Publications by Cécile Neeser Hever

Interventions. International Journal of Postcolonial Studies, Mar 21, 2024
This essay investigates the distinction between major and minor characters by analysing the conte... more This essay investigates the distinction between major and minor characters by analysing the contemporary literary reception of a minor figure from one of the most canonical works in world literature: Ismene, Antigone’s sister in Sophocles’s Antigone. While Sophocles’s tragedy continues to elicit a startling number of rewritings and adaptations, the last two decades have seen a remarkable increase in rewritings which bring the heroine’s sister Ismene, a minor character in the original play, to the forefront. This multilingual, multi-generic, world literary corpus engages with Ismene’s relationship to heroism and sacrifice, moving away from tragedy and instead turning to a variety of genres: monologues, short stories, non-tragic plays, comedies, as well as hybrid forms that incorporate intermedial references. While much has been written about postcolonial and feminist rewritings of canonical Western texts, very little has been said about the attachments which secondary figures might elicit in peripheral literatures and minor authors. This focus, as this essay will show, helps refine notions of agency, solidarity, and connectivity in theories of the minor. The analysis presented here underscores the aesthetic, generic, and political implications of the revisionary representation of minor figures by contrasting Jeremy Menekseoglu’s theatrical rewriting Ismene (US, 2004) and Lot Vekemans’s monologue Zus van (Sister of, The Netherlands, 2005) as two distinct modes of engaging with Ismene as a paradigmatic minor figure. Pursuing the genre-theoretical and political questions raised by what Jeremy Rosen has termed “minor-character elaborations”, this essay identifies the practice of rewriting as a key literary strategy to decentre the major position of certain figures and genres in world literature. In dialogue with Rosen’s theoretical work, I argue for an aesthetic, enunciative, stylistic understanding of genre, which is best able to raise both the question of the minor character and that of minor-character elaborations within debates surrounding the minor.

Litter@ Incognita, 2023
[English below]
Si Jean Anouilh le premier, en l’imaginant « blonde », « belle » et « heureuse »... more [English below]
Si Jean Anouilh le premier, en l’imaginant « blonde », « belle » et « heureuse », inscrit
la blondeur d’Ismène dans le texte de son Antigone (1946), cette blondeur est un
topos à l’histoire longue. Au moins depuis le XIX siècle, les représentations
picturales des deux filles d’Œdipe ont tendance à opposer une Ismène blonde et
sensuelle à une Antigone brune et austère. En cela, elles ne font que reporter au
plan visuel une dichotomie qui informe déjà l’hypotexte sophocléen. Si Sophocle ne
précise aucunement la couleur de cheveux des filles d’Œdipe, la féminité docile et
conventionnelle d’Ismène constitue un modèle de normalité qui sert de toile de
fond à l’héroïsme transgressif d’Antigone. Comme Chrysothémis (dont le nom
signifie « la dorée »), et pour sa féminité autant que pour son effacement, Ismène
peut être envisagée comme une « blonde » du corpus tragique (Steiner, 1984). Si
légère et anachronique qu’elle puisse paraître, cette métaphore qui mêle la
féminité la plus stéréotypée et l’effacement est remarquablement apte à décrire le
type de féminité incarnée par l’Ismène de Sophocle.
Les diverses réécritures de l’« Antigone » qui, au cours des dernières décennies, se sont
emparées du personnage d’Ismène, sont toutes confrontées, à des degrés variés, à
cette féminité stéréotypée et minorisée, qu’elles déconstruisent, subvertissent ou
encore réinvestissent positivement. Cette contribution propose l’analyse d’un
exemple récent de la revalorisation littéraire d’Ismène, un monologue de la
dramaturge néerlandaise Lot Vekemans intitulé « Sœur de »(2005). En cherchant à
nous porter au-delà de l’insulte ou de la caricature que l’épithète de blonde peut
induire, il s’agira d’en faire un outil herméneutique et, en déployant les
connotations de la « blondeur » d’Ismène (féminité normée, féminité relative et
relationnelle, féminité sensuelle), d’explorer la façon dont la réécriture de
Vekemans reconduit, tout en l’infléchissant, cet imaginaire féminin.
[English]
While Jean Anouilh’s rewriting of Sophocles’ Antigone marks the first time the heroine’s sister is explicitly depicted as “blond“ (Anouilh, 1946), the topos of Ismene’s blondness has a longer history. From the 19th century on, pictorial representations of Œdipus’ daughters have had a tendency to oppose a blonde and sensual Ismene to a brown-haired and stern Antigone. In doing so, they merely transpose into visual terms a dichotomy which already shapes the Sophoclean hypotext. In the gendered economy of Sophoclean tragedy, Ismene’s docile and conventional femininity constitutes a model of normality that sets the background against which Antigone’s tragic heroism stands out. Like Chrysothemis (whose name means “the golden one“), and for her femininity as much as for her self-effacement, Ismene can be considered as a “blonde” of the tragic corpus (Steiner, 1984). As tactless and anachronistic as it may appear, this metaphor which combines the most stereotypical femininity with flatness and self-effacement, is, in fact, remarkably suited to describe the type of femininity embodied by Sophocles’ Ismene.
The various rewritings of the “Antigone“ that have explored the character of Ismene over the last decades are all faced, to a varying degree, with this stereotyped and minoritized femininity, which they deconstruct, subvert or positively reinvest. This contribution offers an analysis of a recent example of the literary revaluation of Ismene, “Sister of“, a monologue by Dutch playwright Lot Vekemans (2005). Attempting to move beyond the insult or caricature which the epithet “blonde” can imply, this essay turns it into a hermeneutic tool and explores the connotations of Ismene’s “blondness” (a normed femininity, a relative and relational femininity, and a sensual femininity) as well as the ways in which Vekemans’ rewriting recaptures this feminine imaginary, while simultaneously inflecting it.
Pour une littérature du care, 2022
V&R unipress eBooks, Aug 8, 2022
TRANS-, 2021
Dans l’optique de donner un aperçu de la recherche actuelle en littérature comparée à l'UNIGE, le... more Dans l’optique de donner un aperçu de la recherche actuelle en littérature comparée à l'UNIGE, le dossier « Université invitée : Genève » rassemble les travaux de doctorant·e·s et post-doctorant·e·s de plusieurs départements de la Faculté des Lettres. Dans la juste lignée des pratiques comparatistes genevoises, les contributions présentées sont menées en plusieurs langues et souvent entre les langues, et s’inscrivent dans une réflexion méthodologique sur les croisements des matériaux et des traditions critiques, tout en s’interrogeant sur la finalité même de tels croisements.

Narren, Götter und Barbaren. Ästhetische Paradigmen und Figuren der Alterität in komparatistischer Perspektive, 2020
Cette contribution propose de reconsidérer la dimension tragique de la nouvelle « Les fiançailles... more Cette contribution propose de reconsidérer la dimension tragique de la nouvelle « Les fiançailles à Saint-Domingue » de Heinrich von Kleist, interprétée jusqu'à présent exclusivement du point de vue du personnage de Gustave. Elle invite à se focaliser sur Toni en tant que protagoniste tragique en recourant de manière critique au concept de « tragic mulatto », qui décrit un stéréotype littéraire de la littérature américaine des 19e et 20e siècles. Ce concept permet de mettre en lumière l'imbrication des préjugés racistes et sexistes dans le regard posé sur Toni, ainsi que les conséquences tragiques de la convergence de ces préjugés. A l'intersection de ces deux formes de discrimination, la mulâtresse n'apparaît pas seulement comme doublement victime, mais aussi comme un sujet tragique à part entière.

Martin Bodmer, De la littérature mondiale, J. David & C. Neeser Hever (éd.), Paris, Ithaque, 2018
Durant près de cinquante ans, entre les années 1920 et 1970, Martin Bodmer a accompagné la consti... more Durant près de cinquante ans, entre les années 1920 et 1970, Martin Bodmer a accompagné la constitution de sa prestigieuse collection d'une réflexion intense et ininterrompue sur la littérature mondiale. En plus des ouvrages publiés de son vivant en allemand, et de quelques articles parus dans des revues confidentielles, il existe des archives privées riches de milliers de pages manuscrites d'une valeur intellectuelle considérable.
Cette anthologie présente pour la première fois, traduites en français, les pages les plus significatives de ce fonds méconnu. Bodmer a fait de sa collection une "bibliothèque de la littérature mondiale". A lire les textes réunis ici, on mesure l'importance qu'il accordait à cette idée. Dans le sillage de Goethe, la "Weltliteratur" engageait pour lui davantage qu'un geste patrimonial : une meilleure connaissance de l'humanité, un rempart contre la barbarie nazie, l'espoir d'un nouvel avenir pour l'Europe.
Communications by Cécile Neeser Hever

Premiers rôles aux animaux autres qu'humains dans les fictions. Agentivité, expérience, point de vue, 2024
Le Couple (Dos Porfolk, 1909), nouvelle de l’écrivain yiddish Sholem-Aleykhem (1859-1916), racont... more Le Couple (Dos Porfolk, 1909), nouvelle de l’écrivain yiddish Sholem-Aleykhem (1859-1916), raconte la vente, le gavage et enfin l’abattage de deux dindes destinées à être consommées lors du repas de la Pâque juive. Par le biais d’un anthropomorphisme « fort » (à aucun moment du texte les dindes ne sont explicitement désignées comme telles, à tel point que le/la lecteur/trice croit avoir affaire à des humains), la nouvelle suscite une identification croissante avec ces deux « innocentes créatures de Dieu », qui culmine dans la représentation de leur « assassinat ». Celui-ci apparaît comme un comble de cruauté jusqu’au moment où le lecteur y reconnaît brusquement l’abattage de volailles. Le recours à la personnification fait donc apparaître le sacrifice dans toute son inhumanité et son abandon expose quant à lui le caractère biaisé ou sélectif de l’empathie.
Destiné à un lectorat juif pour lequel pogromes et persécutions sont des préoccupations quotidiennes, ce conte de l’Empire tsariste du début du XXe s. semble à première vue joindre l’allégorie à l’anthropomorphisme et faire de la violence sacrificielle envers des animaux autres qu’humains la métaphore d’une violence d’État envers l’humain. Pourtant un « mot de l’écrivain » récuse la lecture allégorique en « suppli[ant] le lecteur de n’y chercher aucune allégorie». Au-delà d’un emploi unidirectionnel de l’allégorie, la nouvelle incite donc, en son sein-même, à une réflexion sur la légibilité de la violence, sur l’identification des victimes comme telles et sur les mécanismes d’identification et d’empathie d’un groupe avec un autre.
Par une lecture rapprochée, ma contribution propose de montrer le fonctionnement de cette figure à double tranchant et au référent réversible qu’est l’allégorie lorsqu’elle rapproche l’animal autre qu’humain de son lectorat humain.
« Le personnage secondaire dans la littérature contemporaine ».
Journée d'études, Maison de la l... more « Le personnage secondaire dans la littérature contemporaine ».
Journée d'études, Maison de la littérature, Québec, le 11 juin 2024 Organisée par Andrée Mercier (U. Laval) et Robert Dion (UQAM)
55th Annual NeMLA Convention, Panel Re-Engaging with the Old Myths: Contemporary Literature, Wome... more 55th Annual NeMLA Convention, Panel Re-Engaging with the Old Myths: Contemporary Literature, Women, and Classics. Boston, 7-10 mars 2024
Journée d’études « Not all mythes ? » À l’occasion de la parution du « Brouillon pour une encyclo... more Journée d’études « Not all mythes ? » À l’occasion de la parution du « Brouillon pour une encyclopédie féministe des mythes » (Berthier & al (dir.), Paris, Éditions iXe, 2023). Espace Mains d’Œuvres, Saint-Ouen, Paris, 10 juin 2023.
CLASTEA V. Congrès international sur la réception des modèles antiques dans le théâtre ibérique, ibéro-américain et francophone. Identités : représentations, constructions et déconstructions
Les personnages « féminins » dans les réécritures féministes : Dramaturgie, esthétique et politique des classiques à la scène. Journée d'études des doctorantes du Laboratoire LLA-CRÉATIS
Les personnages « féminins » dans les réécritures féministes : Dramaturgie, esthétique et politiq... more Les personnages « féminins » dans les réécritures féministes : Dramaturgie, esthétique et politique des classiques à la scène JOURNÉE D'ÉTUDE des doctorantes du Laboratoire LLA-CRÉATIS
Caring lit' / Pour une littérature du care
Colloque international organisé par Alexandre Gefen, Sandra Laugier et Andrea Oberhuber.
Paris 25... more Colloque international organisé par Alexandre Gefen, Sandra Laugier et Andrea Oberhuber.
Paris 25-27 octobre 2021
Mythos und Postmoderne - Mythostransformation & mythische Frauen in zeitgenössischen Texten Conference Programme
Enseignement by Cécile Neeser Hever

Ce séminaire s’interrogera sur le geste de la réécriture, en particulier la réécriture contempora... more Ce séminaire s’interrogera sur le geste de la réécriture, en particulier la réécriture contemporaine des « grands » textes de la littérature occidentale. Depuis la fin des années 1960, et sous l’impulsion des mouvements féministes et post-coloniaux, on observe de nombreuses réécritures littéraires des « grands récits », considérés comme appartenant à une tradition imposante, voire oppressive. Font l’objet de ces « révisions » : la mythologie grecque – de Kassandra de Christa Wolf (1983) à The Song of Achilles de Madeline
Miller (2011) en passant par The Penelopiad de Margaret Atwood (2005) ; les drames shakespeariens – on pensera par exemple à Une tempête, de l’écrivain martiniquais Aimé Césaire (1969), réécriture anti-colonialiste de The Tempest de Shakespeare ; ou encore des textes plus récents devenus des classiques de la littérature mondiale, comme L’Étranger de Camus, réécrit du point de vue du frère de l’Arabe tué par Meursault (Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud, 2013) ou Lolita de Vladimir Nabokov, réécrit du point de vue de Lolita (Diario di Lo de Pia Pera, 1995).

L'écriture académique est rarement enseignée de façon explicite dans l'espace francophone. Elle s... more L'écriture académique est rarement enseignée de façon explicite dans l'espace francophone. Elle semble y fournir au mythe du génie l'un de ses derniers refuges en ce qu'elle apparaît comme une faculté innée dont seul-es quelques élu-es seraient pourvu-es. Il s'agit pourtant d'une praNque, et comme toute praNque, elle s'apprend, s'exerce et se perfecNonne. Comme toute praNque, elle peut aussi se théoriser et s'enseigner. Ce séminaire s'arNculera en deux pans. Le pan théorique visera avant tout à démysNfier le processus d'écriture. La lecture de classiques du genre, comme Bird by Bird d'Anne Lamo< (1994) ou The Clockwork Muse d'Eviatar Zerubavel (1999), perme<ra d'aborder les différentes étapes du processus d'écriture, l'importance d'une praNque régulière, mais aussi les divers blocages psychologiques (comme le fameux « syndrome de la page blanche ») qui peuvent s'immiscer dans un processus d'écriture au long cours. Nous évoquerons aussi les normes du style académique et les a<entes qui pèsent sur un travail de séminaire ou un mémoire, ainsi que des éléments a priori plus prosaïques, mais cruciaux, comme le temps dédié à l'écriture, l'espace de travail, etc. Le pan praNque consistera en des exercices de planificaNon, d'écriture et de réécriture, de révision de travaux antérieurs apportés par les étudiant-es, et en la mise en place de binômes de relecture, afin de faire l'expérience des bienfaits que procure un regard de pair bienveillant. Ce séminaire s'adresse aux étudiant-es de master pour lesquel-les la perspecNve du mémoire se rapproche (ou est une réalité), mais aussi aux étudiant-es avancé-es de bachelor que ces quesNons intéressent. Il également ouvert aux étudiant-e-s d'autres disciplines. Toutes les lectures au programme seront disponibles sur un dossier moodle.

Me 16-18, B104 32L1087 Le succès de The Handmaid's Tale (La Servante écarlate) de Margaret Atwood... more Me 16-18, B104 32L1087 Le succès de The Handmaid's Tale (La Servante écarlate) de Margaret Atwood (1985), ravivé depuis son adaptaNon en série télévisée en 2017, a donné le coup d'envoi d'une proliféraNon de romans dystopiques d'inspiraNon féministe. Pour n'en nommer que quelques uns : The Power de Naomi Alderman (2016), Red Clocks de Leni Zumas (2018) et Future Home of the Living God de Louise Erdrich (2020)... En imaginant des mondes où les droits et les libertés des femmes sont asphyxiés par des systèmes oppressifs ou totalitaires, dans une exacerbaNon plus ou moins extrême de tendances actuelles, ces romans rejoignent des quesNons très contemporaines quant au droit à disposer de son corps et à l'auto-déterminaNon. A mesure que le genre de la dystopie s'est imposé, il a éclipsé un autre grand genre de la li<érature féministe jusque dans les années 1980 : l'utopie. En revenant sur les grandes utopies féministes du XXe siècle, comme Herland de Charlo<e Perkins Gilman (1915), The Le@ Hand of Darkness d'Ursula K. Le Guin (1969), mais aussi, côté francophone, Les Guérillères de Monique Wiog (1969) et L'Euguélionne de Louky Bersianik (1976), nous nous interrogerons sur les raisons de ce tournant, très contemporain, de l'utopie à la dystopie. Comment expliquer la popularité de ce genre et l'abandon de l'utopie, à l'heure d'une recrudescence de la conscience féministe ? Tout en étudiant les rapports génériques entre utopie et dystopie, mais aussi les cas où ces deux genres s'entremêlent, nous serons amené-e-s à nous interroger sur les liens entre li<érature et engagement poliNque ou sociétal. Tous les textes au programme seront disponibles en version numérique sur moodle. Ce séminaire peut être suivi dans le cadre du BA2 et du BA7b de liOérature comparée, et dans le cadre du module libre en Etudes Genre (BA/MA). Voir modalités d'évaluaVon ci-dessous.
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Publications by Cécile Neeser Hever
Si Jean Anouilh le premier, en l’imaginant « blonde », « belle » et « heureuse », inscrit
la blondeur d’Ismène dans le texte de son Antigone (1946), cette blondeur est un
topos à l’histoire longue. Au moins depuis le XIX siècle, les représentations
picturales des deux filles d’Œdipe ont tendance à opposer une Ismène blonde et
sensuelle à une Antigone brune et austère. En cela, elles ne font que reporter au
plan visuel une dichotomie qui informe déjà l’hypotexte sophocléen. Si Sophocle ne
précise aucunement la couleur de cheveux des filles d’Œdipe, la féminité docile et
conventionnelle d’Ismène constitue un modèle de normalité qui sert de toile de
fond à l’héroïsme transgressif d’Antigone. Comme Chrysothémis (dont le nom
signifie « la dorée »), et pour sa féminité autant que pour son effacement, Ismène
peut être envisagée comme une « blonde » du corpus tragique (Steiner, 1984). Si
légère et anachronique qu’elle puisse paraître, cette métaphore qui mêle la
féminité la plus stéréotypée et l’effacement est remarquablement apte à décrire le
type de féminité incarnée par l’Ismène de Sophocle.
Les diverses réécritures de l’« Antigone » qui, au cours des dernières décennies, se sont
emparées du personnage d’Ismène, sont toutes confrontées, à des degrés variés, à
cette féminité stéréotypée et minorisée, qu’elles déconstruisent, subvertissent ou
encore réinvestissent positivement. Cette contribution propose l’analyse d’un
exemple récent de la revalorisation littéraire d’Ismène, un monologue de la
dramaturge néerlandaise Lot Vekemans intitulé « Sœur de »(2005). En cherchant à
nous porter au-delà de l’insulte ou de la caricature que l’épithète de blonde peut
induire, il s’agira d’en faire un outil herméneutique et, en déployant les
connotations de la « blondeur » d’Ismène (féminité normée, féminité relative et
relationnelle, féminité sensuelle), d’explorer la façon dont la réécriture de
Vekemans reconduit, tout en l’infléchissant, cet imaginaire féminin.
[English]
While Jean Anouilh’s rewriting of Sophocles’ Antigone marks the first time the heroine’s sister is explicitly depicted as “blond“ (Anouilh, 1946), the topos of Ismene’s blondness has a longer history. From the 19th century on, pictorial representations of Œdipus’ daughters have had a tendency to oppose a blonde and sensual Ismene to a brown-haired and stern Antigone. In doing so, they merely transpose into visual terms a dichotomy which already shapes the Sophoclean hypotext. In the gendered economy of Sophoclean tragedy, Ismene’s docile and conventional femininity constitutes a model of normality that sets the background against which Antigone’s tragic heroism stands out. Like Chrysothemis (whose name means “the golden one“), and for her femininity as much as for her self-effacement, Ismene can be considered as a “blonde” of the tragic corpus (Steiner, 1984). As tactless and anachronistic as it may appear, this metaphor which combines the most stereotypical femininity with flatness and self-effacement, is, in fact, remarkably suited to describe the type of femininity embodied by Sophocles’ Ismene.
The various rewritings of the “Antigone“ that have explored the character of Ismene over the last decades are all faced, to a varying degree, with this stereotyped and minoritized femininity, which they deconstruct, subvert or positively reinvest. This contribution offers an analysis of a recent example of the literary revaluation of Ismene, “Sister of“, a monologue by Dutch playwright Lot Vekemans (2005). Attempting to move beyond the insult or caricature which the epithet “blonde” can imply, this essay turns it into a hermeneutic tool and explores the connotations of Ismene’s “blondness” (a normed femininity, a relative and relational femininity, and a sensual femininity) as well as the ways in which Vekemans’ rewriting recaptures this feminine imaginary, while simultaneously inflecting it.
Cette anthologie présente pour la première fois, traduites en français, les pages les plus significatives de ce fonds méconnu. Bodmer a fait de sa collection une "bibliothèque de la littérature mondiale". A lire les textes réunis ici, on mesure l'importance qu'il accordait à cette idée. Dans le sillage de Goethe, la "Weltliteratur" engageait pour lui davantage qu'un geste patrimonial : une meilleure connaissance de l'humanité, un rempart contre la barbarie nazie, l'espoir d'un nouvel avenir pour l'Europe.
Communications by Cécile Neeser Hever
Destiné à un lectorat juif pour lequel pogromes et persécutions sont des préoccupations quotidiennes, ce conte de l’Empire tsariste du début du XXe s. semble à première vue joindre l’allégorie à l’anthropomorphisme et faire de la violence sacrificielle envers des animaux autres qu’humains la métaphore d’une violence d’État envers l’humain. Pourtant un « mot de l’écrivain » récuse la lecture allégorique en « suppli[ant] le lecteur de n’y chercher aucune allégorie». Au-delà d’un emploi unidirectionnel de l’allégorie, la nouvelle incite donc, en son sein-même, à une réflexion sur la légibilité de la violence, sur l’identification des victimes comme telles et sur les mécanismes d’identification et d’empathie d’un groupe avec un autre.
Par une lecture rapprochée, ma contribution propose de montrer le fonctionnement de cette figure à double tranchant et au référent réversible qu’est l’allégorie lorsqu’elle rapproche l’animal autre qu’humain de son lectorat humain.
Journée d'études, Maison de la littérature, Québec, le 11 juin 2024 Organisée par Andrée Mercier (U. Laval) et Robert Dion (UQAM)
Paris 25-27 octobre 2021
Enseignement by Cécile Neeser Hever
Miller (2011) en passant par The Penelopiad de Margaret Atwood (2005) ; les drames shakespeariens – on pensera par exemple à Une tempête, de l’écrivain martiniquais Aimé Césaire (1969), réécriture anti-colonialiste de The Tempest de Shakespeare ; ou encore des textes plus récents devenus des classiques de la littérature mondiale, comme L’Étranger de Camus, réécrit du point de vue du frère de l’Arabe tué par Meursault (Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud, 2013) ou Lolita de Vladimir Nabokov, réécrit du point de vue de Lolita (Diario di Lo de Pia Pera, 1995).
Si Jean Anouilh le premier, en l’imaginant « blonde », « belle » et « heureuse », inscrit
la blondeur d’Ismène dans le texte de son Antigone (1946), cette blondeur est un
topos à l’histoire longue. Au moins depuis le XIX siècle, les représentations
picturales des deux filles d’Œdipe ont tendance à opposer une Ismène blonde et
sensuelle à une Antigone brune et austère. En cela, elles ne font que reporter au
plan visuel une dichotomie qui informe déjà l’hypotexte sophocléen. Si Sophocle ne
précise aucunement la couleur de cheveux des filles d’Œdipe, la féminité docile et
conventionnelle d’Ismène constitue un modèle de normalité qui sert de toile de
fond à l’héroïsme transgressif d’Antigone. Comme Chrysothémis (dont le nom
signifie « la dorée »), et pour sa féminité autant que pour son effacement, Ismène
peut être envisagée comme une « blonde » du corpus tragique (Steiner, 1984). Si
légère et anachronique qu’elle puisse paraître, cette métaphore qui mêle la
féminité la plus stéréotypée et l’effacement est remarquablement apte à décrire le
type de féminité incarnée par l’Ismène de Sophocle.
Les diverses réécritures de l’« Antigone » qui, au cours des dernières décennies, se sont
emparées du personnage d’Ismène, sont toutes confrontées, à des degrés variés, à
cette féminité stéréotypée et minorisée, qu’elles déconstruisent, subvertissent ou
encore réinvestissent positivement. Cette contribution propose l’analyse d’un
exemple récent de la revalorisation littéraire d’Ismène, un monologue de la
dramaturge néerlandaise Lot Vekemans intitulé « Sœur de »(2005). En cherchant à
nous porter au-delà de l’insulte ou de la caricature que l’épithète de blonde peut
induire, il s’agira d’en faire un outil herméneutique et, en déployant les
connotations de la « blondeur » d’Ismène (féminité normée, féminité relative et
relationnelle, féminité sensuelle), d’explorer la façon dont la réécriture de
Vekemans reconduit, tout en l’infléchissant, cet imaginaire féminin.
[English]
While Jean Anouilh’s rewriting of Sophocles’ Antigone marks the first time the heroine’s sister is explicitly depicted as “blond“ (Anouilh, 1946), the topos of Ismene’s blondness has a longer history. From the 19th century on, pictorial representations of Œdipus’ daughters have had a tendency to oppose a blonde and sensual Ismene to a brown-haired and stern Antigone. In doing so, they merely transpose into visual terms a dichotomy which already shapes the Sophoclean hypotext. In the gendered economy of Sophoclean tragedy, Ismene’s docile and conventional femininity constitutes a model of normality that sets the background against which Antigone’s tragic heroism stands out. Like Chrysothemis (whose name means “the golden one“), and for her femininity as much as for her self-effacement, Ismene can be considered as a “blonde” of the tragic corpus (Steiner, 1984). As tactless and anachronistic as it may appear, this metaphor which combines the most stereotypical femininity with flatness and self-effacement, is, in fact, remarkably suited to describe the type of femininity embodied by Sophocles’ Ismene.
The various rewritings of the “Antigone“ that have explored the character of Ismene over the last decades are all faced, to a varying degree, with this stereotyped and minoritized femininity, which they deconstruct, subvert or positively reinvest. This contribution offers an analysis of a recent example of the literary revaluation of Ismene, “Sister of“, a monologue by Dutch playwright Lot Vekemans (2005). Attempting to move beyond the insult or caricature which the epithet “blonde” can imply, this essay turns it into a hermeneutic tool and explores the connotations of Ismene’s “blondness” (a normed femininity, a relative and relational femininity, and a sensual femininity) as well as the ways in which Vekemans’ rewriting recaptures this feminine imaginary, while simultaneously inflecting it.
Cette anthologie présente pour la première fois, traduites en français, les pages les plus significatives de ce fonds méconnu. Bodmer a fait de sa collection une "bibliothèque de la littérature mondiale". A lire les textes réunis ici, on mesure l'importance qu'il accordait à cette idée. Dans le sillage de Goethe, la "Weltliteratur" engageait pour lui davantage qu'un geste patrimonial : une meilleure connaissance de l'humanité, un rempart contre la barbarie nazie, l'espoir d'un nouvel avenir pour l'Europe.
Destiné à un lectorat juif pour lequel pogromes et persécutions sont des préoccupations quotidiennes, ce conte de l’Empire tsariste du début du XXe s. semble à première vue joindre l’allégorie à l’anthropomorphisme et faire de la violence sacrificielle envers des animaux autres qu’humains la métaphore d’une violence d’État envers l’humain. Pourtant un « mot de l’écrivain » récuse la lecture allégorique en « suppli[ant] le lecteur de n’y chercher aucune allégorie». Au-delà d’un emploi unidirectionnel de l’allégorie, la nouvelle incite donc, en son sein-même, à une réflexion sur la légibilité de la violence, sur l’identification des victimes comme telles et sur les mécanismes d’identification et d’empathie d’un groupe avec un autre.
Par une lecture rapprochée, ma contribution propose de montrer le fonctionnement de cette figure à double tranchant et au référent réversible qu’est l’allégorie lorsqu’elle rapproche l’animal autre qu’humain de son lectorat humain.
Journée d'études, Maison de la littérature, Québec, le 11 juin 2024 Organisée par Andrée Mercier (U. Laval) et Robert Dion (UQAM)
Paris 25-27 octobre 2021
Miller (2011) en passant par The Penelopiad de Margaret Atwood (2005) ; les drames shakespeariens – on pensera par exemple à Une tempête, de l’écrivain martiniquais Aimé Césaire (1969), réécriture anti-colonialiste de The Tempest de Shakespeare ; ou encore des textes plus récents devenus des classiques de la littérature mondiale, comme L’Étranger de Camus, réécrit du point de vue du frère de l’Arabe tué par Meursault (Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud, 2013) ou Lolita de Vladimir Nabokov, réécrit du point de vue de Lolita (Diario di Lo de Pia Pera, 1995).
Dans ce séminaire, nous nous interrogerons sur la portée de ce concept, pour la lecture de Kafka, mais aussi d’autres auteurs du XXe siècle (Albert Cohen, Agota Kristof) et sur ses implications théoriques. Ce faisant, nous serons amené-e-s à réfléchir aux rapports qu’entretient une littérature mineure avec la littérature mondiale, avec les « grandes » littératures, mais aussi à la question de l’universalité de la littérature, de ses liens avec la nation, de sa dimension politique et de la façon dont s’y articulent l’individu et le collectif.
Après un tour d'horizon des textes les plus marquants de la pensée du « care », nous verrons ensemble comment cette théorie psychologique, politique, sociologique, puise aussi dans un corpus littéraire, avant d’inverser la focale : qu’impliquerait le fait de lire les œuvres littéraires par le prisme du « care » ? Est-il « thème » littéraire, « point de vue » ? Peut-on découvrir dans les textes une « poétique » du « care » et, si oui, à quoi ressemble-t-elle ? Ce séminaire se veut donc à la fois réflexion théorique et tentative pratique, voire expérimentale, d'un regard différent sur les textes.
Veuve d’un père dont elle porte le deuil interminable, en proie à une hostilité dévorante envers sa mère, Électre devient un objet privilégié de la psychanalyse post-freudienne. Après lecture des trois classiques, nous interrogerons les partis partis genrés de ce « second choix », après Œdipe, de la psychanalyse. Enfin, la littérature moderne et contemporaine se fait lecture de lectures, appropriation d’appropriations, et tantôt s’inspire de l’interprétation psychanalytique (Eugene O’Neill, Jean Giraudoux, Sylvia Plath), tantôt s’efforce de la dépasser (Marguerite Yourcenar, Yánnis Rítsos). Il s’agira d’observer comment la littérature s’abreuve, d’une part aux profondeurs du mythe – dont une réflexion théorique préliminaire tentera de préciser la nature – de l’autre à la psychanalyse, envisagée à la fois comme interprétation et source de créations nouvelles.
La différence sexuelle est au cœur des "Antigones" depuis Sophocle – c’est bien contre une autorité à la fois politique, familiale et de genre que s’élève l’héroïne – mais aussi de toute interprétation, depuis Hegel et jusqu’aux théoricien-ne-s féministes contemporain-e-s. Mais la féminité d’Antigone est aussi absolue que problématique. C’est en tant que femme qu’elle réclame, face à l’Etat, le droit de rendre à un frère les derniers hommages, mais son acte de rébellion peut à de nombreux égards être considéré comme viril. En faisant le choix de mourir vierge, elle est aussi celle qui, selon l’expression de Luce Irigaray, n’est "jamais devenue femme". Quel est, dès lors, le genre de celle en qui Hegel avait vu "le féminin ontologique" (Steiner) ?
Après un retour à Sophocle, nous passerons en revue quelques-unes des grandes interprétations (Hegel, Steiner, Luce Irigaray, Judith Butler) sous l’angle de la place qu’elles font au genre et nous pencherons sur plusieurs réécritures du XXe siècle (Jean Anouilh, Yánnis Rítsos, Henry Bauchau...) afin d’interroger la "charge" genrée des thèmes centraux des "Antigones" – pouvoir, piété familiale, courage, sacrifice, souveraineté – et le type de féminité, mais aussi de subjectivité, qui s’y exprime.
Ce séminaire sera l’occasion de faire dialoguer littérature et théorie et de (re)lire un classique à l’aune d’un discours critique en renouvellement permanent.
Il ne s’agira ni d’étudier les représentations antisémites dont la littérature européenne est pourtant riche, ni encore moins de lire des auteurs antisémites, mais de se tourner vers la « mise en littérature » de l’expérience de l’antisémitisme, de l’insulte faite à un petit garçon (Albert Cohen) aux pogromes les plus atroces (H.-N. Bialik). Nous observerons les différents modes de figuration de ces expériences, qui vont de l’allusion et du non-dit à un réalisme d’une violence parfois insoutenable. Hantés par la question « pourquoi ? », ces textes posent plus généralement celle de l’identité et interrogent le rapport à la nation et à la modernité d’une part, à la tradition de l’autre. Au fil d’analyses textuelles et stylistiques détaillées, les figures du ressassement, de l’imprécation et de la violence verbale, mais aussi de l’ironie et de l’auto-dérision apparaîtront comme des moyens proprement littéraires de faire face à ces expériences et aux traumatismes qu’elles occasionnent.
Après une mise au point théorique et définitionnelle, nous aborderons les textes d’auteurs canoniques de la littérature européenne des XIXe et XXe siècles (Shakespeare, Heinrich Heine, Albert Cohen), mais aussi des littératures yiddish et hébraïque, comme Sholem Aleykhem (1859-1916) ou Haïm-Nahman Bialik (1873-1934).
5-6 décembre 2024, Centre International de Conférences de Sorbonne Université, salle 109 (4 place Jussieu 75005 Paris)
Evénement organisé par Marthe Garzon (ENS Paris), Cassandre Martigny (ENS Lyon / CRLC), Cécile Neeser Hever (Université de Genève)
Membres du comité scientifique : Ezra Baudou (University of Lincoln), Claire Lechevalier (Université de Caen-Normandie), Elodie Paillard (The University of Sydney / HEP Lausanne), Muriel Plana (Université Toulouse-Jean-Jaurès), Marie Saint Martin (Paris Sorbonne Nouvelle), Lucie Thévenet (Université de Nantes)
Longtemps laissés dans l’ombre de protagonistes le plus souvent éponymes, les personnages secondaires du théâtre grec antique font, depuis la fin des années 1960 et sous l’impulsion des théories postcoloniales, féministes, queers, intersectionnelles, l’objet d’un intérêt croissant, tant dans la réception littéraire que dans les études critiques. Ce colloque se propose d’étudier ces phénomènes contemporains, mais aussi d’observer comment, depuis l’Antiquité, les réélaborations littéraires et discours critiques qui se sont intéressés aux personnages secondaires invitent à relire et à réinterpréter les pièces dont ils s’inspirent.