2020, HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe)
La soif de dominer est celle qui s'éteint la dernière dans le coeur des hommes. Machiavel La démocratie n'a jamais pu être pleinement saisie en son concept. Tantôt réduite à son étymologie 1 , tantôt nostalgie d'un idéal (Athènes), tantôt ramenée à une formule 2 , tantôt circonscrite au titulaire du pouvoir, le peuple, par opposition à d'autres régimes politiques et à leur dégénérescence potentielle 3 , la démocratie apparaît bien plus comme une forme, soit une architecture politique, que comme un contenu. Si l'on s'accorde à la réduction formelle du terme démocratie, c'est-à-dire à l'exercice du pouvoir censé être dévolu au peuple, une difficulté se fait aussitôt jour : quelles seront les modalités de son exercice ? Comment permettre concrètement au peuple d'exprimer sa volonté ? L'appréhension de l'exercice du pouvoir par le peuple pose par ailleurs une autre difficulté. Qu'est-ce que le peuple ? Kelsen l'appréhende dans son acception positiviste, réduisant la multitude du peuple à une entité juridique, l'électorat 4. Ce réductionnisme cantonne donc le peuple, dans sa seule dimension politique, à l'ensemble des personnes jouissant de leurs droits civiques. Mais ces personnes sont appréhendées non pas en tant qu'elles (1) Démos krá tos, pouvoir du peuple. (2) L'appréhendant soit dans sa forme idéale, selon la célèbre phrase d'Abraham Lincoln (« Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple »), soit dans sa forme la plus désabusée, voire cynique, exprimée par Winston Churchill, selon lequel « La démocratie est le pire des systèmes de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l'Histoire » (discours à la Chambre des communes, 11 novembre 1947). (3) Monarchie/tyrannie, aristocratie/oligarchie, démocratie/ochlocratie, selon la typologie classique établie par Aristote.