Dans le culte protestant du 25 décembre 2021 transmis par télévision à partir de l'église protestante de Martigny (Suisse), à la fin, le commentateur italien a donné une explication inexacte disant que dans le culte protestant la Sainte Cène n'est pas au centre parce qu'au centre il y a la Parole. Deux observations D'abord, dans le culte protestant actuel, ce qu'est le centre n'est pas bien perceptible. Ni où se trouve le culte absolument. Beaucoup de mots, peut-être même trop. Une dévotion sans véritable dévotion et sans point central. Pardonnez cette critique, si elle vous semble exagérée. Mon deuxième point est constructif. Il est vrai que Luther met l'accent sur l'écoute de la Parole, du « verbum », auquel la foi s'unit pour être vraiment la foi. Cependant, cela ne rend pas secondaire une autre forme de participation, c'est-à-dire celle du sacrement de l'autel, comme il l'appelle souvent, ni, dans d'autres contextes, celle du baptême, thèmes bien traités par le réformateur lui-même, comme nous le savons. La Parole n'est pas un son, mais elle transmet la réalité du Verbe lui-même. Dans les sacrements (baptême et cène), le lien entre le Christ et les fidèles ne peut être que central. Quel sens aurait-elle la Cène si elle aussi n'était pas centrale dans le culte et précisément dans l'adoration ? Il est plausible de croire que Jésus-Christ dit à ses amis dans un moment d'adieu à peu près ceci : « Quand vous mangez du pain et buvez du vin, j'y suis là aussi. En fait, je suis présent. Je suis présent avec mon corps et mon sang. Et tu es vivant parce que par mon sang je t'ai racheté ». Réduit au minimum (qui est aussi son maximum), cela ne peut être que le sens de la participation des fidèles, qui est donc le moment central de la messe et du culte protestant. Il n'est pas nécessaire de « avaler » le Christ ou de « transformer » la substance du pain et du vin (c'est ce à quoi s'opposaient les protestants du XVIe siècle). Ces justes critiques mises à part, il y reste la substance du sacrement. Nous participons au geste de la distribution du pain et du vin et à sa signification pérenne de manière complète et centrale. Le moment de célébration, où l'acte et la parole ne font qu'un, se répercute dans toute l'existence chrétienne. Dans un sermon Jean Calvin dit ceci : <<Nous sçavons que le Fils unique de Dieu a vestu nostre chair et nostre nature, afin que nous ayons fraternité avec luy: et qui plus est, que par une saincte union et secrete, laquelle nous ne comprenons point selon nostre sens naturel, nous sommes participans de la substance, qu'il est nostre nourriture et que nous avons une vie commune avec luy>>. Sermon sur I Corinthiens, cap. 10, v. 8-9 (CO vol. 49 col. 624).