Illustration du livre Des monstres et prodiges d'Ambroise Paré, 1573 138 zamân Nos mères méditerranéennes : Anges et démons 1 Kenneth Brown S elon la Théogonie d'Hésiode, datant du viiie siècle avant J.-C., la femme primordiale est à la fois belle et pernicieuse. mère de l'humanité, elle se révèle la cause de tous les maux sur terre ; ses descendantes sont à l'origine des tourments des mortels. dans Les Travaux et les Jours d 'Hésiode, Hermès insuffle à Pandore « un esprit impudent, un coeur artificieux » ainsi que l'art du discours -« mensonges, mots trompeurs ». Pandore, « détentrice de tous les dons », tient son nom de la boîte qui renferme les dons funestes reçus des dieux de l'olympe. Labeur, maladie et mort comptent au nombre de ces présents que, malencontreusement, 1. Cet article a paru initialement sous le titre « Angel and demons » dans le nº 15 de la revue Méditerrannéenes, « nos mères/our mothers », printemps 2011, p. 132-145 elle disperse aux quatre vents, répandant le mal à travers le monde -et ne parvenant à maintenir que l'espérance au sein de la boîte. Cependant l'espérance, comme nous l'apprendra nietzsche, est « le pire des maux, parce qu'elle prolonge les tortures des hommes ». Ainsi, Pandore et ses descendantes demeurent la source de nos souffrances. nous avons ouvert la boîte. LILItH La figure de Lilith, cet « androgyne oublié 2 », s'impose comme l'une des images de la maternité et de la féminité les plus ancestrales et, en même temps, les plus contemporaines. en 1868, l'artiste et poète anglais dante gabriel Rossetti composa deux poèmes pour accompagner sa peinture Beauté du corps (Body's Beauty). L'un d'eux est consacré à Lilith : De la première épouse d'Adam, Lilith (La sorcière Qu'il aimait avant qu'Ève lui fût donnée), on dit que la langue Pouvait leurrer par sa douceur, avant celle du serpent, Et que sa chevelure enchantée fut l'or premier. Elle trône toujours, jeune alors que la terre est vieille, Et, en subtile contemplation devant elle-même, Attire le regard des hommes vers sa toile brillante Jusqu'à ce que coeur et corps et vie soient en son pouvoir. La rose et le pavot sont ses fleurs ; car où est celui, Ô Lilith, que ne piégeront un parfum répandu, Une pluie de doux baisers et un doux sommeil ? Vois ! tandis que ce jeune homme aux tiens brûle ses yeux Ton charme le traverse, laissant ployer son cou raide, Et autour de son coeur le lacet doré d'un cheveu 3. 2. Voir notamment Vanessa Rousseau, « Lilith : une androgynie oubliée », Archives de sciences sociales des religions, no 123, juillet-septembre 2003, p. 61-75. 3. dante gabriel Rossetti, « Beauté du corps » (1868), in Anthologie bilingue de la poésie anglaise, trad. Claire malroux, Paris, gallimard, 2005, p. 967. zamân ANGES ET DÉMONS zamân ANGES ET DÉMONS zamân ANGES ET DÉMONS zamân ANGES ET DÉMONS