in BAUQUET, N., d’ARODES DE PEYRIAGUE, X., GILBERT, P., ed., « Nous avons vu sa gloire ». Pour une phénoménologie du Credo, « Donner raison », Lessius, Bruxelles 2012, p. 51-67., 2012
La condition d’une légitimité de la phénoménologie dans le champ de la réflexion trinitaire est q... more La condition d’une légitimité de la phénoménologie dans le champ de la réflexion trinitaire est qu’il y ait un « apparaître » de la Trinité. La Trinité est-elle, peut-elle être « phénomène » ? De fait, le cri de ralliement de la phénoménologie, le « retour aux choses mêmes » suppose que ces « choses » apparaissent et se donnent. De là découle l’entreprise de description phénoménologique, en ses deux versants : description de l’apparaissant, du
phénomène en tant qu’intuitionné ; mais, puisque le phénomène apparaît à une conscience, description aussi de son mode d’apparaître, c’est-à-dire du vécu subjectif concret de cette intuition. Or, à la question de l’apparaître de la Trinité, la réponse évidente, quoique brutale, est négative : « Nul n’a jamais vu Dieu » (Jn 1,18). Soyons lucides : sur le plan phénoménal, le baptême du Christ n’est pas une apparition de la Trinité, mais Dieu qui atteste de son amour pour son Messie et lui confère la plénitude de la Ruah déjà octroyée aux prophètes vétérotestamentaires. De même, l’Annonciation est l’annonce de la naissance d’un être saint, conçu dans la puissance et le souffle agissant du Dieu unique d’Israël.
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Papers by Etienne Veto
modèle de notre propre résurrection, exprime pour Thomas le destin
ultime et la vérité profonde du corps humain. Ce dernier est appelé à
partager la même gloire et donc à s’élever bien au-delà des limites qui
sont les siennes en cette vie présente et qui semblent pourtant lui être
constitutives. En effet, après Pâques, le Christ apparaît et disparaît, passe
par des portes closes et s’élève dans les airs, se fait reconnaître ou non et,
plus important encore, il a échappé à la mort. Et Thomas de comprendre
les traits évoqués en une série d’antinomies par la première épître aux
Corinthiens pour tous les corps glorieux comme la désignation d’une
condition identique à celle du Ressuscité : « Le corps est semé dans la
corruption, il ressuscitera dans l’incorruptibilité. Il est semé dans
l’ignominie, il ressuscitera dans la gloire ; il est semé dans la faiblesse, il
ressuscitera dans la puissance. Il est semé corps animal, il ressuscitera
corps spirituel » (1 Co 15, 42b-44a). Il s’agit d’un destin prodigieux, qui
passe par une profonde transformation. Or l’Aquinate ne cherche pas
moins à penser celle-ci en termes philosophiques, comme l’achèvement
logique du schéma hylémorphique hérité d’Aristote : la « gloire » de la
chair ressuscitée correspond à l’information parfaite de la matière par la
forme en l’homme, c’est-à-dire à l’unité achevée de l’âme et du corps.
Cette audacieuse tentative de faire de la gloire l’accomplissement et le
sens du corps ne va pourtant pas de soi. En sa perfection quasi sans limites, le corps ressuscité n’a-t-il pas franchi les frontières de ce qui peut
encore se nommer corps ? Et les cadres et catégories du Stagirite ne sont-ils pas sollicités au-delà de leurs capacités, et donc de leur pouvoir de
signifier, lorsqu’ils sont censés exprimer cette nouveauté inouïe ? Le
problème qui se pose alors est de savoir si, en comprenant le corps du
Ressuscité comme le dévoilement de la vérité du corps humain, Thomas
valorise réellement ce dernier, en proportion à la beauté de sa vocation,
ou s’il ne s’agit pas plutôt d’un refus caché de ce qui est le propre de la
corporéité humaine, d’un dédain qui ne s’avoue pas pour ce qui lui est le
plus spécifique. Cela n’est pas sans enjeu pour nous : derrière
l’admiration pour ce qu’il deviendra, peut se cacher un secret mépris
pour ce qu’il est.
Il convient par conséquence de commencer par prendre acte de la
vocation prodigieuse du corps humain et de développer plus en détail ce
que Thomas saisit de son sens à la lumière du corps du Christ ressuscité.
Il sera ensuite possible d’évaluer s’il s’agit d’une valorisation ou d’une
déconsidération de la corporéité, en jaugeant ce qu’il advient de celle-ci,
mais aussi en vérifiant la place accordée dans la vie de gloire à certains
traits spécifiques de la corporéité, comme le plaisir sensible, ou encore la
limite et la finitude.
phénomène en tant qu’intuitionné ; mais, puisque le phénomène apparaît à une conscience, description aussi de son mode d’apparaître, c’est-à-dire du vécu subjectif concret de cette intuition. Or, à la question de l’apparaître de la Trinité, la réponse évidente, quoique brutale, est négative : « Nul n’a jamais vu Dieu » (Jn 1,18). Soyons lucides : sur le plan phénoménal, le baptême du Christ n’est pas une apparition de la Trinité, mais Dieu qui atteste de son amour pour son Messie et lui confère la plénitude de la Ruah déjà octroyée aux prophètes vétérotestamentaires. De même, l’Annonciation est l’annonce de la naissance d’un être saint, conçu dans la puissance et le souffle agissant du Dieu unique d’Israël.
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modèle de notre propre résurrection, exprime pour Thomas le destin
ultime et la vérité profonde du corps humain. Ce dernier est appelé à
partager la même gloire et donc à s’élever bien au-delà des limites qui
sont les siennes en cette vie présente et qui semblent pourtant lui être
constitutives. En effet, après Pâques, le Christ apparaît et disparaît, passe
par des portes closes et s’élève dans les airs, se fait reconnaître ou non et,
plus important encore, il a échappé à la mort. Et Thomas de comprendre
les traits évoqués en une série d’antinomies par la première épître aux
Corinthiens pour tous les corps glorieux comme la désignation d’une
condition identique à celle du Ressuscité : « Le corps est semé dans la
corruption, il ressuscitera dans l’incorruptibilité. Il est semé dans
l’ignominie, il ressuscitera dans la gloire ; il est semé dans la faiblesse, il
ressuscitera dans la puissance. Il est semé corps animal, il ressuscitera
corps spirituel » (1 Co 15, 42b-44a). Il s’agit d’un destin prodigieux, qui
passe par une profonde transformation. Or l’Aquinate ne cherche pas
moins à penser celle-ci en termes philosophiques, comme l’achèvement
logique du schéma hylémorphique hérité d’Aristote : la « gloire » de la
chair ressuscitée correspond à l’information parfaite de la matière par la
forme en l’homme, c’est-à-dire à l’unité achevée de l’âme et du corps.
Cette audacieuse tentative de faire de la gloire l’accomplissement et le
sens du corps ne va pourtant pas de soi. En sa perfection quasi sans limites, le corps ressuscité n’a-t-il pas franchi les frontières de ce qui peut
encore se nommer corps ? Et les cadres et catégories du Stagirite ne sont-ils pas sollicités au-delà de leurs capacités, et donc de leur pouvoir de
signifier, lorsqu’ils sont censés exprimer cette nouveauté inouïe ? Le
problème qui se pose alors est de savoir si, en comprenant le corps du
Ressuscité comme le dévoilement de la vérité du corps humain, Thomas
valorise réellement ce dernier, en proportion à la beauté de sa vocation,
ou s’il ne s’agit pas plutôt d’un refus caché de ce qui est le propre de la
corporéité humaine, d’un dédain qui ne s’avoue pas pour ce qui lui est le
plus spécifique. Cela n’est pas sans enjeu pour nous : derrière
l’admiration pour ce qu’il deviendra, peut se cacher un secret mépris
pour ce qu’il est.
Il convient par conséquence de commencer par prendre acte de la
vocation prodigieuse du corps humain et de développer plus en détail ce
que Thomas saisit de son sens à la lumière du corps du Christ ressuscité.
Il sera ensuite possible d’évaluer s’il s’agit d’une valorisation ou d’une
déconsidération de la corporéité, en jaugeant ce qu’il advient de celle-ci,
mais aussi en vérifiant la place accordée dans la vie de gloire à certains
traits spécifiques de la corporéité, comme le plaisir sensible, ou encore la
limite et la finitude.
phénomène en tant qu’intuitionné ; mais, puisque le phénomène apparaît à une conscience, description aussi de son mode d’apparaître, c’est-à-dire du vécu subjectif concret de cette intuition. Or, à la question de l’apparaître de la Trinité, la réponse évidente, quoique brutale, est négative : « Nul n’a jamais vu Dieu » (Jn 1,18). Soyons lucides : sur le plan phénoménal, le baptême du Christ n’est pas une apparition de la Trinité, mais Dieu qui atteste de son amour pour son Messie et lui confère la plénitude de la Ruah déjà octroyée aux prophètes vétérotestamentaires. De même, l’Annonciation est l’annonce de la naissance d’un être saint, conçu dans la puissance et le souffle agissant du Dieu unique d’Israël.