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Barthes et Voltaire. La philosophie du voyage.

Abstract

En cette année du centenaire de Roland Barthes, il n'est peut-être pas inutile de réfléchir à nouveaux frais sur la célèbre lecture de Voltaire que proposa le grand critique. Cette interprétation a exercé une influence déterminante sur la réception de l'écrivain dans la deuxième moitié du xx e siècle, tant dans le monde académique que dans le grand public cultivé, à la mesure du prestige de son auteur. L'étude, parue également parmi les Essais critiques de 1958 1 , a servi de préface à plusieurs éditions des Romans et contes de Voltaire, au Cercle du bibliophile dès 1957 2 . Surtout, elle ouvrit longtemps l'une des éditions les plus répandues de Voltaire, ses Romans et contes dans la populaire collection « Folio », aux éditions Gallimard 3 . D'une tonalité dépréciative, le texte a joué, pour de nombreux lecteurs, le rôle de porte d'entrée dans l'un des rares fragments de l'oeuvre voltairienne qui ait survécu à la postérité 4 , et semble caractéristique d'une forme d'oubli actif, quelques décennies durant, de l'esprit satirique fondateur des libertés de pensée et d'expression.

Key takeaways

  • moments essentiels de sa vie et de son oeuvre, qui eussent pu amener à nuancer le propos.
  • Les deux textes sont authentiques, même s'il faut préférer les Lettres philosophiques aux Lettres anglaises 11 : premier pas, relativement récent mais entérinant déjà l'inégalité en nombre, d'un passage au second plan, dans le titre et dans ce qu'il implique, du « voyage » par rapport à la « philosophie ».
  • D'un côté, il s'agit d'un voyage réel effectué par Voltaire entre 1726 et 1729 ; de l'autre, nous avons affaire à une transfiguration drastique de l'expérience personnelle en figure de pensée.
  • C'est le talent propre de Voltaire, celui de ce que l'on appelle les « contes philosophiques » notamment, de donner à voir ce qu'il donne à penser, au risque de finir par susciter le doute sur la réalité de la chose vue.
  • C'est la faiblesse d'une philosophie de l'estrangement voyageur que d'être non seulement relative à ce à quoi elle rend étranger, c'est-à-dire essentiellement réactive, mais aussi superficielle parce qu'elle se meut dans un monde de perspectives, d'images et de représentations, non d'arguments intrinsèques.