Regrets, Repentirs, Rédemption (Centre d'études et de recherches sur les civilisations et les littératures européennes, CERCLE, ULCO, 12-14 mars 2008., 2008
Pour devenir un homme de bien, la règle que Richardson illustre est de procéder au changement d’h... more Pour devenir un homme de bien, la règle que Richardson illustre est de procéder au changement d’habitudes: la repentance doit toucher le cœur et l’esprit pour permettre une nouvelle façon de penser et de sentir et pour orienter la conduite et les desseins vers le bien. Les libertins qui méprisent les valeurs humaines ne se repentent que par miracle ou par incapacité. Lovelace est l’exemple type dont les tenaces passions font définitivement obstacle à tout désir de repentance. Utilisé par Richardson comme élément de comparaison, son cas unique dépasse tous les autres libertins et leur donne la preuve qu’ils sont en mesure de faire ce dont il est lui-même incapable. L’auteur croit beaucoup à la valeur de l’exemple et à celle des aides extérieures. Belford, lui, se trouve placé dans des circonstances dramatiques. Le spectacle de la mort affreuse de son ami, le libertin Belton, le conforte dans sa décision d’abandonner son existence de libertin. En assistant à l’agonie de la Sinclair, il est le témoin effrayé des terribles conséquences de la débauche. Mais c’est auprès de Clarissa, apôtre de la martyre, qu’il trouve l’inspiration salvatrice.
Les grands pécheurs se font surprendre par le destin parce qu’ils ne sont pas préparés, n’ont plus le temps de se repentir et, dans leur précipitation, leur invocation à Dieu, aussi succincte soit-elle, n’est qu’une tentative de dernière minute pour attirer sur eux l’attention de Dieu. Ceux qui choisissent la voie du salut n’attendent pas de se trouver dans une situation critique: ils prennent leur temps pour se repentir. Les repentirs de Belford et de Clarissa sont exemplaires en ce sens que ces deux personnages s’y consacrent avant que le destin ne les surprenne. Après avoir vécu en infraction constante à la morale et aux principes religieux, Belton, Mrs. Sinclair et Lovelace n’ont pas le temps de faire preuve d’un repentir sincère quand le tragique et brutal destin les surprend. Ils paient alors le prix de leurs péchés. La mort des pécheurs non repentis est une agonie et le début d’une souffrance expiatoire.
Toute l’oeuvre de Richardson repose sur l’évidence chrétienne que la vie terrestre est une période probatoire qui décide du destin de la vie après la mort. L’expiation des péchés épure l’âme et rend possible son admission dans le sein de Dieu. Clarissa se purifie par la souffrance pour avoir accès au ciel et d’une certaine façon, dans son sacrifice purificateur, imite le Christ. Le parfait chrétien obtient la garantie de son élection par le sacrifice volontaire de la totalité de sa nature terrestre pour se préoccuper essentiellement de ses rapports avec Dieu. En mettant en relief la mort héroïque de Clarissa et la mort terrifiante des pécheurs impénitents, Richardson fait de Clarissa une véritable tragédie.
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Papers by Maryam Ghabris
Les grands pécheurs se font surprendre par le destin parce qu’ils ne sont pas préparés, n’ont plus le temps de se repentir et, dans leur précipitation, leur invocation à Dieu, aussi succincte soit-elle, n’est qu’une tentative de dernière minute pour attirer sur eux l’attention de Dieu. Ceux qui choisissent la voie du salut n’attendent pas de se trouver dans une situation critique: ils prennent leur temps pour se repentir. Les repentirs de Belford et de Clarissa sont exemplaires en ce sens que ces deux personnages s’y consacrent avant que le destin ne les surprenne. Après avoir vécu en infraction constante à la morale et aux principes religieux, Belton, Mrs. Sinclair et Lovelace n’ont pas le temps de faire preuve d’un repentir sincère quand le tragique et brutal destin les surprend. Ils paient alors le prix de leurs péchés. La mort des pécheurs non repentis est une agonie et le début d’une souffrance expiatoire.
Toute l’oeuvre de Richardson repose sur l’évidence chrétienne que la vie terrestre est une période probatoire qui décide du destin de la vie après la mort. L’expiation des péchés épure l’âme et rend possible son admission dans le sein de Dieu. Clarissa se purifie par la souffrance pour avoir accès au ciel et d’une certaine façon, dans son sacrifice purificateur, imite le Christ. Le parfait chrétien obtient la garantie de son élection par le sacrifice volontaire de la totalité de sa nature terrestre pour se préoccuper essentiellement de ses rapports avec Dieu. En mettant en relief la mort héroïque de Clarissa et la mort terrifiante des pécheurs impénitents, Richardson fait de Clarissa une véritable tragédie.
A sa maîtrise des êtres, il ajoute le triomphe dans la composition théâtrale et dans l’art de l’écriture ; la manipulation des figures de style n’a pour lui aucun secret et il sait exprimer dans son style enthousiaste sa personnalité multiforme et changeante. Lovelace est un grand passionné comme les héros shakespeariens qu’il imite. Son incursion dans l’esprit romantique en fait un précurseur de l’homme émancipé du vingtième siècle.
Dans le roman de Richardson, Clarissa, personnage central, génère les passions de Lovelace, des Harlowe et les siennes. Lovelace, le libertin démoniaque, jette son dévolu sur la belle Clarissa et enflamme les passions de sa famille contre lui et contre leur fille. En retour, son duel avec James et la haine de la famille l’incitent à la vengeance. A partir de cet incident, les intérêts des différents protagonistes se précisent et les circonstances qui les confrontent, confortent les positions de chacun et développent des passions qui les poussent aux extrêmes. L’ambition sociale de James, l’orgueil de sa famille se heurtent à la résistance de Clarissa qui affronte ses parents dans une lutte inégale des volontés. Les deux clans homme/femme entrent dans un conflit dont la femme est la victime. D’un côté, le père Harlowe et son fils s’appuient sur leur orgueil et sur le devoir d’obéissance. La haine, l’ambition et le pouvoir les dominent et leurs passions se renforcent, tandis que de l’autre on assiste à des passions contradictoires chez la mère, Clarissa et Lovelace. La plus forte des passions, issue de l’instinct sexuel, commande la machine Lovelace. Fidèle à sa conception chrétienne de la vie, Richardson démontre que la passion conduit au péché et le péché à la mort. La mort, qui surprend brutalement les personnages du roman, est le prix à payer par Clarissa pour ses fautes mais elle a su s’y préparer en évacuant ses mauvaises passions.
Les grands pécheurs se font surprendre par le destin parce qu’ils ne sont pas préparés, n’ont plus le temps de se repentir et, dans leur précipitation, leur invocation à Dieu, aussi succincte soit-elle, n’est qu’une tentative de dernière minute pour attirer sur eux l’attention de Dieu. Ceux qui choisissent la voie du salut n’attendent pas de se trouver dans une situation critique: ils prennent leur temps pour se repentir. Les repentirs de Belford et de Clarissa sont exemplaires en ce sens que ces deux personnages s’y consacrent avant que le destin ne les surprenne. Après avoir vécu en infraction constante à la morale et aux principes religieux, Belton, Mrs. Sinclair et Lovelace n’ont pas le temps de faire preuve d’un repentir sincère quand le tragique et brutal destin les surprend. Ils paient alors le prix de leurs péchés. La mort des pécheurs non repentis est une agonie et le début d’une souffrance expiatoire.
Toute l’oeuvre de Richardson repose sur l’évidence chrétienne que la vie terrestre est une période probatoire qui décide du destin de la vie après la mort. L’expiation des péchés épure l’âme et rend possible son admission dans le sein de Dieu. Clarissa se purifie par la souffrance pour avoir accès au ciel et d’une certaine façon, dans son sacrifice purificateur, imite le Christ. Le parfait chrétien obtient la garantie de son élection par le sacrifice volontaire de la totalité de sa nature terrestre pour se préoccuper essentiellement de ses rapports avec Dieu. En mettant en relief la mort héroïque de Clarissa et la mort terrifiante des pécheurs impénitents, Richardson fait de Clarissa une véritable tragédie.
A sa maîtrise des êtres, il ajoute le triomphe dans la composition théâtrale et dans l’art de l’écriture ; la manipulation des figures de style n’a pour lui aucun secret et il sait exprimer dans son style enthousiaste sa personnalité multiforme et changeante. Lovelace est un grand passionné comme les héros shakespeariens qu’il imite. Son incursion dans l’esprit romantique en fait un précurseur de l’homme émancipé du vingtième siècle.
Dans le roman de Richardson, Clarissa, personnage central, génère les passions de Lovelace, des Harlowe et les siennes. Lovelace, le libertin démoniaque, jette son dévolu sur la belle Clarissa et enflamme les passions de sa famille contre lui et contre leur fille. En retour, son duel avec James et la haine de la famille l’incitent à la vengeance. A partir de cet incident, les intérêts des différents protagonistes se précisent et les circonstances qui les confrontent, confortent les positions de chacun et développent des passions qui les poussent aux extrêmes. L’ambition sociale de James, l’orgueil de sa famille se heurtent à la résistance de Clarissa qui affronte ses parents dans une lutte inégale des volontés. Les deux clans homme/femme entrent dans un conflit dont la femme est la victime. D’un côté, le père Harlowe et son fils s’appuient sur leur orgueil et sur le devoir d’obéissance. La haine, l’ambition et le pouvoir les dominent et leurs passions se renforcent, tandis que de l’autre on assiste à des passions contradictoires chez la mère, Clarissa et Lovelace. La plus forte des passions, issue de l’instinct sexuel, commande la machine Lovelace. Fidèle à sa conception chrétienne de la vie, Richardson démontre que la passion conduit au péché et le péché à la mort. La mort, qui surprend brutalement les personnages du roman, est le prix à payer par Clarissa pour ses fautes mais elle a su s’y préparer en évacuant ses mauvaises passions.