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Mohamed Mahiout: "Autres débâcles"

2023, Revue Europe, "Al-andalus"

Abstract

Autres débâcles, ce pourrait être notre débâcle, nos débâcles, mais dire autres renvoie à la question essentielle d’un seuil entre le sujet et les autres, à celle de l’autre rive de la Méditerranée —jamais nommée, toujours présente— qui est à la fois, par une sorte de calembour, « Le Trou bleu » et le « trouble », une sorte de cicatrice, un ombilic ; la lacune, le manque, mais aussi le seuil. Mohamed Mahiout n’est pas entre les deux, ni dans l’entre-deux; il embrasse les deux rives, conservant dans son intimité un seuil, symbolique, ineffaçable. Mentionné dans son sens propre, le seuil « sous la voûte du cadran d’une porte », mais « vacant / à toutes altitudes », est dans l’espace ce qui délimite, ouvre un accès, ou encore le seuil intouchable du jeu de la marelle qui permet de sauter d’une case à l’autre. Il est aussi, dans le temps, un moment de bascule, de passage « au seuil du soir » ; c’est encore « l’orée d’une forêt » gardée par « la bête », le loup, voire le point d’entrée dans une crise, et enfin la « porte miroir », « seuil infranchissable ». Enfin le seuil marque aussi le lieu —et le moment— où nait l’écriture, à partir duquel s’organisent les mots, jetés comme d’un gigantesque cornet à dés sous forme de listes : « la lumière fallacieuse s’échoue au seuil du noir, / accordant sa chute / à l’impéritie du Mot "imperium". / Nous sommes à l’index de toutes choses. / Les mots nous assiègent… ». N’y a-t-il pas là une sorte d’art poétique, de mise en miroir ou en abyme d’une poésie dont le geste consiste, sinon à abolir le hasard, du moins à organiser l’index, à discipliner la meute des mots, à transformer la liste en discours ? […]