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orthos chez Eschyle

Sur l'adjectif ὀρθός, un examen, même rapide, de ses occurrences, montre qu'il a connu une considérable évolution sémantique, depuis l'expression simple et concrète d'une position spatiale (« droit, dressé ») à celle d'une conception abstraite complexe (« juste, convenable, correct »), avec un emploi relativement fréquent dans le contexte de la justice. Un précédent article 1 démontrait l'absence de ce sens figuré de la justice dans la poésie épique, et même dans la poésie archaïque, puisque les odes de Pindare n'en présentent aucun exemple incontestable et que seul l'adverbe dérivé, chez Bacchylide, peut éventuellement être interprété dans le sens de « exactement, comme il faut ». Il semble que ce soit dans le cadre du classicisme athénien, et notamment chez l'un de ses premiers représentants, Eschyle, qu'apparaisse cette évolution : or le poète tragique est contemporain de Pindare, et les différences d'emploi pourraient donc être mises sur le compte d'une opposition de civilisation, en lien avec l'élaboration d'une justice démocratique. À cet égard, il convient de prêter une attention particulière à la trilogie de l'Orestie, car le problème de la justice et de son évolution, le passage d'une justice archaïque de clan, de droit privé, à la justice démocratique de l'Aréopage, constitue le corps de cette oeuvre. Ce projet de la trilogie est depuis longtemps connu et analysé, mais ce que notre étude voudrait plus précisément mettre en lumière, c'est la façon dont l'auteur, mobilisant toutes les ressources du lexique pour exprimer les différentes conceptions de la justice en question, intègre, pour la première fois, ὀρθός, ainsi que ses dérivés et composés, dans ce champ lexical.