
Martin Givors
Martin Givors est docteur en arts de la scène et praticien des arts gestuels et médicaux chinois. Ses recherches, à la croisée des arts et de l’anthropologie, se consacrent à l’étude des caractères initiatiques, sensibles et politiques des pratiques corporelles, et à leur inscription dans les lignes de vie de celles et ceux qui les performent.
Entre 2017 et 2018, il co-dirige avec Claire Besuelle le cycle d'ateliers de practice-led research "L'invisible en jeu : pensées et pratiques de l'énergie dans les arts de la scène", avec notamment l'acteur Yoshi Oida, la danseuse Germana Civera, le pédagogue Alexandre del Perugia, l'anthropologue François Laplantine et l'ethnoscénologue Jean-Marie Pradier.
Il est membre depuis juin 2020 du conseil d'administration de l'Association des Chercheurs en Danse.
Entre 2017 et 2018, il co-dirige avec Claire Besuelle le cycle d'ateliers de practice-led research "L'invisible en jeu : pensées et pratiques de l'énergie dans les arts de la scène", avec notamment l'acteur Yoshi Oida, la danseuse Germana Civera, le pédagogue Alexandre del Perugia, l'anthropologue François Laplantine et l'ethnoscénologue Jean-Marie Pradier.
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Papers by Martin Givors
Au fil d'observations répétitions, d'entretiens intermittents et de discussions ordinaires, j'ai été amené à comprendre que Fractus V (2015), un spectacle chorégraphique conçu par Sidi Larbi Cherkaoui aux côtés de quatre autres danseurs issus de techniques de danse très différentes, était (différemment) vécu par les interprètes à la manière d'un processus de croissance, un « rite de passage » (Cherkaoui) qui demandait à être entrepris au sein d'une compagnie hétérogène. Au sein de ce projet, la chorégraphie elle-même était considérée par le danseur Johnny Lloyd à la manière d'un « mantra », c'est-à-dire « quelque chose que l'on répète encore et encore afin de se transformer ». C'était une pratique, et en tant que telle, elle ne devait pas seulement être sue mais également performée à répétition pour être efficiente. En conséquence, du point de vue des performeurs, l'objet chorégraphique n'était pas une fin en lui-même, mais plutôt un genre d'outil pour le développement de leur corps dansant, jouant et chantant. Relever et porter à l'étude la puissance de transformation interne de cette production m'a méthodologiquement demandé de suivre les chemins des artistes sur et hors scène, avant, pendant et après le spectacle, en différents lieux et différents temps, parce que les transformations du corps demandaient du temps pour être révélées et verbalisées. Ce manière de concevoir un processus de création ne manque pas de mettre à l'épreuve nos définitions de la recherche en génétique et nous conduira au fil de cet article à développer une compréhension écologique de la compagnie de Fractus V comme milieu intermittent et nomade habité par des performeurs-en-devenir.
Summary
Throughout repeated observations, intermittent interviews with the team and ordinary discussions, I realized that Fractus V (2015), a choreographic production led by Sidi Larbi Cherkaoui alongside with four dancers coming from very different dance backgrounds, was (differently) experienced by the performers as a transformative journey, a "rite of passage" (Cherkaoui) that needed to be undertaken within a heterogeneous company. In this project, the choreography itself was considered by the dancer Johnny Lloyd as a "mantra", "a thing that you repeat over and over and over to transform". It was a practice, and as such, it had to be not only learned but also performed again and again to be efficient. Consequently, for the performers, the choreographic work was not an end in itself but a tool for the playing//singing/dancing body-development. Noticing and studying the inner transforming power of this production asked me to follow the performers' pathways on and out stage, before, during and after the show, in different places and different times, because the bodily transformations required patient observation to be revealed and verbalized. This way of conceiving a creative process might challenge our definition of genetic research and lead us to develop an ecological understanding of the Fractus V's company as an intermittent and nomadic milieu or habitat dwelled by performers-in-becoming.
« L’invisible en jeu », dans la veine de l’anthropologie écologique – c’est-à-dire incarnée et située – développée par Tim Ingold, fait du corps du chercheur-praticien le creuset et l’outil d’une recherche qui ne distinguerait pas « la matérialité des sens » de « l’idéalité du sens », pour reprendre les termes d’un autre anthropologue, François Laplantine.
Dimitri Jourde. La seconde leçon ? Que l’épreuve du caractère têtu, acharné et systématique des forces en jeu lorsque l’on se met en mouvement, est une expérience écologique. Cette expérience ne passe ni par le fait d’annuler, dissoudre ou dépasser ces forces ni par le fait de coïncider avec elles. Elle repose plutôt sur la capacité
à construire avec elles des rapports subtils de composition. Pourquoi évacuer l’ « urgente précarité » de ce rapport à la terre, se demande Martin Givors ? Rapport constitutif et renversant, cruel car infaillible, et pourtant libérateur quand on apprend à négocier et à se laisser vivre dans ses parages (Paxton).
La chute deviendrait alors une expérience pratique de réanimation, comme lorsque l’on tombe sur la tête, sonné, que tournoient les chandelles, et qu’en se relevant à soi-même on se dit : « Nous ne sommes pas seuls au monde ! ».
L’objet de cet article sera d’interroger les enjeux pratiques, techniques et écologiques de ces régimes de perception et d’interaction avec les forces qui maillent et travaillent notre environnement. A travers l’étude des pratiques d’attention, d’équilibre et de conversation avec ces « courants d’air », nous tenterons de comprendre comment se développe un art de la composition des rapports, au sens de Deleuze, entre un performer et l’espace au travers duquel il évolue.
Au fil d'observations répétitions, d'entretiens intermittents et de discussions ordinaires, j'ai été amené à comprendre que Fractus V (2015), un spectacle chorégraphique conçu par Sidi Larbi Cherkaoui aux côtés de quatre autres danseurs issus de techniques de danse très différentes, était (différemment) vécu par les interprètes à la manière d'un processus de croissance, un « rite de passage » (Cherkaoui) qui demandait à être entrepris au sein d'une compagnie hétérogène. Au sein de ce projet, la chorégraphie elle-même était considérée par le danseur Johnny Lloyd à la manière d'un « mantra », c'est-à-dire « quelque chose que l'on répète encore et encore afin de se transformer ». C'était une pratique, et en tant que telle, elle ne devait pas seulement être sue mais également performée à répétition pour être efficiente. En conséquence, du point de vue des performeurs, l'objet chorégraphique n'était pas une fin en lui-même, mais plutôt un genre d'outil pour le développement de leur corps dansant, jouant et chantant. Relever et porter à l'étude la puissance de transformation interne de cette production m'a méthodologiquement demandé de suivre les chemins des artistes sur et hors scène, avant, pendant et après le spectacle, en différents lieux et différents temps, parce que les transformations du corps demandaient du temps pour être révélées et verbalisées. Ce manière de concevoir un processus de création ne manque pas de mettre à l'épreuve nos définitions de la recherche en génétique et nous conduira au fil de cet article à développer une compréhension écologique de la compagnie de Fractus V comme milieu intermittent et nomade habité par des performeurs-en-devenir.
Summary
Throughout repeated observations, intermittent interviews with the team and ordinary discussions, I realized that Fractus V (2015), a choreographic production led by Sidi Larbi Cherkaoui alongside with four dancers coming from very different dance backgrounds, was (differently) experienced by the performers as a transformative journey, a "rite of passage" (Cherkaoui) that needed to be undertaken within a heterogeneous company. In this project, the choreography itself was considered by the dancer Johnny Lloyd as a "mantra", "a thing that you repeat over and over and over to transform". It was a practice, and as such, it had to be not only learned but also performed again and again to be efficient. Consequently, for the performers, the choreographic work was not an end in itself but a tool for the playing//singing/dancing body-development. Noticing and studying the inner transforming power of this production asked me to follow the performers' pathways on and out stage, before, during and after the show, in different places and different times, because the bodily transformations required patient observation to be revealed and verbalized. This way of conceiving a creative process might challenge our definition of genetic research and lead us to develop an ecological understanding of the Fractus V's company as an intermittent and nomadic milieu or habitat dwelled by performers-in-becoming.
« L’invisible en jeu », dans la veine de l’anthropologie écologique – c’est-à-dire incarnée et située – développée par Tim Ingold, fait du corps du chercheur-praticien le creuset et l’outil d’une recherche qui ne distinguerait pas « la matérialité des sens » de « l’idéalité du sens », pour reprendre les termes d’un autre anthropologue, François Laplantine.
Dimitri Jourde. La seconde leçon ? Que l’épreuve du caractère têtu, acharné et systématique des forces en jeu lorsque l’on se met en mouvement, est une expérience écologique. Cette expérience ne passe ni par le fait d’annuler, dissoudre ou dépasser ces forces ni par le fait de coïncider avec elles. Elle repose plutôt sur la capacité
à construire avec elles des rapports subtils de composition. Pourquoi évacuer l’ « urgente précarité » de ce rapport à la terre, se demande Martin Givors ? Rapport constitutif et renversant, cruel car infaillible, et pourtant libérateur quand on apprend à négocier et à se laisser vivre dans ses parages (Paxton).
La chute deviendrait alors une expérience pratique de réanimation, comme lorsque l’on tombe sur la tête, sonné, que tournoient les chandelles, et qu’en se relevant à soi-même on se dit : « Nous ne sommes pas seuls au monde ! ».
L’objet de cet article sera d’interroger les enjeux pratiques, techniques et écologiques de ces régimes de perception et d’interaction avec les forces qui maillent et travaillent notre environnement. A travers l’étude des pratiques d’attention, d’équilibre et de conversation avec ces « courants d’air », nous tenterons de comprendre comment se développe un art de la composition des rapports, au sens de Deleuze, entre un performer et l’espace au travers duquel il évolue.