Les esquisses symboligènes

xavier gassmann

Les esquisses symboligènes

2007, La lettre de l'enfance et de l'adolescence

Abstract

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Elisabeth de la Trinité et sa soeur Guite : « La foi peut dynamiser toute une vie et apporter la vraie joie » 1 1. Deux soeurs A. Elisabeth Elisabeth Catez naît un dimanche matin-le 18 juillet 1880-au camp militaire d'Avord, près de Bourges, où son père Joseph est capitaine. Le 22 juillet, elle est baptisée à la chapelle du camp militaire. L'enfant se révèle d'une nature volcanique. [ « Elle est un pur diable et une grande parleuse » rapporte sa maman lorsqu'elle a 22 mois. Sa soeur Guite (Marguerite née le 20 février 1883) témoignera : « elle est très vive, emportée même : des colères, tout à fait des vraies colères, elle est très diable ! » Quelques gestes et réactions religieuses dénotent bien son attrait pour la vie intérieure, au-delà de sa nature vive. Toute petite, elle embrasse volontiers son crucifix. Lorsque sa grand-mère est malade, elle prie et fait prier sa poupée, la mettant à genoux ! Sa même poupée Jeannette est empruntée à son insu pour représenter l'Enfant Jésus à la crèche… Hélas, Elisabeth la reconnaît et hurle dans l'église : « Méchant curé, rendez-moi ma Jeannette ! »] Elisabeth connaît souvent des larmes de colère ou de repentir lorsque sa maman s'est fâchée… Mais, ses premières vraies larmes de chagrin coulent lorsque le 24 janvier 1887 lorsque son grand-père meurt. Quelques mois plus tard, le 2 octobre 1887, son papa est à son tour emporté par une crise cardiaque. [Cette expérience des deux décès lui fait prendre conscience de la fragilité de la vie. Dès lors, elle s'attache vivement à sa maman et à Guite. Le « trio », comme on les appelle, sillonnera durant les mois d'été les quatre coins de la France où madame Catez, grande voyageuse, compte de nombreux amies et parents. Elisabeth ne fréquente pas l'école. Elle reçoit des leçons de formation générale à la maison et gardera toujours une orthographe très fantaisiste. Par contre, elle passe des heures au piano : à 8 ans elle est inscrite au conservatoire. Ses colères sont toujours aussi violentes, parfois on la menace-en faisant son petit paquet-de l'envoyer interne au Bon Pasteur, une maison de redressement. Son recueillement est déjà frappant à l'église. « J'aimais beaucoup la prière et le bon Dieu, même avant ma première communion, j'étais résolue à n'aimer que Lui et à ne vivre que pour Lui. Je ne comprenais pas qu'on puisse donner son coeur à un autre ». (Elisabeth n'a que 10 ans…) Elisabeth fait des efforts énormes pour se contrôler, mais elle n'obtient pas que des réussites : lors de sa préparation à la première communion elle est punie « à genoux au milieu de l'allée à Saint-Michel ». « Elle ne pourra se contenter d'une vie banale, dit l'Abbé Sauvageot le vicaire, avec sa nature : ce sera un ange ou un démon ! »]

L'ESTHETIQUE SYMBOLISTE SELON CHARLES VAN LERBERGHE Cité par d'éminents commentateurs du symbolisme français (et francophone) 41 , le Belge Charles Van Lerberghe reste notamment le père méconnu d'un chef-d'oeuvre tardif de la poésie symboliste, La Chanson d'Ève (1904). Il est révélé au public par Georges Rodenbach qui en 1886 signe, dans La Jeune Belgique, un article enthousiaste où il présente « Trois nouveaux poètes : Charles Van Lerberghe, Grégoire Le Roy et Maurice Maeterlinck ». L'article est accompagné, dans le cas de Van Lerberghe, par la publication de l'un de ses poèmes publiés entre 1884 et 1885, Qui patiuntur. De ces débuts prometteurs émergent laborieusement les poèmes des Entrevisions (1898), La Chanson d'Ève (1904) ainsi qu'une dizaine de contes publiés entre 1889 et 1910 qui se trouvent réunis en volume de Contes hors du temps, seulement en 1931, soit 25 ans après la mort du poète. Le tout est encadré par deux pièces de théâtre étonnamment différentes : un drame symboliste Les Flaireurs (1889), rapproché souvent de L'Intruse de Maeterlinck, et une comédie satirique Pan (1906). Une oeuvre rare donc, longuement mûrie, polie et parcimonieusement distillée le long des années révèle un artiste méditatif qui se fait de la littérature une idée élevée et sainte. Se tenant à distance de la joyeuse vie artiste, avare d'opinions tranchantes proclamées à haute voix, Van Lerberghe fait figure d'un poète modèle qui incarne toutes les apories du symbolisme. Dès ses premiers pas en littérature Van Lerberghe est à la recherche d'une forme d'expression qui saurait traduire une idée fuyante, une image fugace ou une émotion qui s'étiole. Ballotté entre la poésie et la prose, remâchant à l'infini les questions majeures soulevées par ses confrères, Charles Van Lerberghe aboutit à élaborer une doctrine esthétique aussi représentative du symbolisme que pleine de contradictions et d'inconséquences. Ses articles critiques ne sont pas nombreux, à peine quelques textes consacrés à l'actualité littéraire ou artistique 42. Ils ont l'air d'être autant de moyens de se faire remarquer dans le milieu littéraire, aussi peu efficaces que l'était l'écrivain lui-même dans ce domaine. La correspondance et le Journal 43 , plus intimes et, partant, mieux raccordés à la personnalité de Van Lerberghe, s'avèrent beaucoup plus éloquents. Ses idées sur le Beau, sur l'impersonnalité dans l'art ou sur la forme y sont examinées et argumentées avec beaucoup plus d'audace. La Confession de poète reste, parmi les publications de presse de Van Lerberghe, la plus complète profession de foi artistique de l'écrivain. Publiée en mars 41 Entre autres M. Décaudin, A. Fontainas, G. Michaud, J. Paque. 42 Cf. la bibliographie à la fin de l'article. 43 Trois ensembles de lettres sont ici interrogés : les lettres à Albert Mockel, poète et théoricien belge du symbolisme avec lequel Van Lerberghe correspond régulièrement entre 1887 et 1906, les lettres à Fernand Séverin, poète belge et ami du poète, enfin les lettres à Gabrielle Max, une poétesse belge dont Van Lerberghe était discrètement amoureux. L'autre source, après la correspondance, est le Journal intime inédit, rédigé régulièrement entre 1889 et 1906.

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