Résumé. Examinant les logiques interprétatives du visuel à l’œuvre dans la culture populaire, cet article propose de reconnaître comme un outil heuristique le processus de formation de groupes iconographiques, dénommées imageries narratives, sur le modèle de l’identité narrative proposée par Paul Ricœur. Ensembles dynamiques générés par le succès commercial d’une représentation, ces imageries se caractérisent par une productivité identifiée comme un signal social, un effet de norme. Leur association en contexte avec des signifiés ou un récit implicite les distinguent des circulations des motifs graphiques, et permettent de les employer comme clé de lecture d’images isolées. Les fameuses images « qui valent mille mots », caricatures de presse, publicités ou photographies de reportage iconiques, sont autant d'exemples de ce mode interprétatif par corrélation avec l’imagerie correspondante. L’itération constitue le prototype en source, et substitue à la référence externe à laquelle est supposée renvoyer l’image un principe d’autoréférentialité iconique qui autonomise son sujet. La capacité des imageries narratives à imposer leur propre registre de significations peut contribuer à éclairer des élaborations comme les Mythologies de Roland Barthes ou La Société du spectacle de Guy Debord, qui ont pour point commun de cibler la production visuelle des industries culturelles, en soulignant le caractère omniprésent de représentations issues du marché, mais aussi leur cohérence idéologique.