Books by Yerri Urban
Edited Volume by Yerri Urban
Histoire de la Justice n° 26, 2016
Papers by Yerri Urban

Frédéric Charlin et Yves Lassard, Droit et pouvoir en Haïti. De l’expérience louverturienne à l’occupation américaine, Bayonne, IFJD, 2022, p. 257-278,, 2022
De 1805 à 1918, presque toutes les constitutions haïtiennes lient, à des degrés divers, la citoye... more De 1805 à 1918, presque toutes les constitutions haïtiennes lient, à des degrés divers, la citoyenneté/nationalité à une condition de couleur, noire d’abord, puis élargie aux Indiens (entre 1816 et 1889). Dans le même temps, elles réaffirment l’abolition de l’esclavage et la vertu affranchissante du sol haïtien. Cette conjonction entre citoyenneté et sol affranchisseur trouve son origine sous la Révolution française, qui a un rapport complexe avec la couleur. En effet, si la loi des 28 septembre et 16 octobre 1791 affirme que le sol affranchisseur, limité à la métropole, implique la citoyenneté, sans distinction de couleur, si ce principe est étendu aux colonies lors de l’abolition de 1794, il est aménagé et devient sensible à la couleur en 1798. À partir de 1805, Haïti sera en partie l’héritière de cette évolution, tout en y ajoutant des dimensions nouvelles liées à son statut de premier État noir dans une Amérique alors largement esclavagiste.
Revista da Faculdade de Direito da UFG, 2021
Au moment de l’apogée territoriale de l’Empire français, les indigènes des possessions (Algérie, ... more Au moment de l’apogée territoriale de l’Empire français, les indigènes des possessions (Algérie, colonies, protectorats, mandats B de la SDN) ne sont ni Français ni étrangers ; ils sont rattachés à leurs territoires d’origine par des nationalités coloniales inférieures à la nationalité métropolitaine. Quelle est la singularité de la nationalité coloniale algérienne dans ce contexte ? Après avoir comparé les différentes modalités d’attribution et d’abandon de cette nationalité atypique, on conclue ici à la banalité de la situation algérienne au regard de l’originalité de celles de certains territoires comme l’Indochine ou la Guyane.

Droit & Philosophie, 2020
Le second Empire colonial français a-t-il distordu le droit, parfois au point de créer une forme ... more Le second Empire colonial français a-t-il distordu le droit, parfois au point de créer une forme nouvelle ? Pour répondre à cette interrogation, le point de départ est la définition du droit proposée par Aldo Schiavone. Elle insiste sur la singularité anthropologique, romaine puis occidentale, du droit, et permet de le distinguer d’autres formes d’ordonnancement social. Au regard de celle-ci, le « droit colonial » n’a souvent pas, ou presque pas, été du droit : il doit fréquemment renoncer à son autonomie (par rapport à la politique surtout) ou à sa rationalité spécifique, jusqu’à se voir remplacer parfois par d’autres technologies sociales originales. La démonstration s’appuie principalement sur trois exemples : la création de pseudo-nationalités qui marquent l’appartenance à des « États » disparus en Algérie et au Cambodge ; l’invention d’un mode de régulation spécifique et ouvertement a-juridique des rapports avec les Marrons et les Amérindiens de Guyane ; enfin, l’impossibilité de traduire en droit, sinon de manière fragmentaire, la forme politique impériale.
Revue du Philanthrope, 2020
Quel était le statut des Marrons Boni, établis à la frontière entre la Guyane française et le Sur... more Quel était le statut des Marrons Boni, établis à la frontière entre la Guyane française et le Surinam, après leur massacre en 1793 par les Marrons Ndjuka, alliés des Hollandais, et avant leur rattachement progressif à la France (1860-1892) ? Ils furent placés sous une sorte de « tutelle » des Ndjuka reconnue tant par les Néerlandais que les Français. Il s’agira ici d’étudier les modalités juridiques de cette situation, lesquelles divergent selon les puissances coloniales.
Revista da Faculdade de Direito da UFG, 2019
Les Boni sont aujourd’hui regardés comme le seul peuple marron rattaché à la France. L’article re... more Les Boni sont aujourd’hui regardés comme le seul peuple marron rattaché à la France. L’article retrace les étapes qui ont abouties à cette situation. Massacrés par les Marrons Ndjuka, alliés des Néerlandais, en 1793, les Boni ne concluent pas de traité de paix avec les Pays-Bas par la suite : ils sont placés sous une sorte de « tutelle » des Ndjuka reconnue tant par les Néerlandais que par les Français. En 1860, avec les abolitions de l’esclavage, les Boni se voient reconnaître leur liberté par les deux puissances coloniales. Progressivement, à partir de 1880 et en raison d’un litige frontalier entre la France et les Pays-Bas, les Boni nouent un lien avec la France, confirmé en 1892.

Alexandre Deroche (dir.), La responsabilité. Actes des journées internationales de la Société d'Histoire du Droit de Tours (1er-4 juin 2017), Limoges, PULIM, 2019
Le second Empire colonial a repris, développé et exporté une institution viêtnamienne destinée au... more Le second Empire colonial a repris, développé et exporté une institution viêtnamienne destinée aux communautés chinoises : la « congrégation ». Née en Indochine, elle est rapidement exportée à Madagascar et dans les établissements français de l’Océanie (EFO- actuelle Polynésie française). Destinée en Indochine à des étrangers (Chinois et Asiatiques assimilés), aux « immigrants de race asiatique ou africaine », étrangers ou sujets français, à Madagascar et dans les EFO, la congrégation est un groupement obligatoire auquel l’immigrant est tenu d’adhérer. C’est en Indochine seulement qu’un discours juridique associant responsabilité et congrégation se développe. Disposant d’une autonomie intérieure et d’un chef désigné au moins en partie par la voie de l’élection, la congrégation est responsable de l’activité de ses membres, et notamment de collecter leurs impôts. Il s’agira ici d’étudier cette responsabilité collective de la congrégation et la responsabilité particulière qui incombe à son chef.

Ethnologie française 169(1), 2018
La citoyenneté outre‐mer continue d’être associée à la coutume. Cette situation est le fruit de t... more La citoyenneté outre‐mer continue d’être associée à la coutume. Cette situation est le fruit de trois trajectoires : dans le Second Empire colonial, la coutume est conçue comme un stigmate justifiant la non‐citoyenneté de l’indigène ; dans l’après‐guerre, associée à la citoyenneté de statut local, elle est soit considérée comme un pis‐aller soit comme un signe d’autonomie. Enfin, en Guyane, la coutume officieuse des Amérindiens et Marrons est le symptôme de l’appartenance à des « peuples indépendants », puis de la citoyenneté de droit commun.
Mots‐clés : Coutume. Citoyenneté. Droit. Colonisation. Outre‐mer.
Custom and Citizenship: From the Status of Colonies to the one of Overseas Local Councils
Citizenship in the French overseas territories is still linked to custom. This situation is the result of three historical evolutions: In the second colonial Empire, custom was used as a stigma to justify the denial of citizenship to native people. During the post‐war period, when it was associated with a type of local citizenship, it was seen either as a lesser evil, or as a sign of autonomy. In French Guiana, the unofficial custom of Amerindian and Maroon peoples implies that they are treated as “independent peoples”, then as common law citizens.
Keywords: Custom. Citizenship. Law. Colonization. Overseas territories.
Gewonheit und Staatsbürgerrecht, von der Kolonialverwaltung bis zur heutigen Überseegemeinschaft
Das Staatsbürgerrecht in den französischen Überseegebieten wird weiterhin mit der Gewohnheit verbunden. Dieser Zustand ist das Ergebniss drei verschiedener Laufbahnen : im zweiten französischem Kolonialreich,wurde die Gewohnheit als ein Schandfleck emp‐ funden ,der das Nicht‐Staatbürgerecht des Eingeborenen rechtfertigte ; in der Nachkriegszeit des Zweiten Weltkriegs, wurde sie mit dem lokalen Statut des Staatsbürgerechts verbunden ,und wurde entweder als eine Aushilfe oder als ein Zeichen von Selbstverwaltung betrachtet. Schliesslich ist in französisch Guayana die halbamtliche Gewohnheit der einheimischen Indianer und der „Marrons” ein Anzeichen ihrer Zugehörigkeit zu „selbständigen Völker“ und in der Folge zum gemeinen Staatsbürgerrecht.
Stichwörter: Gewohnheit. Staatsbürgerrecht. Recht. Kolonisierung. Übersee.
Costumbre y ciudadanía, de las colonias a las colectividades de ultramar.
El punto de vista del derecho
La ciudadanía de ultramar continúa siendo asociada con la costumbre. Esta situación es el fruto de tres trayectorias. Durante el Segundo Imperio colonial, la costumbre se concibe como un estigma que justifica la no ciudadanía del indígena. En la postguerra, asociada con la ciudadanía de estatuto local, fue considerada como un mal menor o como un signo de autonomía. Por ultimo, en la Guayana, la costumbre oficiosa de los Amerindios y Marrones es el síntoma de la pertenencia a « pueblos independientes », y de la ciudadanía de derecho común.
Palabras‐clave : Derecho consuetudinario. Ciudadanía. Derecho. Colonización. Ultramar.

Jus Politicum. Hors série, 2017
La citoyenneté dans l’Empire colonial français est caractérisée par sa fragmentation. La citoyenn... more La citoyenneté dans l’Empire colonial français est caractérisée par sa fragmentation. La citoyenneté française y est définie de plusieurs manières, tantôt statut de droit public et de droit privé, tantôt statut de droit public ; elle connaît des formes de hiérarchie en son sein, certains citoyens français voyant leurs droits politiques atténués. La citoyenneté coloniale, dont la portée se limite aux élections locales, est accordée à ceux qui n’ont pas la citoyenneté française : elle peut prendre la forme d’une citoyenneté de résidence, attribuée aux indigènes et aux étrangers, ou d’une citoyenneté impériale, attribuée aux indigènes, seuls ressortissants de l’Empire colonial ; elle peut s’exercer selon des modalités différentes, le citoyen colonial, pouvant être nommé, élu au suffrage restreint, censitaire et capacitaire, ou encore par les chambres de commerce et d’agriculture.
Is Citizenship in the French Colonial Empire Specific ?
The citizenship in the French colonial Empire is characterized by its fragmentation.The French citizenship is defined there in many different ways, sometimes as public and private law status and sometimes as public law status, there are different forms of hierarchy within it, some French citizens seeing their political rights limited. The colonial citizenship, limited to the local elections, is granted to those who do not have the French citizenship : it can take the form of citizenship of residence, attributed to the natives and to the foreigners, or of an imperial citizenship, attributed to the natives, nationals of the colonial Empire only ; it can be established upon different terms, the colonial citizen may be appointed, elected by restricted vote, by selective suffrage, by capability suffrage, or by the chambers of commerce and industry.

Alexandre Deroche, Eric Gasparini et Martial Mathieu (dir.), Droits de l’homme et colonies : De la mission de civilisation au droit à l’autodétermination, Aix-en-Provence, PUAM, 2017, p. 363-374
L'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 dispose :
« ... more L'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 dispose :
« 1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. » Le contenu de ce droit à la nationalité, tout comme sa portée juridique (« soft law » ou norme coutumière internationale?), font aujourd'hui l'objet de débats. Mais l'on s'accorde pour voir au minimum dans ce droit à la nationalité un droit à ne pas être apatride, la nationalité devant en principe permettre aux droits de l'homme d'être effectifs.
Or l'idée selon laquelle il ne doit pas y avoir d'apatridie n'est pas un produit des bouleversements politiques issus de la première guerre mondiale, comme on a souvent tendance à le penser ; elle émerge et se développe parallèlement au droit moderne de la nationalité au cours du XIXème siècle, parallèlement aux conquêtes coloniales aussi.
L'article 15 §2 de la Déclaration universelle reconnaît également un droit à changer de nationalité : au delà de la condamnation de l'allégeance perpétuelle et de l'affirmation de la liberté de choix de l'individu, elle marque aussi le fait que, loin de permettre aux droits de l'homme d'être effectifs, la nationalité peut au contraire offrir la garantie d'être privé de ceux-ci, peut au contraire être synonyme d'oppression. L'article 15 succède d'ailleurs à un article 14 consacré au droit d'asile.
Si la nationalité est conçue comme créatrice de droits, sa possession garantit plus fermement le bénéfice des droits de l'homme que l'apatridie ; si la nationalité est avant tout conçue comme créatrice d'obligations, l'apatridie ou un statut incertain peuvent être préférable à la possession de la nationalité. Ces deux assertions se vérifient dans le second Empire colonial français, dans le cadre d'une conception différenciée de la nationalité : la nationalité créatrice de droit du Français est la plus enviable, mais la nationalité créatrice d'obligations de l'indigène est moins favorable que les qualité d'apatride ou d'étranger de statut incertain.
Dans ce contexte fragmenté, le colonisateur français s'est-il efforcé de garantir aux populations indigènes une certaine forme de droit à la nationalité ?
On peut répondre de manière affirmative :
D'une part, les autorités françaises se sont efforcées de garantir aux population indigènes une nationalité créatrice d'obligation. La conception négative de l'indigène, comme non-Français non- étranger, ou encore la jurisprudence relative aux « Malais-Chams » en Indochine (Cass., crim. 22/07/1905), notamment, relèvent de cette idée.
D'autre part, dans les situations d'apatridie ou proches de l'apatridie, les autorités françaises se sont souvent efforcées d'offrir une sorte de statut alternatif à cette nationalité créatrice d'obligation : il s'agit des « Chinois » en Indochine qui n'ont pas de consuls jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention de T'sien T'sin en 1935 (et sont donc des «apatrides de fait ») et plus encore des «Minh- Huong » ou métis sino-indigènes. Plus ambigüe est la situation des indigènes algériens entre 1834 et 1865, non-Français non-étrangers, sans statut subsidiaire et qui ont juste la possibilité de bénéficier de la protection diplomatique française. Mais la situation de loin la plus singulière est celle des « peuples indépendants » en Guyane française, marrons (originaires des plantations du Surinam) et amérindiens : le colonisateur leur reconnaît une sorte de « statut de fait » entièrement illégal, les traitant comme des sortes d'Etats sans territoires mais dotés d'une totale autonomie normative et juridictionnelle, y compris d'un point de vue pénal. Alors que ces problèmes de nationalité liés à l'absence d'état-civil devaient en principe être réglés dans les années 1960, ils continuent à perdurer aujourd'hui, notamment du fait de carences administratives.
C'est parce que la nationalité de l'indigène était avant tout créatrice d'obligations que le colonisateur s'est montré particulièrement souple. Ceci fait ressortir par contraste le paradoxe de la nationalité créatrice de droits : c'est aussi parce qu'elle est censée offrir des droits supérieurs à ce minimum que représentent les droits de l'homme qu'elle est plus précaire.

Histoire de la Justice n° 26, 2016
L’historiographie récente de l’Amérique du Nord a mis l’accent sur des rapports de forces atypiqu... more L’historiographie récente de l’Amérique du Nord a mis l’accent sur des rapports de forces atypiques entre colons européens et Amérindiens. Elle insiste sur des accords hybrides et syncrétiques manifestant un compromis entre deux cultures, un rapport de forces équilibré ou même défavorable au pouvoir colonial, qu’elle appelle middle-grounds. Pour la Guyane, cette notion décrit parfaitement les conventions conclues, entre 1860 et 1892, par la France avec les peuples marrons du Surinam constitués par des esclaves évadés des plantations néerlandaises. Fruits des besoins de main-d’œuvre et des rivalités entre puissances, ces accords montrent en effet un pouvoir colonial obligé d’oublier son complexe de supériorité, traitant ces peuples comme des puissances indépendantes autorisées à se constituer en véritables enclaves.
THE AGREEMENTS BETWEEN FRANCE AND SURINAMESE MAROONS.
A CONTRIBUTION TO THE STUDY OF POST-SLAVERY MIDDLE GROUNDS
The recent historiography of North America has emphasized an unusual balance of power between European settlers and Native American tribes. It has underlined the existence of middle grounds that encompass hybrid and syncretic agreements suggesting a compromise between cultures, as well as an even balance of power or one that was unfavourable to the colonial power.
As for French Guiana, that notion perfectly describes the agreements that France signed between 1860 and 1892 with runaway slaves from Dutch plantations, commonly called Surinamese Maroons. As a result of the demand for labour and the rivalry between colonial powers, those agreements present a situation where the colonial power is obliged to forget its superiority complex and to treat the Maroons as independent powers authorised to meet together in genuine enclaves.

La Révolution française. Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, n°9, 2015
Dans le second Empire colonial à son apogée, la citoyenneté a trois caractéristiques essentielles... more Dans le second Empire colonial à son apogée, la citoyenneté a trois caractéristiques essentielles : elle est fragmentée par diverses formes de hiérarchisation quant à l’électorat ; elle est réservée aux seuls ressortissants de l’Empire colonial, les Français et les indigènes, dans le cadre d’une conception différenciée de la nationalité ; elle est marquée par l’idée de civilisation. Cette situation est née en plusieurs étapes : en 1798, on conçoit une citoyenneté spécifique pour civiliser les nouveaux libres ; entre 1848 et 1870, en Algérie, on expérimente puis abandonne une citoyenneté locale pour les Français, les étrangers et les indigènes ; entre 1870 et 1898, on conçoit une citoyenneté locale élargie aux élections nationales pour les natifs de l’Inde française, alors qu’avec les délégations financières algériennes, la « représentation des intérêts » s’accompagne d’une citoyenneté française amputée du droit de participer à une élection locale.
At the peak of the second colonial Empire, citizenship there has three essential characteristics: it is fragmented by diverse forms of hierarchisation of the electorate ; it is reserved solely for nationals of the colonial Empire, the French and natives within a differentiated conception of nationality ; it is marked by the idea of civilisation. This situation came about in several stages: in 1978, specific citizenship is devised to civilise the newly freed; between 1848 and 1870, in Algeria there is some experimentation with local citizenship for the French, foreigners and natives, but this was abandoned; between 1870 and 1898, local citizenship is devised, expanded to include national elections for the natives of French India, whilst with the Algerian financial delegations, the “representation of interests” is accompanied by French citizenship without the right to participate in local elections.

Jean Moomou & APFOM (dir.), Sociétés marronnes des Amériques. Mémoires, patrimoines, identités et histoire du XVIIe au XXe siècles, Matoury, Ibis Rouge, 2015, p. 427-436., 2015
La situation des Marrons en Guyane française intéresse rarement les juristes. Pourtant, de la con... more La situation des Marrons en Guyane française intéresse rarement les juristes. Pourtant, de la convention franco-néerlandaise de 1836 à la «francisation» des années 1960, l’histoire de ces Marrons ne peut être amputée de sa dimension juridique : la France, tantôt respectant l'orthodoxie juridique, les dote de fragments de statut de droit, tantôt s’engageant nettement dans l'illégalité, les dote de fragments de statut de fait. Cette situation est l'oeuvre conjointe des autorités françaises et des Marrons, qui tour à tour ont joué avec le droit.
The Maroons and the law in French Guiana from 1836 to the "Frenchifying" period
The situation of the Maroons in French Guiana rarely interests the jurists. Nevertheless, from the French-Dutch agreement of 1836 to the "Frenchifying" of the 1960s, the history of the Maroons cannot be amputated of its legal dimension: France, sometimes respecting the legal orthodoxy, endows them with fragments of legal status, sometimes clearly choosing the illegality, endows them with fragments of de facto status. This situation is the joint work of the French authorities and of the Maroons, which alternately played with the law.

Jus Politicum n° 14, Jun 2015
La citoyenneté dans l’Empire colonial français est caractérisée par sa fragmentation. La citoyenn... more La citoyenneté dans l’Empire colonial français est caractérisée par sa fragmentation. La citoyenneté française y est définie de plusieurs manières, tantôt statut de droit public et de droit privé, tantôt statut de droit public ; elle connaît des formes de hiérarchie en son sein, certains citoyens français voyant leurs droits politiques atténués. La citoyenneté coloniale, dont la portée se limite aux élections locales, est accordée à ceux qui n’ont pas la citoyenneté française : elle peut prendre la forme d’une citoyenneté de résidence, attribuée aux indigènes et aux étrangers, ou d’une citoyenneté impériale, attribuée aux indigènes, seuls ressortissants de l’Empire colonial ; elle peut s’exercer selon des modalités différentes, le citoyen colonial, pouvant être nommé, élu au suffrage restreint, censitaire et capacitaire, ou encore par les chambres de commerce et d’agriculture.
Is Citizenship in the French Colonial Empire Specific ?
The citizenship in the French colonial Empire is characterized by its fragmentation.The French citizenship is defined there in many different ways, sometimes as public and private law status and sometimes as public law status, there are different forms of hierarchy within it, some French citizens seeing their political rights limited. The colonial citizenship, limited to the local elections, is granted to those who do not have the French citizenship : it can take the form of citizenship of residence, attributed to the natives and to the foreigners, or of an imperial citizenship, attributed to the natives, nationals of the colonial Empire only ; it can be established upon different terms, the colonial citizen may be appointed, elected by restricted vote, by selective suffrage, by capability suffrage, or by the chambers of commerce and industry.
Frédéric Régent, Jean-François Niort & Pierre Serna (dir.), Les colonies, la Révolution française, la loi, Rennes, PUR, 2014, p.149-164, 2014
Sylvie Laurent & Thierry Leclère (eds.), De quelle couleur sont les Blancs?, La Découverte , 2013
M. Elfort & V. Roux, La question autochtone sur le plateau des Guyanes, Aix-en-Provence, PUAM, 2013

Maghreb et sciences sociales 2012
Maître de conférences en droit public Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe... more Maître de conférences en droit public Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe (CRPLC) Université des Antilles et de la Guyane Dernière version avant publication d'un article paru in Maghreb et sciences sociales, n°4, 2012, p. 89-98. On décrira brièvement ici l'émergence, l'existence tumultueuse et la disparition progressive de cette 1 catégorie du droit français de la nationalité qu'on nomme indigène. En effet, durant un court siècle, ce droit ne se résume pas à la distinction entre nationaux et étrangers : il comporte trois catégories (le Français, l'étranger et l'indigène) auxquelles peut s'ajouter, dans de nombreux territoires, une quatrième (l'étranger assimilé à l'indigène). Ce phénomène serait aberrant si l'on définissait la nationalité par la seule appartenance à l'Etat. Mais elle peut être aussi entendue différemment, « comprise au sens large », comme « relation d'appartenance juridique à un groupe circonscrit territorialement » (Beaud, 2007, 217) : on peut alors constater que, dans le cas d'une Fédération, « il existe, par définition, une double nationalité : la nationalité fédérale » (qui est prise en compte par le droit international public) « et la nationalité fédérée » (que le droit international public ignore) (Beaud, 2007, 219). Dans le cas d'un Empire (Beaud, 2010, XVII-XXI), et tout particulièrement du second Empire colonial français, la contrainte de l'égalité des Etats membres n'existe pas : ce centre politique hégémonique qu'est l'Etat métropolitain peut donner à sa domination sur d'autres unités politiques la forme juridique qu'il souhaite. Il peut choisir la simplicité, et se contenter d'une différenciation territoriale : dans les unités dominées (Guadeloupe, Martinique, Réunion) le droit de la nationalité est celui de l'Etat métropolitain et la domination repose sur une base territoriale ; il n'y a toujours que des nationaux et des étrangers. Mais il peut aussi choisir la complexité, et créer une situation qui présente des similitudes avec celle d'une Fédération, ajoutant à la différenciation territoriale la différenciation en matière de nationalité : le droit de la nationalité distingue alors le peuple métropolitain des originaires des unités dominées annexées et conçoit ces derniers comme originaires d'entités territoriales distinctes régies par des législations distinctes (Algérie, colonies) ; il existe ici une nationalité au sens du droit international public analogue à la nationalité fédérale et des nationalités au sens du droit interne analogues aux nationalités fédérées, mais la domination implique que le peuple métropolitain appartienne à une catégorie distincte des peuples colonisés : non seulement il y a dualité de nationalité, mais hiérarchie des catégories, la nationalité de la métropole étant conçue de manière à être supérieure aux nationalités des territoires annexés. Le centre politique peut enfin choisir une situation encore plus complexe, qui s'éloigne du modèle fédéral, en faisant subir à la différenciation territoriale un changement qualitatif, la domination pouvant se passer de l'annexion : à l'unité politique annexée qui, tout comme l'Etat membre, n'existe pas au regard du droit international public, s'ajoute l'unité politique dont l'existence internationale est mise en sommeil (protectorat, mandat B) ; dès lors que la métropole choisit de ne pas regrouper peuple métropolitain et originaires des territoires annexés dans une même catégorie, dès lors que les originaires des unités politiques dominées appartiennent toujours à un groupe circonscrit territorialement, l'émergence d'une catégorie du droit de la nationalité plus large, regroupant tous les colonisés de l'Empire n'est pas impossible. Ainsi, tandis que l'égalité des Etats-membres d'une Fédération implique l'uniformité, dans un Empire, l'inégalité entre l'Etat métropolitain, qui assure son unité, et les unités politiques dominées (qu'on appelait notamment « possessions » pendant la période étudiée) autorise quant à elle l'extrême diversité, aussi bien quant aux statuts territoriaux que quant au degré de domination. Mais une trop grande hétérogénéité n'en est pas moins susceptible de remettre en cause la domination métropolitaine. Il existe donc une question politique de l'uniformité, de la dose d'uniformité nécessaire pour maintenir l'existence de l'Empire. On cherchera ici comment le droit de la nationalité a tenté de répondre à cette question. On cherchera aussi à savoir quelle est la place du concept, souvent ambigu, de race, dans le droit de la nationalité régissant les indigènes. L'histoire de ce droit est soumise à de multiples contraintes : la civilisation, définie par la soumission au droit occidental, qui justifie, d'une part, diverses modalités de domination et d'annexion en droit international public et d'autre part, le despotisme, conçu comme provisoire, du colonisateur français; le régime législatif, Pour l'essentiel, cet article résume ma thèse (Urban, 2010).

Ce travail porte sur l'émergence, l'existence tumultueuse et la disparition progressive de cette ... more Ce travail porte sur l'émergence, l'existence tumultueuse et la disparition progressive de cette catégorie du droit français de la nationalité qu'on nomme indigène. En effet, durant un court siècle, ce droit ne se résume pas à la distinction entre nationaux et étrangers : il comporte trois catégories (le Français, l'étranger et l'indigène) auxquelles peut s'ajouter, dans de nombreux territoires, une quatrième (l'étranger assimilé à l'indigène). Ce phénomène serait aberrant si l'on définissait la nationalité par la seule appartenance à l'Etat. Mais elle peut être aussi entendue différemment, « comprise au sens large », comme « relation d'appartenance juridique à un groupe circonscrit territorialement » 1 : on peut alors constater que, dans le cas d'une Fédération, « il existe, par définition, une double nationalité : la nationalité fédérale » (qui est prise en compte par le droit international public) « et la nationalité fédérée » (que le droit international public ignore) 2 . Dans le cas d'un Empire, et tout particulièrement du second Empire colonial français, la contrainte de l'égalité des Etats membres n'existe pas : ce centre politique hégémonique qu'est l'Etat métropolitain peut donner à sa domination sur d'autres unités politiques la forme juridique qu'il souhaite. Il peut choisir la simplicité, et se contenter d'une différenciation territoriale : dans les unités dominées (Guadeloupe, Martinique, Réunion) le droit de la nationalité est celui de l'Etat métropolitain et la domination repose sur une base territoriale ; il n'y a toujours que des nationaux et des étrangers. Mais il peut aussi choisir la complexité, et créer une situation qui présente des similitudes avec celle d'une Fédération, ajoutant à la différenciation territoriale la différenciation en matière de nationalité : le droit de la nationalité distingue alors le peuple métropolitain des originaires des unités dominées annexées et conçoit ces derniers comme originaires d'entités territoriales distinctes régies par des législations distinctes (Algérie, colonies) ; il existe ici une nationalité au sens du droit international public analogue à la nationalité fédérale et des nationalités au sens du droit interne analogues aux nationalités fédérées, mais la domination implique que le peuple métropolitain appartienne à une catégorie distincte des peuples colonisés : non seulement il y a dualité de nationalité, mais hiérarchie des catégories, la nationalité de la métropole étant conçue de manière à être supérieure aux nationalités des territoires annexés. Le centre politique peut enfin choisir une situation encore plus complexe, qui s'éloigne du modèle fédéral, en faisant subir à la différenciation territoriale un changement qualitatif, la domination pouvant se passer de l'annexion : à l'unité politique annexée qui, tout comme l'Etat membre, n'existe pas au regard du droit international public, s'ajoute l'unité politique dont l'existence internationale est mise en sommeil (protectorat, mandat B) ; dès lors que la métropole choisit de ne pas regrouper peuple métropolitain et originaires des territoires annexés dans une même catégorie, dès lors que les originaires des unités politiques dominées appartiennent toujours à un groupe circonscrit territorialement, l'émergence d'une catégorie du droit de la nationalité plus large, regroupant tous les colonisés de l'Empire n'est pas impossible. Ainsi, tandis que l'égalité des Etats-membres d'une Fédération implique l'uniformité, dans un Empire, l'inégalité entre l'Etat métropolitain, qui assure son unité, et les unités politiques dominées (qu'on appelait notamment « possessions » pendant la période étudiée) autorise quant à elle l'extrême diversité, aussi bien quant aux statuts territoriaux que quant au degré de domination. Mais une trop grande hétérogénéité n'en est pas moins susceptible de remettre en cause la domination métropolitaine. Il existe donc une question politique de l'uniformité, de la dose d'uniformité nécessaire pour maintenir l'existence de l'Empire. On cherchera ici comment le droit de la nationalité a tenté de répondre à cette question. On cherchera aussi à savoir quelle est la place du concept, souvent ambigu, de race, dans le droit de la nationalité régissant les indigènes. L'histoire de ce droit est soumise à de multiples contraintes : la civilisation, définie par la soumission au droit occidental, qui justifie, d'une part, diverses modalités de domination et d'annexion en droit international public et d'autre part, le despotisme, conçu comme provisoire, du colonisateur français; le régime législatif, qui combine territorialité et personnalité des lois et instaure une plus ou moins grande subordination du pouvoir colonial local au pouvoir métropolitain ; la contrainte géographique et géopolitique, car la constitution d'un 1 Olivier BEAUD, Théorie de la Fédération, Paris, PUF, 2007, p. 217 2 O. BEAUD, ibid., p. 219.
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Mots‐clés : Coutume. Citoyenneté. Droit. Colonisation. Outre‐mer.
Custom and Citizenship: From the Status of Colonies to the one of Overseas Local Councils
Citizenship in the French overseas territories is still linked to custom. This situation is the result of three historical evolutions: In the second colonial Empire, custom was used as a stigma to justify the denial of citizenship to native people. During the post‐war period, when it was associated with a type of local citizenship, it was seen either as a lesser evil, or as a sign of autonomy. In French Guiana, the unofficial custom of Amerindian and Maroon peoples implies that they are treated as “independent peoples”, then as common law citizens.
Keywords: Custom. Citizenship. Law. Colonization. Overseas territories.
Gewonheit und Staatsbürgerrecht, von der Kolonialverwaltung bis zur heutigen Überseegemeinschaft
Das Staatsbürgerrecht in den französischen Überseegebieten wird weiterhin mit der Gewohnheit verbunden. Dieser Zustand ist das Ergebniss drei verschiedener Laufbahnen : im zweiten französischem Kolonialreich,wurde die Gewohnheit als ein Schandfleck emp‐ funden ,der das Nicht‐Staatbürgerecht des Eingeborenen rechtfertigte ; in der Nachkriegszeit des Zweiten Weltkriegs, wurde sie mit dem lokalen Statut des Staatsbürgerechts verbunden ,und wurde entweder als eine Aushilfe oder als ein Zeichen von Selbstverwaltung betrachtet. Schliesslich ist in französisch Guayana die halbamtliche Gewohnheit der einheimischen Indianer und der „Marrons” ein Anzeichen ihrer Zugehörigkeit zu „selbständigen Völker“ und in der Folge zum gemeinen Staatsbürgerrecht.
Stichwörter: Gewohnheit. Staatsbürgerrecht. Recht. Kolonisierung. Übersee.
Costumbre y ciudadanía, de las colonias a las colectividades de ultramar.
El punto de vista del derecho
La ciudadanía de ultramar continúa siendo asociada con la costumbre. Esta situación es el fruto de tres trayectorias. Durante el Segundo Imperio colonial, la costumbre se concibe como un estigma que justifica la no ciudadanía del indígena. En la postguerra, asociada con la ciudadanía de estatuto local, fue considerada como un mal menor o como un signo de autonomía. Por ultimo, en la Guayana, la costumbre oficiosa de los Amerindios y Marrones es el síntoma de la pertenencia a « pueblos independientes », y de la ciudadanía de derecho común.
Palabras‐clave : Derecho consuetudinario. Ciudadanía. Derecho. Colonización. Ultramar.
Is Citizenship in the French Colonial Empire Specific ?
The citizenship in the French colonial Empire is characterized by its fragmentation.The French citizenship is defined there in many different ways, sometimes as public and private law status and sometimes as public law status, there are different forms of hierarchy within it, some French citizens seeing their political rights limited. The colonial citizenship, limited to the local elections, is granted to those who do not have the French citizenship : it can take the form of citizenship of residence, attributed to the natives and to the foreigners, or of an imperial citizenship, attributed to the natives, nationals of the colonial Empire only ; it can be established upon different terms, the colonial citizen may be appointed, elected by restricted vote, by selective suffrage, by capability suffrage, or by the chambers of commerce and industry.
« 1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. » Le contenu de ce droit à la nationalité, tout comme sa portée juridique (« soft law » ou norme coutumière internationale?), font aujourd'hui l'objet de débats. Mais l'on s'accorde pour voir au minimum dans ce droit à la nationalité un droit à ne pas être apatride, la nationalité devant en principe permettre aux droits de l'homme d'être effectifs.
Or l'idée selon laquelle il ne doit pas y avoir d'apatridie n'est pas un produit des bouleversements politiques issus de la première guerre mondiale, comme on a souvent tendance à le penser ; elle émerge et se développe parallèlement au droit moderne de la nationalité au cours du XIXème siècle, parallèlement aux conquêtes coloniales aussi.
L'article 15 §2 de la Déclaration universelle reconnaît également un droit à changer de nationalité : au delà de la condamnation de l'allégeance perpétuelle et de l'affirmation de la liberté de choix de l'individu, elle marque aussi le fait que, loin de permettre aux droits de l'homme d'être effectifs, la nationalité peut au contraire offrir la garantie d'être privé de ceux-ci, peut au contraire être synonyme d'oppression. L'article 15 succède d'ailleurs à un article 14 consacré au droit d'asile.
Si la nationalité est conçue comme créatrice de droits, sa possession garantit plus fermement le bénéfice des droits de l'homme que l'apatridie ; si la nationalité est avant tout conçue comme créatrice d'obligations, l'apatridie ou un statut incertain peuvent être préférable à la possession de la nationalité. Ces deux assertions se vérifient dans le second Empire colonial français, dans le cadre d'une conception différenciée de la nationalité : la nationalité créatrice de droit du Français est la plus enviable, mais la nationalité créatrice d'obligations de l'indigène est moins favorable que les qualité d'apatride ou d'étranger de statut incertain.
Dans ce contexte fragmenté, le colonisateur français s'est-il efforcé de garantir aux populations indigènes une certaine forme de droit à la nationalité ?
On peut répondre de manière affirmative :
D'une part, les autorités françaises se sont efforcées de garantir aux population indigènes une nationalité créatrice d'obligation. La conception négative de l'indigène, comme non-Français non- étranger, ou encore la jurisprudence relative aux « Malais-Chams » en Indochine (Cass., crim. 22/07/1905), notamment, relèvent de cette idée.
D'autre part, dans les situations d'apatridie ou proches de l'apatridie, les autorités françaises se sont souvent efforcées d'offrir une sorte de statut alternatif à cette nationalité créatrice d'obligation : il s'agit des « Chinois » en Indochine qui n'ont pas de consuls jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention de T'sien T'sin en 1935 (et sont donc des «apatrides de fait ») et plus encore des «Minh- Huong » ou métis sino-indigènes. Plus ambigüe est la situation des indigènes algériens entre 1834 et 1865, non-Français non-étrangers, sans statut subsidiaire et qui ont juste la possibilité de bénéficier de la protection diplomatique française. Mais la situation de loin la plus singulière est celle des « peuples indépendants » en Guyane française, marrons (originaires des plantations du Surinam) et amérindiens : le colonisateur leur reconnaît une sorte de « statut de fait » entièrement illégal, les traitant comme des sortes d'Etats sans territoires mais dotés d'une totale autonomie normative et juridictionnelle, y compris d'un point de vue pénal. Alors que ces problèmes de nationalité liés à l'absence d'état-civil devaient en principe être réglés dans les années 1960, ils continuent à perdurer aujourd'hui, notamment du fait de carences administratives.
C'est parce que la nationalité de l'indigène était avant tout créatrice d'obligations que le colonisateur s'est montré particulièrement souple. Ceci fait ressortir par contraste le paradoxe de la nationalité créatrice de droits : c'est aussi parce qu'elle est censée offrir des droits supérieurs à ce minimum que représentent les droits de l'homme qu'elle est plus précaire.
THE AGREEMENTS BETWEEN FRANCE AND SURINAMESE MAROONS.
A CONTRIBUTION TO THE STUDY OF POST-SLAVERY MIDDLE GROUNDS
The recent historiography of North America has emphasized an unusual balance of power between European settlers and Native American tribes. It has underlined the existence of middle grounds that encompass hybrid and syncretic agreements suggesting a compromise between cultures, as well as an even balance of power or one that was unfavourable to the colonial power.
As for French Guiana, that notion perfectly describes the agreements that France signed between 1860 and 1892 with runaway slaves from Dutch plantations, commonly called Surinamese Maroons. As a result of the demand for labour and the rivalry between colonial powers, those agreements present a situation where the colonial power is obliged to forget its superiority complex and to treat the Maroons as independent powers authorised to meet together in genuine enclaves.
At the peak of the second colonial Empire, citizenship there has three essential characteristics: it is fragmented by diverse forms of hierarchisation of the electorate ; it is reserved solely for nationals of the colonial Empire, the French and natives within a differentiated conception of nationality ; it is marked by the idea of civilisation. This situation came about in several stages: in 1978, specific citizenship is devised to civilise the newly freed; between 1848 and 1870, in Algeria there is some experimentation with local citizenship for the French, foreigners and natives, but this was abandoned; between 1870 and 1898, local citizenship is devised, expanded to include national elections for the natives of French India, whilst with the Algerian financial delegations, the “representation of interests” is accompanied by French citizenship without the right to participate in local elections.
The Maroons and the law in French Guiana from 1836 to the "Frenchifying" period
The situation of the Maroons in French Guiana rarely interests the jurists. Nevertheless, from the French-Dutch agreement of 1836 to the "Frenchifying" of the 1960s, the history of the Maroons cannot be amputated of its legal dimension: France, sometimes respecting the legal orthodoxy, endows them with fragments of legal status, sometimes clearly choosing the illegality, endows them with fragments of de facto status. This situation is the joint work of the French authorities and of the Maroons, which alternately played with the law.
Is Citizenship in the French Colonial Empire Specific ?
The citizenship in the French colonial Empire is characterized by its fragmentation.The French citizenship is defined there in many different ways, sometimes as public and private law status and sometimes as public law status, there are different forms of hierarchy within it, some French citizens seeing their political rights limited. The colonial citizenship, limited to the local elections, is granted to those who do not have the French citizenship : it can take the form of citizenship of residence, attributed to the natives and to the foreigners, or of an imperial citizenship, attributed to the natives, nationals of the colonial Empire only ; it can be established upon different terms, the colonial citizen may be appointed, elected by restricted vote, by selective suffrage, by capability suffrage, or by the chambers of commerce and industry.
Mots‐clés : Coutume. Citoyenneté. Droit. Colonisation. Outre‐mer.
Custom and Citizenship: From the Status of Colonies to the one of Overseas Local Councils
Citizenship in the French overseas territories is still linked to custom. This situation is the result of three historical evolutions: In the second colonial Empire, custom was used as a stigma to justify the denial of citizenship to native people. During the post‐war period, when it was associated with a type of local citizenship, it was seen either as a lesser evil, or as a sign of autonomy. In French Guiana, the unofficial custom of Amerindian and Maroon peoples implies that they are treated as “independent peoples”, then as common law citizens.
Keywords: Custom. Citizenship. Law. Colonization. Overseas territories.
Gewonheit und Staatsbürgerrecht, von der Kolonialverwaltung bis zur heutigen Überseegemeinschaft
Das Staatsbürgerrecht in den französischen Überseegebieten wird weiterhin mit der Gewohnheit verbunden. Dieser Zustand ist das Ergebniss drei verschiedener Laufbahnen : im zweiten französischem Kolonialreich,wurde die Gewohnheit als ein Schandfleck emp‐ funden ,der das Nicht‐Staatbürgerecht des Eingeborenen rechtfertigte ; in der Nachkriegszeit des Zweiten Weltkriegs, wurde sie mit dem lokalen Statut des Staatsbürgerechts verbunden ,und wurde entweder als eine Aushilfe oder als ein Zeichen von Selbstverwaltung betrachtet. Schliesslich ist in französisch Guayana die halbamtliche Gewohnheit der einheimischen Indianer und der „Marrons” ein Anzeichen ihrer Zugehörigkeit zu „selbständigen Völker“ und in der Folge zum gemeinen Staatsbürgerrecht.
Stichwörter: Gewohnheit. Staatsbürgerrecht. Recht. Kolonisierung. Übersee.
Costumbre y ciudadanía, de las colonias a las colectividades de ultramar.
El punto de vista del derecho
La ciudadanía de ultramar continúa siendo asociada con la costumbre. Esta situación es el fruto de tres trayectorias. Durante el Segundo Imperio colonial, la costumbre se concibe como un estigma que justifica la no ciudadanía del indígena. En la postguerra, asociada con la ciudadanía de estatuto local, fue considerada como un mal menor o como un signo de autonomía. Por ultimo, en la Guayana, la costumbre oficiosa de los Amerindios y Marrones es el síntoma de la pertenencia a « pueblos independientes », y de la ciudadanía de derecho común.
Palabras‐clave : Derecho consuetudinario. Ciudadanía. Derecho. Colonización. Ultramar.
Is Citizenship in the French Colonial Empire Specific ?
The citizenship in the French colonial Empire is characterized by its fragmentation.The French citizenship is defined there in many different ways, sometimes as public and private law status and sometimes as public law status, there are different forms of hierarchy within it, some French citizens seeing their political rights limited. The colonial citizenship, limited to the local elections, is granted to those who do not have the French citizenship : it can take the form of citizenship of residence, attributed to the natives and to the foreigners, or of an imperial citizenship, attributed to the natives, nationals of the colonial Empire only ; it can be established upon different terms, the colonial citizen may be appointed, elected by restricted vote, by selective suffrage, by capability suffrage, or by the chambers of commerce and industry.
« 1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. » Le contenu de ce droit à la nationalité, tout comme sa portée juridique (« soft law » ou norme coutumière internationale?), font aujourd'hui l'objet de débats. Mais l'on s'accorde pour voir au minimum dans ce droit à la nationalité un droit à ne pas être apatride, la nationalité devant en principe permettre aux droits de l'homme d'être effectifs.
Or l'idée selon laquelle il ne doit pas y avoir d'apatridie n'est pas un produit des bouleversements politiques issus de la première guerre mondiale, comme on a souvent tendance à le penser ; elle émerge et se développe parallèlement au droit moderne de la nationalité au cours du XIXème siècle, parallèlement aux conquêtes coloniales aussi.
L'article 15 §2 de la Déclaration universelle reconnaît également un droit à changer de nationalité : au delà de la condamnation de l'allégeance perpétuelle et de l'affirmation de la liberté de choix de l'individu, elle marque aussi le fait que, loin de permettre aux droits de l'homme d'être effectifs, la nationalité peut au contraire offrir la garantie d'être privé de ceux-ci, peut au contraire être synonyme d'oppression. L'article 15 succède d'ailleurs à un article 14 consacré au droit d'asile.
Si la nationalité est conçue comme créatrice de droits, sa possession garantit plus fermement le bénéfice des droits de l'homme que l'apatridie ; si la nationalité est avant tout conçue comme créatrice d'obligations, l'apatridie ou un statut incertain peuvent être préférable à la possession de la nationalité. Ces deux assertions se vérifient dans le second Empire colonial français, dans le cadre d'une conception différenciée de la nationalité : la nationalité créatrice de droit du Français est la plus enviable, mais la nationalité créatrice d'obligations de l'indigène est moins favorable que les qualité d'apatride ou d'étranger de statut incertain.
Dans ce contexte fragmenté, le colonisateur français s'est-il efforcé de garantir aux populations indigènes une certaine forme de droit à la nationalité ?
On peut répondre de manière affirmative :
D'une part, les autorités françaises se sont efforcées de garantir aux population indigènes une nationalité créatrice d'obligation. La conception négative de l'indigène, comme non-Français non- étranger, ou encore la jurisprudence relative aux « Malais-Chams » en Indochine (Cass., crim. 22/07/1905), notamment, relèvent de cette idée.
D'autre part, dans les situations d'apatridie ou proches de l'apatridie, les autorités françaises se sont souvent efforcées d'offrir une sorte de statut alternatif à cette nationalité créatrice d'obligation : il s'agit des « Chinois » en Indochine qui n'ont pas de consuls jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention de T'sien T'sin en 1935 (et sont donc des «apatrides de fait ») et plus encore des «Minh- Huong » ou métis sino-indigènes. Plus ambigüe est la situation des indigènes algériens entre 1834 et 1865, non-Français non-étrangers, sans statut subsidiaire et qui ont juste la possibilité de bénéficier de la protection diplomatique française. Mais la situation de loin la plus singulière est celle des « peuples indépendants » en Guyane française, marrons (originaires des plantations du Surinam) et amérindiens : le colonisateur leur reconnaît une sorte de « statut de fait » entièrement illégal, les traitant comme des sortes d'Etats sans territoires mais dotés d'une totale autonomie normative et juridictionnelle, y compris d'un point de vue pénal. Alors que ces problèmes de nationalité liés à l'absence d'état-civil devaient en principe être réglés dans les années 1960, ils continuent à perdurer aujourd'hui, notamment du fait de carences administratives.
C'est parce que la nationalité de l'indigène était avant tout créatrice d'obligations que le colonisateur s'est montré particulièrement souple. Ceci fait ressortir par contraste le paradoxe de la nationalité créatrice de droits : c'est aussi parce qu'elle est censée offrir des droits supérieurs à ce minimum que représentent les droits de l'homme qu'elle est plus précaire.
THE AGREEMENTS BETWEEN FRANCE AND SURINAMESE MAROONS.
A CONTRIBUTION TO THE STUDY OF POST-SLAVERY MIDDLE GROUNDS
The recent historiography of North America has emphasized an unusual balance of power between European settlers and Native American tribes. It has underlined the existence of middle grounds that encompass hybrid and syncretic agreements suggesting a compromise between cultures, as well as an even balance of power or one that was unfavourable to the colonial power.
As for French Guiana, that notion perfectly describes the agreements that France signed between 1860 and 1892 with runaway slaves from Dutch plantations, commonly called Surinamese Maroons. As a result of the demand for labour and the rivalry between colonial powers, those agreements present a situation where the colonial power is obliged to forget its superiority complex and to treat the Maroons as independent powers authorised to meet together in genuine enclaves.
At the peak of the second colonial Empire, citizenship there has three essential characteristics: it is fragmented by diverse forms of hierarchisation of the electorate ; it is reserved solely for nationals of the colonial Empire, the French and natives within a differentiated conception of nationality ; it is marked by the idea of civilisation. This situation came about in several stages: in 1978, specific citizenship is devised to civilise the newly freed; between 1848 and 1870, in Algeria there is some experimentation with local citizenship for the French, foreigners and natives, but this was abandoned; between 1870 and 1898, local citizenship is devised, expanded to include national elections for the natives of French India, whilst with the Algerian financial delegations, the “representation of interests” is accompanied by French citizenship without the right to participate in local elections.
The Maroons and the law in French Guiana from 1836 to the "Frenchifying" period
The situation of the Maroons in French Guiana rarely interests the jurists. Nevertheless, from the French-Dutch agreement of 1836 to the "Frenchifying" of the 1960s, the history of the Maroons cannot be amputated of its legal dimension: France, sometimes respecting the legal orthodoxy, endows them with fragments of legal status, sometimes clearly choosing the illegality, endows them with fragments of de facto status. This situation is the joint work of the French authorities and of the Maroons, which alternately played with the law.
Is Citizenship in the French Colonial Empire Specific ?
The citizenship in the French colonial Empire is characterized by its fragmentation.The French citizenship is defined there in many different ways, sometimes as public and private law status and sometimes as public law status, there are different forms of hierarchy within it, some French citizens seeing their political rights limited. The colonial citizenship, limited to the local elections, is granted to those who do not have the French citizenship : it can take the form of citizenship of residence, attributed to the natives and to the foreigners, or of an imperial citizenship, attributed to the natives, nationals of the colonial Empire only ; it can be established upon different terms, the colonial citizen may be appointed, elected by restricted vote, by selective suffrage, by capability suffrage, or by the chambers of commerce and industry.
Ce droit émerge au début de la présence française en Algérie avant de voir ses principes posés en 1865 : expression d’un compromis entre mission civilisatrice et principe des nationalités, il doit permettre au colonisé de s’assimiler à la nation française par le biais d’une naturalisation, conçue comme une « conversion à la civilisation ». Toutefois, notamment à cause de la faiblesse numérique des Français d’origine européenne dans les « colonies d’exploitation », la naturalisation sera progressivement régie par des textes de plus en plus sélectifs, visant à la francisation des seules élites.
Si, dans la plupart des territoires sous domination française, aucun texte ne définit l’indigène, il en va autrement en Indochine, où sont adoptées, dans les années 1930, les dispositions les plus complètes, marquées par une représentation du colonisé en termes nationaux et raciaux et par la focalisation sur la question du métissage, aussi bien entre Européens et indigènes qu’entre Chinois et indigènes.
Le droit de la nationalité propre aux colonisés dépérira progressivement par la suite, sous Vichy parce que le régime tend à transformer l’indigène en catégorie raciale, sous la IVème République parce que ce droit est considéré comme discriminatoire.
MOTS-CLEFS :
DROIT COLONIAL- OUTRE-MER- NA TIONALITE- RACE- RACISME- DISCRIMINATIONS- COLONIES- ALGERIE- PROTECTORATS- TERRITOIRES SOUS MANDAT
Under the french colonial empire (which was at its peak under the third Republic) the nationality law expresses the distinction between the colonizer and colonized people. This thesis intends to study the history of nationality law of the colonized people (at that time named natives) particularly the link with the ambiguous notion of race.
This law came out at the beginning of the french setting in Algeria before becoming official in 1865: this expresses a compromise between civilizing mission and nationality principles, its aim is to allow the colonized to be assimilated into the french nation via naturalization understood as « conversion to the civilization ». However particularly because of the small number of people of european origin in the « colonies d’exploitation » the naturalization will be gradually governed by more and more selective tests which enable the elites to be « frenchified ».
If in most of the territories under french dominion no text gives a definition of « native», it is different in Indochina where during the thirties, more comprehensive measures where settled. These measures defined the colonized in national and racial terms and focused on the question of inter breeding as well between europeans and native people as between chinese and native people.
The nationality law proper to colonized people will decline gradually afterwards under the Vichy government because the system tends to convert natives into a racial category and then under the fourth Republic because this law was considered as discriminatory.
KEYWORDS:
COLONIAL LAW- OVERSEAS- NATIONALITY- RACE- RACISM- DISCRIMINATIONS- COLONIES- ALGERIA- PROTECTORATES- MANDATED TERRITORIES