiques» (EJLBP) basée sur une enquête avec un échantillon représentatif national d’environ mille jeunes âgés de 10 à 14 ans choisis selon la méthode des quotas. L’analyse des données de l’enquête EJLBP n’était pas suffisamment représentative : la confronter à d’autres enquêtes pour en dégager constantes et tendances s’avère plus pertinent. Les résultats de l’enquête ont à la fois permis de réaffirmer les conclusions des enquêtes précédentes et de dévoiler des nouvelles données originales. Notre étude a confirmé les tendances culturelles dominantes chez les jeunes révélées par d’autres enquêtes: -Dominance de la culture « médiatique » et domestique : autrement dit, prédominance de la télévision dans la hiérarchie des loisirs et habitudes culturelles restreintes à l’enceinte familiale et au quartier d’appartenance des jeunes. Ceux-ci ont exprimé, une nouvelle fois, dans cette étude, une indifférence notoire pour les associations et les institutions culturelles. Les résultats de cette enquête ont, en outre, démontré des conclusions inédites : -Cette culture médiatique, domestique dominante n’est plus locale mais régionale, elle s’étend grâce à la télévision satellitaire au monde arabe : les chaînes arabes financées par les pays du golfe (MBC, SpaceToon,…) sont les télévisions les plus vues et les plus en vogue (41 %).Elles exercent une fascination chez cette catégorie d’âge encore fragile et psychologiquement très perméable à ces chaînes. -Les déterminants socioculturels de la lecture affirmés par la sociologie de la lecture, sont remis en cause : -La parité d’inscription aux bibliothèques publiques (BP) pour les deux sexes est établie pour les inscrits, alors que les études et enquêtes les plus connues sur la lecture affirment que ce sont les filles qui forment la majorité des inscrits à la BP et du lectorat en général. -Dans cette étude, ce ne sont pas les niveaux socioculturels supérieurs qui jouent un rôle positif dans l’incorporation des habitudes de lecture, ce sont plutôt les modestes niveaux sociaux et scolaires qui déterminent positivement l’inscription dans les bibliothèques et la pratique lectorale. Le recrutement des bibliothèques tunisiennes se fait essentiellement parmi les jeunes ayant pour origine les catégories socioprofessionnelles les plus démunies. Par contre en France, et dans d’autres pays développés, les enquêtes sur les pratiques culturelles ont mis en évidence le lien étroit entre, d’une part, le capital scolaire élevé et l'appartenance sociale à des catégories supérieures et, d’autre part, la lecture et l'inscription en bibliothèques. -La lecture institutionnelle souffre de la dégradation de l’utilisation de la bibliothèque à un âge précoce, comparativement à d’autres pays. A partir de 12 ans commence la régression de la fréquentation des BP et atteint son point de chute à 14 ans, c’est à cet âge précis que la baisse de l’inscription devient infime et dévalorisante pour les professionnels de la bibliothèque. Comparativement à d’autres pays, c’est une retraite juvénile de la bibliothèque et un décrochage précoce des activités lectorales.