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L'imaginaire de l'absence

Cet article s’intéressera au travail de photographes qui, tournant le dos à l’évènement, montrent le témoin/regardeur plutôt que ce qu’il regarde. Le témoin, présent pendant les 102 minutes au cours desquelles les tours ont été attaquées et détruites, se distingue ainsi du regardeur qui, après la chute, après que le nuage de débris se soit répandu dans Manhattan, après que l’évènement soit circonscrit dans le temps, se rend sur les lieux pour voir — et contempler — la destruction avérée. À quoi servent les photographies qui montrent l’absence des tours non par le vide du ciel mais par le visage des passants? Quels sont les tropes de ces images qui se détournent du spectaculaire pour en montrer l’effet? Quels rôles jouent-elles dans la construction du rapport à l’évènement? Trois séries photographiques serviront d’ancrage: Empty Sky : Pélerinage à Ground Zero/Pilgrimage to Ground Zero, de Steve Simon et Pilgrimage : Looking at Ground Zero, de Kevin Bubriski, toutes deux publiées en 2002, et la série Autour: New York 2001-2002, parue en partie dans le numéro hors-série du magazine Le Monde en 2011. Il s’agira dans un premier temps de voir de quelle manière le spectaculaire et les difficultés de montrer la destruction en cours ont mis en forme le 11 septembre, une réflexion sur les images du 11 septembre 2001 ne pouvant faire abstraction de ses conditions de représentation. Dans un second temps, je me tournerai vers les photographies des trois séries afin de questionner le rôle des photographies de témoins/regardeurs dans ce que j’appellerai la création du 11-Septembre, c’est à dire dans sa cristallisation en moment charnière de l’entrée dans le 21e siècle. M’intéresseront ici à la fois les tropes mis en place par les différentes séries et les motivations des photographes, telles que présentées dans les textes accompagnateurs.