2016, Cahiers d'études africaines
Art contemporain et vodun au Bénin Récit subjectif d'une anthropologue non spécialiste de l'art contemporain, cette note de recherche restitue et synthétise les nombreuses conversations que l'artiste Théodore Dakpogan et moi-même avons eues au cours de ces cinq dernières années, sur son travail, sur les cultes, sur le Bénin, sur la France et l'Occident. Nous nous sommes rencontrés en 2010, lors d'un atelier d'urbanisme organisé à Porto-Novo, capitale du Bénin. Théodore m'a rapidement présenté son épouse Antoinette, et, au fil de mes différents séjours à Porto-Novo, nos familles sont devenues proches. Théo m'a fait découvrir une partie du monde visible et invisible de Porto-Novo, ainsi que la petite ville d'Adjara, où il vit désormais avec sa famille. Il est le co-auteur de cet article qui s'inscrit dans le champ, balbutiant en France, de l'ethnographie collaborative (Fabian 2008 ; Miran 2010). Par ce procédé, il s'agit simplement ici de rendre justice à ceux qui, parmi nos « informateurs », amis ou étudiants, nous aident à comprendre les réalités sociales qui nous entourent. De manière analogique, cette co-signature nous permet également de révéler quelque chose de la coproduction de l'art ou de la science, malgré l'injonction faite aux créateurs de rester seuls auteurs. Au Bénin, comme ailleurs, l'art contemporain est une coproduction : c'est la multitude d'acteurs et de rencontres, en amont et en aval de la réalisation de l'oeuvre, qui permet de comprendre sa création et sa réception. À l'instar de l'anthropologue qui signe souvent seul(e) des articles pourtant issus d'une recherche commune, l'artiste crée des oeuvres qui sont la synthèse de ses rencontres, moins peutêtre dans leur forme que dans le fond du message qui circule au sein du marché de l'art. Initiation Né en 1954, Théodore Dakpogan a grandi à Goukomey 1 , quartier du coeur historique de Porto-Novo, dédié à Gou, le dieu du fer et de la guerre, et 1. Au cours de ce texte, j'emploierai à dessein différentes graphies et dénominations, selon l'origine fon, goun ou yoruba de la divinité, l'appartenance aux cultes vodun ou orisha, le terme utilisé par mon interlocuteur, ou la tradition muséographique liée à la rédaction d'un cartel initial. Par exemple, Théodore utilise