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"La poésie lapidaire de Miguel Ángel Cuevas” (postface)

2023, Miguel Ángel Cuevas, "Triptyque"

ous l’invocation d’Yves Bonnefoy, “Creux – et pierre” réunit deux livres antérieurs, “Écrire le creux” (2011) et “Pierre – et crue” (2015), en une “Pierre écrite”. Et sous celle de Paul Celan, voire de Saint-John Perse, en une “pierre levé” : pour former le présent Triptyque, les complète “Postuma” (2021), qui est une stèle. Le creux et la pierre, le vide et le plein : la poésie de Miguel Ángel Cuevas se place d’emblée sur un terrain conceptuel, mêlant l’abstrait et le concret, l’être et le néant, des vivants et des morts, la poésie des mots et la poésie des choses. Elle s’inscrit dans un écart entre matérialité et spiritualité. [...] Du creux – ou du trou – qui est le caveau, à la pierre tombale, autour de laquelle les “postuma” s’organisent, et aux rituels religieux ou psychiques suscités par la mort, la présente trilogie poétique présente, sous forme d’illuminations (au sens rimbaldien, cette fois, de brèves évocations comme des vignettes ou des enluminures, autant de visions hallucinées), le passage de la Faucheuse (“la Zancuda”) et ses œuvres. [...] La poésie de Miguel Ángel Cuevas n'est pas une poésie mystique, elle est terre-à-terre ; elle n'est pas abstraite, elle est concrète ; elle n'est pas matérialiste, elle est matiériste ; elle n'est pas descriptive, elle est allusive ; elle n'est pas engagée, mais traversée par une révolte contre l’oppression et les meurtres. Elle s’efforce de dire l'indicible en s'aventurant aux limites de la langue, aux limites du langage, à la frontière de l'intelligible. En sorte que Miguel Ángel Cuevas nous fait éprouver, pour paraphraser Yves Bonnefoy, que le mot de poésie est “dicible”, parce qu’il sait “à où l'étoile parut conduire – à rien sinon la mort” et fait “aimer cette lumière, encore? Aimer ouvrir / L'amande de l'absence dans la parole?”.