1997, BRILL eBooks
Definir de fac;on univalente d'une part la notion de mythe et de l'autre celle d'utopie semble en soi une entreprise tout a fait utopique. On peut s'entendre, comme le suggere L'Encyclopaedia Universalis', sur le fait que le terme d'utopie se definit principalement a partir de l'essai Utopia de Thomas More, qui avait forge son titre en 1532, sur le grec «ou» (hors) et «topos» (Heu). Si, par ailleurs, c'est du XVle au XIXe siec\e que l'utopie semble atteindre son paroxysme en Occident, il est difficile de s'imaginer qu'elle n'ait eu d'autres precedents que les grands textes greco-Iatins, L'Odyssee d'Homere et La Republique de Platon, entre autres. Le mythos grec, pour sa part, a vu son contenu ainsi que sa definition changer radicalement au cours des siec\es, et il est c\air que la denomination grecque ne limite pas sa manifestation au seul monde occidental, bati sur les paradigmes mediterraneens. Jumeler les deux notions, celle du mythe et celle de l'utopie, releve d'un processus de reflexion qui peut facilement etre a double tranchant: le mythe, construction par excellence de I 'imaginaire humain, ne se situe-t-il pas ailleurs que dans un non-Heu?-et I' utopie, quant a elle, ne fait-elle pas echo au mythe, a la fois s' en inspirant, le niant et le transformant? Redondance possible, et aussi, parfois, refus des deux domaines a admettre leur interdependance, cheminement parallele surtout et creation commune de ce qui, en fin de compte, s' avere etre mythe transforme, utopie revisitee. Toutefois, mythes et utopies, quels que soient la position choisie, le point de vue defendu, semblent faire bon menage, a en juger d'abord par la belle reception de notre projet, avec presque une vingtaine de textes couvrant, il est vrai, principalement la litterature contemporaine des femmes, mais puisant parfois aux reuvres anterieures qui ont deja prepare le terrain, en offrant des visions d'existences idylliques-ne serait-ce que litteraires. Ces reuvres pionnieres, a une epoque qu'on a tendance a appeler l'apogee de l'expression utopique, n'occupaient probablement pas toujours la premiere place. D'ou peut-etre leur besoin de s'imaginer un ordre social autre que celui dans lequel on vivait et qui, une fois mis en place, aurait pu accorder un plus grand röle a la femme, afin qu'elle exprime sa difference, developpe ses propres mythes, 'Comme le signale Joelle Cauville dans son article sur Jeanne Hyvrard,l'information se trouve dans I'entree «Utopie», de L' Encyclopaedia Universalis, page 557 et suivantes.