Notice El Hadj Akhmed / Encyclopédie Berbère

Il est à craindre que les amateurs de pugilat, de règlements de compte à ciel ouvert et de rudes invectives ne puissent trouver leur « bête égarée » (ḍālla), comme on dit en arabe, dans ce récit de vie plein de (més)aventures et de rebondissements. L'auteur, homme d'une longue expérience aux multiples dimensions diplomatiques, est un fin lettré, issu d'une prestigieuse lignée de savants, qui a sans doute appris dès le berceau, auprès d'une mère vénérée de l'illustre qabīla des Awlād Daymānréputés chez tous les hassanophones pour leur flegme légendaire et leur habileté à manier oxymores et litotesla maxime, très diplomatique, qui enseigne que si le mensonge est prohibé, la vérité est indicible (al-kiḏb ḥrām yaġayr al-ḥagg mā yingāl). La vision essentiellement positive, sinon oecuménique, du monde qui se dégage de ce bel ouvrage et l'infinie bonté dont il fait preuve à l'égard de personnalités à la bonté controverséene nommons personne…susciteront peut-être aussi quelque réticence parmi les tenants de l'idée hégéliano-marxienne selon laquelle «l'histoire avance par ses mauvais côtés ». Et il est également permis de s'interroger sur ce qu'en dirait quelque lecteur de Paul Valéry, qui se demandait naguère, avec un brin d'inquiétude borgésienne : « Que serions-nous donc sans le secours de ce qui n'existe pas ? ».

1982

Études et Documents Berbères, 2008

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Conférence inaugurale : "Š. Sa'd Būh : un self made man confrérique ?" Abdel Wedoud Ould Cheikh J.-P. Sartre, qui a longuement fréquenté les mânes de personnalités célèbres (Baudelaire, Flaubert…) disait que "l'on entre dans un mort comme dans un moulin". Peut-être toutefois les choses dépendent-elles de par où on entre. S'agissant de la figure illustre qui nous occupe aujourd'hui, il est probable que l'entrée des parents et disciples de Š. Sa'd Būh, qui s'est éteint il y a de cela exactement cent ans, soit sensiblement différente de celle que sont tentés d'emprunter les chercheurs soucieux de développer un point de vue qui se voudrait neutre, et, autant que faire se peut, objectif, sur cette éminente personnalité de l'islam mauritanosénégambien à la charnière des XIX e et XX e s. Avec un petit brin de jésuitisme (ou, si vous préférez, de "maraboutisme"), on peut toutefois estimer que l'opposition n'est pas forcément aussi tranchée entre le point de vue du dedans et celui du dehors, entre l'etic et l'emic, diraient les cuistres. Examiner l'entreprenariat religieux, dans le cas qui nous occupe, n'est-ce pas d'abord s'intéresser à la manière dont le šayẖ se persuade avant de persuader les autres de la spécificité et du caractère divin de sa mission ? N'est-ce pas d'abord, avant qu'il ne s'institutionnalise ou se routinise, voir comment son charisme advient et s'établit comme une source de référence pour des disciples, des partenaires ou des adversaires ? C'est donc le point de vue interne, la manière dont Š. Sa'd Būh et ses disciples ont présenté sa biographie, qui retiendra d'abord notre attention. La quête d'un nouveau lieu où s'établir, loin du territoire paternel, le dessein -pour le dire dans le langage de Foucault -de promouvoir une hétérotopie, une nouvelle fondation spatiale, qui soit aussi, et dans le même mouvement une hétérochronie, un point de départ chronologique radicalement neuf, tout ceci signale une volonté de se faire en quelque sorte par soi-même, d'explorer de nouveaux horizons où l'impact personnel du šayẖ va pouvoir s'affirmer et s'épanouir, au sein d'une utopie communautaire dont il sera idéalement l'unique opérateur. Une entreprise, nous allons le voir, qui n'est pas sans risques, et qui a amené Š. Sa'd Būh à affronter bien des défis, dont il se fera d'ailleurs souvent lui-même le chroniqueur.

Cet article pre´sente les e´crits de langue berbe`re (transcrits en caracte`res arabes) de la Khizana (bibliothe`que) de manuscrits de Lmuhub Ulahbib. Cette dernie`re, qui vient d'eˆtre de´couverte, a e´te´constitue´e au milieu du XIX e sie`cle dans la re´gion d'Ath Urtilan (Sud-est de la Kabylie). Une analyse de´taille´e de l'environnement de ces e´crits a e´te´re´alise´e. À la fin du XIX e sie`cle, l'e´minent orientaliste J.D. Luciani soulignait « l'absence a`peu pre`s absolue de documents e´crits en langue berbe`re ». Il pre´cisait que « le seul exemple peut eˆtre qui en existe dans les territoires soumis a`la domination franc¸aise 1 est celui d'un petit re´sume´de la the´orie du tawhid » [27].