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« Bonheur insoutenable » et « merveilleux malheur »

2003, Horizons philosophiques

Abstract

bonheur n'est jamais pur, pas plus que le malheur.» Boris Cyrulnik 1 «Si l'on bâtissait la maison du bonheur, la plus grande pièce en serait la salle d'attente» Jules Renard (1864-1910) «À quelque chose malheur est bon» vieux proverbe Heureux qui comme Ulysse En 1558, le poète Joachin du Bellay a écrit les célèbres vers, si souvent cités : «Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage. Ou comme celui-là qui conquit la Toison, et puis est retourné, plein d'usage et de raison, vivre entre ses parents le reste de son âge!» Il va de soi que, dans ces vers, du Bellay ne propose pas une thèse philosophique, anthropologique ou sociologique sur le bonheur. Mais le mot «heureux» est bel et bien présent et le sens du poème mérite d'être clarifié. Où donc trouve-ton le bonheur, si bonheur il y a? Se trouve-t-il dans le «beau voyage» à la Ulysse, dans le dépaysement, dans la «déroute», dans la quête permanente, dans la pérégrination ininterrompue? Ou encore, s'agit-il, comme semble le suggérer le poète, de vivre paisiblement dans son pays, «entre ses parents», de voir «fumer la cheminée de son petit village»? Ou bien, autre possibilité, est-ce qu'il s'agirait de rouler sa bosse (du Bellay l'avait fait juste avant d'écrire ce poème; il venait de passer quatre ans à Rome) pour ensuite goûter au repos bien mérité de son petit village, pour bien apprécier «le séjour qu'ont bâti les aïeux»? Si le bonheur se trouve en partie dans le voyage, dans la quête et dans l'aventure, il est certain que les périples d'Ulysse (désireux de regagner Itaque et de retrouver Pénélope et Télémaque) ou de Jason (briguant la Toison d'or) n'ont pas été de tout repos. Ils ont été longs,