Ancienne élève de l’ENS-Lyon, agrégée de Lettres modernes et docteure en littérature française, Mathilde Roussigné est postdoctorante FNRS à l'Université de Liège.
Ses recherches portent en particulier sur les notions de terrain, d'enquête et d'intervention en littérature contemporaine, les rapports entre politique et littérature et l'institutionnalisation des résidences et ateliers d'écriture. À la croisée du féminisme et du marxisme, elle travaille désormais sur les enjeux du travail et de la production artistique.
Elle est également à l'origine du projet Faire avec l'exil consacré aux exilés politiques uruguayens en Europe francophone : http://faireaveclexil.fr/?page_id=2
Elle effectue enfin un projet de recherche-action sur les pratiques de cercles de danses mandingues et leurs circulations transnationales, avec le soutien du Centre National de la Danse.
Ses recherches portent en particulier sur les notions de terrain, d'enquête et d'intervention en littérature contemporaine, les rapports entre politique et littérature et l'institutionnalisation des résidences et ateliers d'écriture. À la croisée du féminisme et du marxisme, elle travaille désormais sur les enjeux du travail et de la production artistique.
Elle est également à l'origine du projet Faire avec l'exil consacré aux exilés politiques uruguayens en Europe francophone : http://faireaveclexil.fr/?page_id=2
Elle effectue enfin un projet de recherche-action sur les pratiques de cercles de danses mandingues et leurs circulations transnationales, avec le soutien du Centre National de la Danse.
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Books by Mathilde Roussigne
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Papers by Mathilde Roussigne
Nul doute, les études littéraires marquent un intérêt croissant pour la question des liens entre littérature et terrainconsidérant la vaste polysémie que ces deux notions impliquent. Pour autant, ce phénomène universitaire s'accompagne rarement d'une analyse réflexive, donnant ainsi raison à Vincent Debaene qui déplore une « recherche en littérature souvent trop peu préoccupée de ses propres fondements, de la constitution de son objet, de son inscription sociale et de ses fins (les fins ne se confondant pas toujours avec les buts, ni les buts avec les motivations) 1 ». Les sciences humaines et sociales ont fait de la réflexivité une compétence incontournable pour le chercheur, et esquisser une auto-analyse 2 constitue l'un des passages obligés de tous les travaux de recherche au long cours, « l'objectivation du rapport subjectif à l'objet » étant, ainsi que l'a soutenu Bourdieu, « l'une des conditions de l'objectivité scientifique 3 ». Il ne s'agira pas ici d'élaborer une auto-socio-analyse en tant que telle ; pour autant, en dépliant un certain nombres d'enjeux disciplinaires propres aux études littéraires, on comprendra comment ils déterminent en grande partie les objets que la recherche identifie et la manière dont elle les caractérise. La multiplication des travaux littéraires recourant à la notion de terrain doit ainsi être réinscrite dans le cadre plus large d'un renouvellement d'objets et d'approches dans les études littéraires dont les causes restent souvent impensées. On tâchera ici de déconstruire, ou du moins de contextualiser l'émergence et la récurrence de quelques discours de la discipline littéraire : littérature transitive, dialogue interdisciplinaire avec les sciences humaines, fait et communication littéraires, se présentant comme de nouveaux objets d'études, sont autant de symptômes d'une redéfinition des partages disciplinaires.
La ronde, récit audio-balade élaboré en 2016 dans le cadre d’une commande du Grand Paris, permet d’analyser la contradiction entre adhésion et distanciation à l’éclairage des ambiguïtés et du jeu des positions d’une écrivaine à l’épreuve de la concertation citoyenne et de l’aménagement du territoire. La modalité immersive de la balade-lecture, constamment sapée par un travail de distanciation ironique et critique, constitue paradoxalement un outil privilégié pour une contestation sur le mode mineur des projets d’aménagement urbain. L’article déplie le faisceau d’ambiguïtés d’une telle œuvre qui tâche à la fois de jouer et de ne pas jouer le jeu de la concertation.
in Magali Nachtergael et Anne Reverseau (dir.), Un monde en cartes postales. Cultures en circulation, Le Mot et le Reste, Novembre 2022
Avec Michèle Fontaine.
Le festival mille lectures d’hiver et les archives générées par le dispositif fournissent un terrain d’observation privilégié des émotions littéraires, de la multiplicité de leurs formes, de leurs temporalités et de leurs acteurs, mais aussi de l’amplitude de leur champ sémantique et de la difficulté à les saisir et à les décrire. L’article prend la forme d’un entretien avec Michèle Fontaine, responsable du projet (2006-2022), d’une excursion dans les archives, puis il fournit des pistes méthodologiques pour une analyse appliquée des traces archivistiques des émotions littéraires.
À la croisée de la réflexion politique et esthétique, l’article analyse l’avènement de l’homo ritualis à la zad de Notre-Dame-des-Landes comme un double dépassement des figures de l’homo magicus et de l’homo ludens. Il montre ce qui distingue le matérialisme de l’enchantement à la zad de la magie romantique mais aussi de l’activisme artistique situationniste. L’inflation de la modalité rituelle, en matière d’articulation du symbolique et des pratiques politiques, repose une territorialisation spécifique des formes et des luttes. Le rituel constitue la forme contemporaine territorialisée de réunion de l’art et de la vie, et il impulse un renouveau dans le rapport entre les pratiques artistiques et le sacré qui oscille entre jeu et sérieux.
Si étymologiquement l’économie est la « règle » (nomos) de la « maison » (oikos) – la gestion du foyer –, la question du travail domestique a pourtant longtemps été placée en dehors des frontières de la discipline. Depuis les années 1970, des travaux en économie et sociologie ont ouvert le débat. Fruit d’une collaboration interdisciplinaire entre une économiste et une littéraire, cet article propose d’outiller les questionnements de la discipline économique à partir de l’analyse de textes littéraires contemporains qui fournissent des réponses singulières aux problèmes de la visibilité, de la mesure et de l’évaluation de l’économie domestique. Il s’appuie sur l’analyse des œuvres de Annie Ernaux (La Femme gelée, 1981), Noëlle Revaz (Rapport aux bêtes, 2002), Sophie Divry (La Condition pavillonnaire, 2014).
Qu'il collecte les matériaux de son futur ouvrage ou propose un atelier d'écriture dans le cadre d'une résidence, qu'il hérite des savoir-faire de son second métier de journalisme ou qu'il s'essaie à de nouvelles formes littéraires entre enquête et document, l'écrivain contemporain se présente fréquemment comme un écrivain de terrain. Cet article a pour objectif de fonder un état des lieux affiné du terrain des écrivains contemporains à partir de l’analyse précise de trois objets en apparence évidents, qui sont autant de symptômes des grandes évolutions qu’a connues le terrain conçu comme activité littéraire contemporaine. Une enquête sur l’usage du mot « terrain » dans le discours des écrivains contemporains, l’attribution du prix Nobel à l’écrivaine Svetlana Alexievitch en 2015 et la sortie du film L’Atelier de Laurent Cantet en 2017 constituent les trois objets à l’épreuve desquels il s’agira d’examiner les représentations, la consécration et l’institutionnalisation du terrain des écrivains contemporains.
communication, 2021.
L’article déplie la notion de commande (sous la forme d’un éventail typologique) et la question de son
articulation précise à la diversité des attentes institutionnelles dans le cadre des résidences d’écrivains
contemporaines. Sont analysés les imaginaires auctoriaux du « compagnon de route », du « médiateur » et de
l’écrivain « associé » et les contreparties qui leur sont associées en matière de production littéraire.
De 2008 à aujourd’hui, l’occupation de la zad (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes s’est accompagnée d’une considérable production textuelle aux formes, aux modalités de publication et aux fonctions fortement hétérogènes. Mais parce qu’elles s’inscrivent toujours dans des situations conflictuelles, ces productions sont à envisager comme des littératures offensives. L’article a vocation à dresser une cartographie problématisée de ces multiples productions et propose un parcours autour de cinq modalités selon lesquelles ces productions sont envisagées comme des ressources pour les luttes : contredire, documenter, fronder, devenir complices du lieu et construire des situations sont autant d’offensives littéraires qu’il s’agit d’analyser.
L’institutionnalisation massive des résidences d’écrivains en France depuis les années 1990 a généré un ensemble de productions littéraires qui échappent bien souvent à l’analyse littéraire. Fondé sur l’étude de multiples productions résidentielles (blogs, journaux de résidences, ouvrages collectifs, littérature exposée…), l’article identifie les spécificités poétiques de la « matrice résidentielle ». Pour le dire autrement, il propose d’articuler les déterminations contextuelles à des caractéristiques formelles communes à l’ensemble de cette littérature résidentielle. Processus et périodicité, ancrage local de la production et de la circulation, sphères locales de publication ou encore imaginaire participatif sont autant de traits communs qui permettent d’appréhender les spécificités contextuelles et de là formelles de cette production hétérogène.
L’article montre comment les pratiques et les savoirs qu’élaborent les littératures de terrain sont en dialogue permanent avec les évolutions épistémologiques de leur temps. Il réinscrit avant tout l'opération de terrain dans la longue histoire des pratiques de savoir-pouvoir dont Foucault a amplement retracé la généalogie, afin de comprendre comment la littérature contemporaine hérite et renégocie ce premier héritage du terrain comme opération disciplinaire. Prenant tour à tour les formes de l'enquête, de l'élucidation et de l'examen, l’opération de terrain confronte les écrivains à la figure du policier – dans les textes de Jean Rolin, d'Arno Bertina, de Sylvain Pattieu et de Sylvain Prudhomme notamment. Mais c'est également face la figure du visiteur du pauvre, précurseur de l'opération d'élucidation du social par le terrain, que la littérature doit se positionner - ainsi les visites de l'habitat insalubre parisien menées par Joy Sorman. L’article resitue ensuite les opérations littéraires de terrain contemporaines dans un vaste champ de pratiques dont les enjeux ont été considérablement affinés depuis les années 1980. L’opération de terrain désigne bien souvent une expérience sensible, qui mobilise à la fois les sens et les sentiments, ainsi qu’une expérience relationnelle. Ainsi, dans Une île une forteresse de Hélène Gaudy, la “sensation de l'herbe” et le “sentiment de l'île” sont au fondement du processus de connaissance de terrain. D'autre part, “relation d'enquête”, “co-savoir”, engagement mutuel et co-construction, tels qu'ils ont pu être définis par le tournant du care dans les sciences de terrain, apparaissent chez Hélène Gaudy comme les maîtres mots d'un terrain littéraire tâchant de déjouer la charge disciplinaire des opérations d’enquête ou d’intervention.
Nous habitons ici et ça n'est pas peu dire », déclare en 2012 un collectif d' « habitants qui résistent » de la zone à défendre de Notre-dame-des-Landes. S'il est bien un terrain où la question de l'habiter est au cœur de tensions politiques, artistiques et existentielles, c'est bien la zad de Notre-Dame-des-Landes. On propose, dans une perspective littéraire, d'envisager les rapports polémiques, politiques et esthétiques qu'entretient la production littéraire de Notre-Dame-des-Landes au concept de l'habiter.
https://www.fabula.org/atelier.php?Realisme_et_materialisme
Nul doute, les études littéraires marquent un intérêt croissant pour la question des liens entre littérature et terrainconsidérant la vaste polysémie que ces deux notions impliquent. Pour autant, ce phénomène universitaire s'accompagne rarement d'une analyse réflexive, donnant ainsi raison à Vincent Debaene qui déplore une « recherche en littérature souvent trop peu préoccupée de ses propres fondements, de la constitution de son objet, de son inscription sociale et de ses fins (les fins ne se confondant pas toujours avec les buts, ni les buts avec les motivations) 1 ». Les sciences humaines et sociales ont fait de la réflexivité une compétence incontournable pour le chercheur, et esquisser une auto-analyse 2 constitue l'un des passages obligés de tous les travaux de recherche au long cours, « l'objectivation du rapport subjectif à l'objet » étant, ainsi que l'a soutenu Bourdieu, « l'une des conditions de l'objectivité scientifique 3 ». Il ne s'agira pas ici d'élaborer une auto-socio-analyse en tant que telle ; pour autant, en dépliant un certain nombres d'enjeux disciplinaires propres aux études littéraires, on comprendra comment ils déterminent en grande partie les objets que la recherche identifie et la manière dont elle les caractérise. La multiplication des travaux littéraires recourant à la notion de terrain doit ainsi être réinscrite dans le cadre plus large d'un renouvellement d'objets et d'approches dans les études littéraires dont les causes restent souvent impensées. On tâchera ici de déconstruire, ou du moins de contextualiser l'émergence et la récurrence de quelques discours de la discipline littéraire : littérature transitive, dialogue interdisciplinaire avec les sciences humaines, fait et communication littéraires, se présentant comme de nouveaux objets d'études, sont autant de symptômes d'une redéfinition des partages disciplinaires.
La ronde, récit audio-balade élaboré en 2016 dans le cadre d’une commande du Grand Paris, permet d’analyser la contradiction entre adhésion et distanciation à l’éclairage des ambiguïtés et du jeu des positions d’une écrivaine à l’épreuve de la concertation citoyenne et de l’aménagement du territoire. La modalité immersive de la balade-lecture, constamment sapée par un travail de distanciation ironique et critique, constitue paradoxalement un outil privilégié pour une contestation sur le mode mineur des projets d’aménagement urbain. L’article déplie le faisceau d’ambiguïtés d’une telle œuvre qui tâche à la fois de jouer et de ne pas jouer le jeu de la concertation.
in Magali Nachtergael et Anne Reverseau (dir.), Un monde en cartes postales. Cultures en circulation, Le Mot et le Reste, Novembre 2022
Avec Michèle Fontaine.
Le festival mille lectures d’hiver et les archives générées par le dispositif fournissent un terrain d’observation privilégié des émotions littéraires, de la multiplicité de leurs formes, de leurs temporalités et de leurs acteurs, mais aussi de l’amplitude de leur champ sémantique et de la difficulté à les saisir et à les décrire. L’article prend la forme d’un entretien avec Michèle Fontaine, responsable du projet (2006-2022), d’une excursion dans les archives, puis il fournit des pistes méthodologiques pour une analyse appliquée des traces archivistiques des émotions littéraires.
À la croisée de la réflexion politique et esthétique, l’article analyse l’avènement de l’homo ritualis à la zad de Notre-Dame-des-Landes comme un double dépassement des figures de l’homo magicus et de l’homo ludens. Il montre ce qui distingue le matérialisme de l’enchantement à la zad de la magie romantique mais aussi de l’activisme artistique situationniste. L’inflation de la modalité rituelle, en matière d’articulation du symbolique et des pratiques politiques, repose une territorialisation spécifique des formes et des luttes. Le rituel constitue la forme contemporaine territorialisée de réunion de l’art et de la vie, et il impulse un renouveau dans le rapport entre les pratiques artistiques et le sacré qui oscille entre jeu et sérieux.
Si étymologiquement l’économie est la « règle » (nomos) de la « maison » (oikos) – la gestion du foyer –, la question du travail domestique a pourtant longtemps été placée en dehors des frontières de la discipline. Depuis les années 1970, des travaux en économie et sociologie ont ouvert le débat. Fruit d’une collaboration interdisciplinaire entre une économiste et une littéraire, cet article propose d’outiller les questionnements de la discipline économique à partir de l’analyse de textes littéraires contemporains qui fournissent des réponses singulières aux problèmes de la visibilité, de la mesure et de l’évaluation de l’économie domestique. Il s’appuie sur l’analyse des œuvres de Annie Ernaux (La Femme gelée, 1981), Noëlle Revaz (Rapport aux bêtes, 2002), Sophie Divry (La Condition pavillonnaire, 2014).
Qu'il collecte les matériaux de son futur ouvrage ou propose un atelier d'écriture dans le cadre d'une résidence, qu'il hérite des savoir-faire de son second métier de journalisme ou qu'il s'essaie à de nouvelles formes littéraires entre enquête et document, l'écrivain contemporain se présente fréquemment comme un écrivain de terrain. Cet article a pour objectif de fonder un état des lieux affiné du terrain des écrivains contemporains à partir de l’analyse précise de trois objets en apparence évidents, qui sont autant de symptômes des grandes évolutions qu’a connues le terrain conçu comme activité littéraire contemporaine. Une enquête sur l’usage du mot « terrain » dans le discours des écrivains contemporains, l’attribution du prix Nobel à l’écrivaine Svetlana Alexievitch en 2015 et la sortie du film L’Atelier de Laurent Cantet en 2017 constituent les trois objets à l’épreuve desquels il s’agira d’examiner les représentations, la consécration et l’institutionnalisation du terrain des écrivains contemporains.
communication, 2021.
L’article déplie la notion de commande (sous la forme d’un éventail typologique) et la question de son
articulation précise à la diversité des attentes institutionnelles dans le cadre des résidences d’écrivains
contemporaines. Sont analysés les imaginaires auctoriaux du « compagnon de route », du « médiateur » et de
l’écrivain « associé » et les contreparties qui leur sont associées en matière de production littéraire.
De 2008 à aujourd’hui, l’occupation de la zad (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes s’est accompagnée d’une considérable production textuelle aux formes, aux modalités de publication et aux fonctions fortement hétérogènes. Mais parce qu’elles s’inscrivent toujours dans des situations conflictuelles, ces productions sont à envisager comme des littératures offensives. L’article a vocation à dresser une cartographie problématisée de ces multiples productions et propose un parcours autour de cinq modalités selon lesquelles ces productions sont envisagées comme des ressources pour les luttes : contredire, documenter, fronder, devenir complices du lieu et construire des situations sont autant d’offensives littéraires qu’il s’agit d’analyser.
L’institutionnalisation massive des résidences d’écrivains en France depuis les années 1990 a généré un ensemble de productions littéraires qui échappent bien souvent à l’analyse littéraire. Fondé sur l’étude de multiples productions résidentielles (blogs, journaux de résidences, ouvrages collectifs, littérature exposée…), l’article identifie les spécificités poétiques de la « matrice résidentielle ». Pour le dire autrement, il propose d’articuler les déterminations contextuelles à des caractéristiques formelles communes à l’ensemble de cette littérature résidentielle. Processus et périodicité, ancrage local de la production et de la circulation, sphères locales de publication ou encore imaginaire participatif sont autant de traits communs qui permettent d’appréhender les spécificités contextuelles et de là formelles de cette production hétérogène.
L’article montre comment les pratiques et les savoirs qu’élaborent les littératures de terrain sont en dialogue permanent avec les évolutions épistémologiques de leur temps. Il réinscrit avant tout l'opération de terrain dans la longue histoire des pratiques de savoir-pouvoir dont Foucault a amplement retracé la généalogie, afin de comprendre comment la littérature contemporaine hérite et renégocie ce premier héritage du terrain comme opération disciplinaire. Prenant tour à tour les formes de l'enquête, de l'élucidation et de l'examen, l’opération de terrain confronte les écrivains à la figure du policier – dans les textes de Jean Rolin, d'Arno Bertina, de Sylvain Pattieu et de Sylvain Prudhomme notamment. Mais c'est également face la figure du visiteur du pauvre, précurseur de l'opération d'élucidation du social par le terrain, que la littérature doit se positionner - ainsi les visites de l'habitat insalubre parisien menées par Joy Sorman. L’article resitue ensuite les opérations littéraires de terrain contemporaines dans un vaste champ de pratiques dont les enjeux ont été considérablement affinés depuis les années 1980. L’opération de terrain désigne bien souvent une expérience sensible, qui mobilise à la fois les sens et les sentiments, ainsi qu’une expérience relationnelle. Ainsi, dans Une île une forteresse de Hélène Gaudy, la “sensation de l'herbe” et le “sentiment de l'île” sont au fondement du processus de connaissance de terrain. D'autre part, “relation d'enquête”, “co-savoir”, engagement mutuel et co-construction, tels qu'ils ont pu être définis par le tournant du care dans les sciences de terrain, apparaissent chez Hélène Gaudy comme les maîtres mots d'un terrain littéraire tâchant de déjouer la charge disciplinaire des opérations d’enquête ou d’intervention.
Nous habitons ici et ça n'est pas peu dire », déclare en 2012 un collectif d' « habitants qui résistent » de la zone à défendre de Notre-dame-des-Landes. S'il est bien un terrain où la question de l'habiter est au cœur de tensions politiques, artistiques et existentielles, c'est bien la zad de Notre-Dame-des-Landes. On propose, dans une perspective littéraire, d'envisager les rapports polémiques, politiques et esthétiques qu'entretient la production littéraire de Notre-Dame-des-Landes au concept de l'habiter.
L’article étudie les nouveaux rapports qui se négocient entre écrivain, production littéraire et territoire dans le cas de la résidence d’écrivain. À partir d’entretiens avec une dizaine de professionnels impliqués dans le dispositif – bibliothécaires, chargés de mission, auteurs – d’une enquête archivistique sur la mise en place d’« Écrivains en Seine-Saint-Denis » et d’une analyse des textes, qu’ils soient directement ou indirectement issus des résidences : il s’agit de comprendre leur influence sur les productions littéraires et in fine l’impact en retour sur le territoire de résidence lui-même.
En détournant le rapport de ses contextes de production traditionnels, la littérature contemporaine produit des textes expérimentaux qui s’inspirent tout autant qu’ils mettent à distance le genre du rapport et ses fonctions discursives attendues. L’article propose plus particulièrement une analyse de cette appropriation du rapport chez Christophe Hanna et Hugues Jallon, deux auteurs situés au pôle de production restreinte du champ littéraire français. L’hybridation générique de leurs textes est en partie mise au service d’un projet de déconstruction satirique : la composition textuelle, la langue et les procédures de description et d’évaluation du rapport sont mises en question. Toutefois la double appartenance générique est également l’occasion d’une investigation littéraire, qu’il s’agisse de mettre en jeu de nouvelles relations entre le corps de texte et les documents ou de rapporter une enquête statistique sous une forme inédite. Après une étude de la composition et des figements que donnent à lire ces rapports littéraires, l’article analyse leurs possibles effets pragmatiques et leurs limites.
À partir du cas spécifique d’une intervention hors livre d’Emmanuelle Pireyre doublée d’un texte, « Comment j’ai nettoyé une phrase de Duras » (2012), il s’agit de proposer un modèle théorique pour penser une politique des littératures dites « contextuelles » (Ruffel, 2010), « hors du livre » (Rosenthal, Ruffel, 2010 et 2018), « relationnelles » (Viart, 2019), « en activité » (Meizoz, 2018), « contemporaines » (Mougin, 2019) ou encore des « arts littéraires » (Bisenius-Penin, Audet & Gervais, 2022 ; Audet 2023) de plus en plus analysées dans les études littéraires. Par l’élaboration d’une théorie de la reproduction littéraire, on souhaiterait doter la discipline d’outils marxistes permettant de comprendre de manière unifiée la politique de ces littératures non productives, ou, plus précisément, qui entretiennent des rapports contradictoires avec les institutions de la production littéraire (décalages disciplinaires, interrogation des supports, critique institutionnelle, déconstruction des répartitions actancielles de la chaîne de production littéraire).
Cet article identifie et distingue trois visions du monde contradictoires et souvent impensées dans les formes et gestes des recueils de voix non-fictionnels contemporains : une vision romantique, une vision éthico-médiatique et une vision réaliste. Ces visions du monde témoignent de manières divergentes de concevoir la politique, l’éthique, les personnes rencontrées et les processus de connaissance mis en place par les collectes et montages de voix. Les partis pris des trois paradigmes idéal-typiques des voix orchestrées sont analysés : voix des derniers, voix des invisibles, voix des ordinaires.
Chez Jean Rolin, les reportages de guerre font la part belle à l’anecdotique et au hors-champ, aux détails et aux à-côtés. L’auteur lui-même n’assume pas pleinement l’identité de reporter de guerre. L’article propose de saisir les implications de ces problématiques appartenances génériques et statutaires sur le plan de la production littéraire. Il analyse l’importance de la notion d’imposture qui fonde le rapport de l’écrivain au journalisme, mais plus généralement au monde extérieur et montre comment cette imposture s’articule à une véritable attention portée à ce qui, dans la guerre, paraît « insignifiant » et « déplacé ». Le parti pris pour le dérisoire constitue l’une des polarités génériques de l’œuvre de Jean Rolin qui oscille entre littérature et reportage journalistique. Il constitue également un possible parti pris politique, en tant qu’il fournit l’occasion, inlassablement renouvelée, d’une confrontation avec les engagements partisans.
Il s'agira ici d’envisager la notion d'imposture comme une matrice énonciative du dispositif rolinien, à la source du caractère «absolument insaisissable de [s]a démarche littéraire ambulatoire » (Traverses).
"Territoires et frontières : le développement à l’épreuve des
régions frontalières"
Le développement général du dispositif de la résidence d'écrivain est à comprendre dans le cadre du tournant des années 1980 d'une territorialisation des politiques culturelles et semble constituer une ressource territoriale qui attire l'intérêt croissant des politiques publiques depuis vingt ans. Le dispositif « Écrivains en Seine-Saint-Denis », l'un des dispositifs les plus anciens et les plus pérennes en France, oblige cependant le chercheur à préciser la nature de la ressource que peut représenter l'écrivain en résidence. D'un référentiel communiste de la culture comme instrument d'émancipation et de lutte contre la ségrégation sociale au marketing territorial et à l'attraction de la classe créative, une constante semble se dégager dans les politiques publiques de la Seine-Saint-Denis : la difficulté, voire le refus d'une évaluation stricte de la plus-value de l'écrivain en résidence sur le territoire du département. On proposera d'analyser la résidence d'écrivain comme ressource symbolique pour le territoire, voire pour le territoire littéraire avant tout.
Du dérèglement physiologique des humeurs à la division freudienne du Moi suite au processus d'identification à l'objet du désir perdu, des larmes d'Achille au soleil noir nervalien qui éclaire l'ensemble du texte, Tombeau d'Achille se présente comme une archéologie de la notion même de mélancolie, et cela sous la forme d'une biofiction, forme contemporaine de la biographie qui place précisément en son cœur deux motifs mélancoliques majeurs : la confusion de ce qui vit et ce qui meurt et la confusion du sujet et de l'objet. En effet les biographies de la collection « L'un et l'autre » posent la question de la fin de la privatisation des processus identitaires : le narrateur s'inscrit en « filigrane »1 dans la vie du biographé, l'un et l'autre se confondent sous la forme d'une hantise proprement mélancolique : « l’œil du mélancolique fixe l’insubstantiel et le périssable, sa propre image »2 selon le mot de Starobinski.
L'enjeu du texte littéraire est alors celui du passage de la mélancolie au travail de deuil : si Tombeau d'Achille s'inscrit dès le titre dans le genre ancien du tombeau poétique et introduit par là une véritable tension entre présence et absence, en célébrant l'immortelle vie Achille tout en tentant de rémunérer son absence, la démarche du narrateur bascule progressivement vers une tentative de mise à distance de la mélancolie : l’œuvre littéraire devient travail de deuil, l'archéologie se mue en rituel d'enterrement.
Le fil rouge du propos sera d'analyser cet héritage des discours et des représentations – artistiques, philosophiques, psychologiques – de la mélancolie au sein de la littérature contemporaine que l'on présente traditionnellement comme une fusion de tous les siècles mais qui est peut-être ici plutôt une mise à distance, parfois ironique, du legs mélancolique.
1. Gefen, Alexandre, « Soi-même comme un autre » in Fictions biographiques, XIXe-XXIe siècles, Anne-Marie Monluçon, Agathe Salha, Brigitte Ferrato-Combe et Equipe Crise de la représentation, Presses universitaires du Mirail, Toulouse : 2007, p. 69.
2. Jean Starobinski, La mélancolie au miroir. Trois lectures de Baudelaire, Paris, Julliard, 1989, p. 49-50.
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Trafic saturé, saturation des quartiers centraux et même saturation de la banlieue... le terme « saturation » est omniprésent dans les discours sur la ville. Pourtant, c’est un terme qui n’est pas sans équivoque puisqu’il est emprunté à la chimie pour qualifier un état limite d’absorption ou de dissolution d’une substance dans une autre et impose ce faisant de penser un seuil d’urbanisation. Afin de guider la réflexion, nous nous proposons dans un premier temps de le définir comme un qualificatif péjoratif visant à désigner un état limite de la coprésence au sens de « rassemblement dans un même lieu de réalités sociales distinctes » (Lévy et Lussault, 2003).
Dans le cadre des questionnements que nous développons au sein du laboratoire junior « SpatiaLittés » autour des rapports entre texte et espace, il nous a semblé intéressant d’interroger la pertinence du recours à ce terme de saturation à propos de la ville. Comme notion aux contours vagues, tout autant que comme objet de pensée complexe, il paraît se prêter idéalement au jeu de l’interdisciplinarité, questionnant à la fois l’expérience sensible à laquelle se livre le citadin, l’espace qu’il parcourt, et les différents textes qui en rendent compte. Cette journée d’études pluridisciplinaire se propose donc de considérer l’expérience sensible de la ville saturée en s’appuyant sur l’analyse des textes qui la décrivent et en interrogent ainsi les propriétés.
On se demandera entre autres quels dispositifs esthétiques la saturation urbaine permet d’explorer. Peut-on parler d’une stylistique ou d’une rhétorique de la saturation qui viendrait ainsi influencer la forme même des textes ? De façon plus générale, que disent ces textes de l’influence de cette saturation sur la relation que le citadin entretient avec son espace de vie ? L’enjeu d’une telle approche pourrait rejoindre in fine celui d’une définition de la ville : la saturation comme trait caractéristique fait-elle rupture dans l’histoire des formes urbaines ? Entre-t-elle dans l’analyse de ce que Marc Augé appelle la « sur-modernité », à savoir une ère de la civilisation occidentale marquée par la « surabondance de causes » ?
Retrouvez toutes les informations pratiques, le programme détaillé ainsi que le résumé des interventions sur notre site web ou dans le fichier joint.
Au plaisir de vous y retrouver !
- L'école du style (Pauline Bruley, MCF à l'université d'Angers)
- Le style comme signal et condition sociale de littérarité (Vincent Berthelier, doctorant à Sorbonne Université, Paris IV)
- Pour une théorie stylistique marxiste : lecture de The Politics of Style (2017), de Daniel Hartley (Marion Leclair, ATER à l'université de Cergy)
Dans Littérature et Révolution (2024), publié l’année du centenaire du Littérature et Révolution de Trotsky (1924), Joseph Andras et Kaoutar Harchi relancent la question des modalités de participation des écrivains compagnons de route à la révolution communiste. La forme conversationnelle prise par l’ouvrage a l’intérêt de susciter et de témoigner à la fois de la possibilité d’un dialogue resserré entre les deux auteurs, et des profondes divergences qui nourrissent leur dialogue. Cet article tâche de restituer, sans les séparer, les manières dont les deux écrivains pensent leur travail d’écriture, leur engagement à gauche et leur situation dans l’espace public médiatique contemporain.
Compte-rendu Acta Fabula de Pierluigi Basso Fossali (dir.), « Incitation à l'action et genres de discours programmateurs », Langue française, no 206, 2020/2.
URL : https://journals.openedition.org/lectures/17422
Alors que son ouvrage précédent, Géo-photographies, prenait en charge la question fondamentale des déterminations matérielles et institutionnelles, Enquêtes fait la part belle aux enjeux esthétiques et cognitifs, ce qui constitue à la fois sa grande qualité et sa limite. L’approche pragmatique de l’enquête conçue de manière très large comme expérience cognitive donne parfois lieu à des rapprochements entre photographie et recherche scientifique qui restent à étayer. Enquêter sur le web peut-il transformer un site en «laboratoire
»? Une série de photographies de paysages de gare peut-elle «rappeler les transects [coupes le long d’un tracé linéaire] pratiqués par les géographes ou les botanistes»? C’est véritablement la question du sens figuré et de l’analogie que pose cette notion d’«enquête», en constante expansion dans la recherche en art. Le livre ne propose pas de la résoudre mais il fournit un panorama précieux, finement analysé et organisé, du foisonnement des pratiques documentaires en photographie contemporaine.