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Elissa, la reine vagabonde de Fawzi Mellah, un récit baroque?

2007

Abstract

Le baroque, s'il existe, n'est pas une île (et encore moins une chasse gardée), mais un carrefour, une « étoile » et, comme on le voit bien à Rome, une place publique. Gérard Genette, Figures II Boudjedra (1987) ; tandis que Hachemi Baccouche situe son roman La Dame de Carthage (1961) en plein XVIe siècle ottoman. Certes, il est admis que le roman maghrébin, depuis son émergence dans les années 1950, a entretenu des rapports étroits avec l'Histoire du Maghreb. Cependant, celle-ci ne va pas au-delà de la colonisation française, étant donné que les récits produits, soit s'inséraient dans un « courant de résistance » 4 , soit qu'ils revisitaient, après l'Indépendance, cette période de colonisation encore vivace dans les mémoires. Dans les deux cas, les écrivains se positionnaient par rapport au colonisateur français dans une dynamique que Charles Bonn qualifie de « traversée Sud-Nord » 5 en parlant contenu à travers une thèse de Doctorat soutenue par Sarra Chérif et dirigée par Charles Bonn 1. Justement, la chercheuse cite l'écrivain qui s'insurge en ces termes : Rien ne rappelle la grande dame. Comment expliquer cette négligence ? Comment comprendre cet oubli ? Comment accepter cette onomastique indigne ? Est-ce parce qu'Elissa était une femme que, dans la pure tradition sémite, les Tunisiens ont fini par effacer jusqu'à son nom ? 2 Ces quelques éléments extérieurs au texte nous ont donc permis de mesurer le lien intime, à la limite de la vénération, que l'auteur entretient avec sa lointaine ancêtre. Il s'ensuit que l'attente du lecteur est orientée vers un récit où la reine phénicienne serait davantage mythifiée et sacralisée. Mais c'est compter sans le parti pris créatif de l'auteur, car, force pour nous fut de constater que cette attente est trompée par l'écrivain qui réserve un traitement des plus singuliers au mythe d'Elissa. Mais avant d'aller plus loin, précisons d'abord ce que nous entendons par mythification. Ce terme est forgé à partir de « mythe » qui signifie, dans son acception la plus large, « légende, affabulation » mais surtout « représentation idéalisée 3 ». Ainsi, un objet ou un personnage sont mythifiés dès lors qu'ils sont embellis et grandis par l'imaginaire collectif. Ce qui est propre à leur conférer un caractère irréel, et à les hisser dans la sphère de l'inaccessible. Et du coup, il nous semble permis de supposer que la démythification consisterait à emprunter le chemin inverse, c'est-à-dire à désacraliser le mythe, et à réduire toute distance qui nous en sépare en l'humanisant et en le faisant déchoir vers le domaine du trivial. Ainsi, plus que l'écriture d'une histoire, il s'agit bien pour Mellah du réinvestissement d'un mythe. Et ce qui nous importe ici c'est surtout la façon dont ce mythe est retravaillé. Car, loin de se limiter à sa substance, la « parole mythique » est surtout une « forme » selon Roland Barthes, qui affirme que « le mythe ne se définit